Aspect économique

Parmi les caractéristiques du projet EPR fournies par Areva et Siemens on trouve un coût du kWh de 10% au coût actuel de l'électricité fournie par les centrales nucléaires actuelles. Areva justifie la baisse du coût par une plus grande puissance des réacteurs (1600 MW au lieu de 1450 pour les dernières centrales) et donc une économie d'échelle, une construction plus courte (5 ans au lieu de 8 pour les dernières centrales), un meilleur rendement (36% au lieu de 33% actuellement), une durée de vie de 60 ans, une demande réduite en combustible (et donc moins de coût d'extraction et de retraitement). Cependant ce coût est particulièrement controversé puisque les associations écologistes trouvent les objectifs économiques d'Areva bien peu réalistes.

Si les différentes parties sont d'accord sur les coûts d'exploitation, il n'en est pas de même pour les coûts de construction ainsi que sur ceux de retraitement. Alors que la DGEMP table sur un investissement de 1045 € par kW installé (en se basant sur les données fournies par Areva), alors que le rapport Charpin-Dessus-Pellat (CDP) sur lequel s'appuie de nombreuses associations écologistes avait calculé un investissement nécessaire de 1270 €/kW, ce qui représente un écart de 22%. Les opposants au projet ajoutent même que le coût pourrait être encore bien plus important car ils affirment que les dernières tranches N4 construites en France auraient coûtés 2580 €/kW en raison de retard sur les travaux et de la révision des dispositifs de sécurité des sites.

Comparativement à son principal concurrent d'ici 10 à 20 ans que représentent les centrales à cycles gaz combinés, le coût de l'électricité nucléaire est estimé inférieur par les concepteurs du projet. Actuellement, l'électricité nucléaire produite par EDF coûte entre 2,75 et 3,30 centimes d'euros par kWh (même si un calcul réel du coût est très difficile étant donné que les investissements ont été pris en charge par l'état et non par EDF) tandis que le gaz revient à 3,90 centimes par kWh et le charbon 3,70 centimes. Si l'avantage est au nucléaire en France, il n'en est pas de même dans tous les pays.

Selon Areva, le prix de l'électricité issu de l'EPR serait inférieur à 20% à celui donné par des cycles à gaz combinés. Pour donner ses chiffres, Areva s'appuie essentiellement sur les études de la DGEMP. Selon la DGEMP, suivant le taux d'actualisation que l'on prend en compte, l'électricité de base (base de 8000h/an) serait plus chère de 23% à 54% pour le gaz que pour l'EPR et le charbon à lit fluidisé de 13% à 26%. En base, l'EPR revient donc moins cher que les sources fossiles selon la DGEMP. Cependant, selon le rapport publié par Global Chance ce prix est largement faussé car il est calculé pour des centrales tournant aux alentours du maximum de leur capacité alors qu'ils estiment qu'en cas de construction de centrales EPR dans les années 2015-2020 le réseau serait surdimensionné et donc que la rentabilité des centrales diminuerait.

Areva aboutit donc à un prix moyen de 24 à 32 €/MWh nucléaire face à un prix de 31 à 57 €/MWh pour le gaz. A ces coûts s'ajoutent des externalités environnementales jugées respectivement de 2 à 7 €/MWh pour le nucléaire et de 10 à 40 €/MWh pour le gaz. C'est au sujet du coût des externalités (qui pourrait atteindre une part importante du coût de l'électricité produite) que la polémique est la plus importante. Selon les défenseurs de l'EPR, ce sont les conséquences des gaz à effets de serre qui seraient bien plus onéreuses, tandis que pour les associations opposées au projet les risques nucléaires ainsi que les déchets sont davantage coûteux. Selon Global Chance qui reprend les conclusions du rapport CDP, le coût des externalités nucléaires est bien plus grand, tant du point de vue du risque d'accident majeur que de celui des déchets radioactifs dont le retraitement serait extrêmement cher. Le retraitement est évalué (à l'issue 2020-2025) à 45O €/kg de déchets par Areva et la DGEMP alors que le calcul du rapport CDP donne un prix de 870 € à 1500 € par kilos. Les conclusions d'Areva diffèrent encore de celles du rapport CDP au sujet de la dépendance du coût à celui de la matière première. Alors que le rapport CDP aboutit au résultat étonnant que le combustible représente 30% du coût de l'électricité nucléaire, Areva utilise l'argument de la stabilité du prix du nucléaire puisqu'une hausse de 10% du prix de l'uranium n'entraînerait qu'une hausse de 0,5% de celui de l'électricité (contre une hausse de 6% pour une même hausse des tarifs de gaz).

Un autre aspect économique qu'il ne faut pas négliger est la capacité de l'EPR à cadrer avec la libéralisation du marché de l'électricité. En effet, la construction de centrales exige un blocage de capitaux durant une très longue période et l'investissement à très long terme est peu adapté à des sociétés privées. L'EPR et le nucléaire en général semble donc peu adapté avec l'ouverte des marchés de l'électricité dans les pays développés (cf. cette citation). De plus on peut se demander si la sécurité des centrales ne sera pas limitée en cas de privatisation des investisseurs. Cependant, les pro-EPR rétorquent que la place de l'EPR n'est pas si mauvaise que cela dans une économie de marché, comme la prouve la décision du groupe privé Finlandais TVO (cf. le projet EPR finlandais) de commander des centrales EPR ou encore la décision des Etats-Unis de relancer en partie le programme nucléaire en plein contexte concurrentiel. En France, la situation est encore différente puisque la libéralisation du marché ne signifie pas pour autant l'absence d'investisseur national puisque EDF restera pour de nombreuses années encore le leader du marché et que les syndicats font pressions pour qu'une ouverte de capital s'accompagne de la décision de construire l'EPR.

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