Brucellose dans le Bargy. Le bouquetin est-il de trop ?

Promotion 2014

Le 1er octobre 2013, le préfet de Haute-Savoie, Georges-François LECLERC a ordonné l’abattage des bouquetins des Alpes (Capra Ibex), mâles et femelles âgés de cinq ans et plus dans le massif du Bargy [1]Cette décision d’abattre une espèce protégée au niveau national [2] et européen [3] pose un nombre d’interrogations qui portent aussi bien sur l’utilité de cet abattage pour contrer l’épidémie que sur les motivations derrière cette décision.

Un processus complexe se met alors en marche. Celui-ci est alimenté par des résultats scientifiques, des opinions publiques antagonistes, des lobbies de chasseurs et d’éleveurs ou de décisions législatives. Depuis la découverte en avril 2013, d’une souche de Brucella, bactérie responsable de la brucellose, dans le lait d’une vache, puis l’avis de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) selon lequel les bouquetins auraient pu jouer le rôle de réservoir à bactéries entre les deux foyers épidémologiques bovins de 1999 et 2012, [4] des mesures d’abattage sont prises, et dans le même temps, des associations écologistes se mobilisent pour dénoncer une décision hâtive et inefficace. Face à eux les éleveurs et particulièrement les producteurs de Reblochon, fromage au lait cru particulièrement sensible à la contamination, avancent la présence d’un risque bien trop important. Les agences sanitaires sont appelées pour émettre leur avis, et tandis que la controverse enfle, les instances législatives doivent prendre une décision. Mme. Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, affirme le 6 septembre 2013 vouloir procéder à un abattage total [5] avant de revenir sur sa position le 21 novembre [6]. Il y aura un abattage sélectif des bouquetins dans le massif du Bargy.

La controverse de la brucellose du bouquetin a cette particularité d’être similaire avec de nombreux autres problèmes de santé publique. La vache folle, la grippe H5N1 et les OGMs ressemblent tout autant à ce cas par leur forme : une opinion publique divisée, une méthode de lutte face au problème contestée et un sujet très sensible : la santé publique et l’économie d’un terroir menacée. Face à cette contestation et remise en cause, il y a nécessité d’agir au plus vite dans un débat qui inclut les notions de principe de précaution et prise de risque. Comment concilier préservation de l’environnement, celle d’une espèce protégée dont la réintroduction a été soigneusement menée, et intérêts économique d’une région qui vit principalement de ses élevages et des productions laitières. La législation se doit-t-elle de suivre à la lettre les avis scientifiques ou doit-elle privilégier la sécurité de ses populations au détriment de la faune et la flore ? La controverse nous pousse à nous interroger sur les risques véritables de cette contamination. Pourquoi le ministère tient-il tant à procéder à l’abattage contre l’avis des agences sanitaires ? Comment prévenir des épidémies et des propagations dans des écosystèmes où l’être humain est en contact direct avec les animaux ? Doit-on privilégier notre santé publique au détriment de celle des autres espèces ? On touche ici à un point délicat : le respect de la biodiversité et de l’écologie face à la santé publique et l’économie locale. Tout l’enjeu de cette controverse est de décrire les jeux d’acteurs et les points de confrontation dans ce triangle.

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