L'EPR, un besoin ?

Le débat autour du renouvellement du parc nucléaire français à partir de la technologie de l'EPR est intense. Il ne s'agit pas d'une simple opposition entre pro-nucléaires et opposants. C'est plutôt le scénario élaboré par EDF et le gouvernement qui est contesté. En effet le parc actuel est vieillissant et la décision qui doit être prise par le gouvernement concerne le moyen de parer au démantèlement progressif des centrales qui est censé commencer d'ici 2030. Cette date semble pour plusieurs associations écologistes encore éloignée et elles considèrent qu'il est nécessaire de se laisser le temps de la réflexion. Selon Global Chance, la construction de nouvelles centrales n'est pas nécessaire avant 2028 voir 2033 selon la durée de vie du parc actuel qui est estimé à 41-43 ans. Enfin, toujours selon la même association, le parc actuel est surdimensionné et n'est utilisé qu'à 70% de sa capacité. Ce chiffre pourrait passer à 84% en 2030. Cette date nous conduit au deuxième élément essentiel du débat : la date de mise en service des réacteurs de quatrième génération. Dans le même temps, Edf conclue qu'il va être nécessaire de construire 35 nouveaux réacteurs d'ici 2070 pour assurer la production d'électricité.

Trois facteurs permettront de répondre à la question sur la nécessité de l'EPR : la consommation énergétique future, la durée de vie des centrales actuelles et la date de mise en service possible des réacteurs de troisième génération.

> La consommation énergétique future
> Durée de vie des centrales
> Et la 4ème génération, c'est pour quand ?

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I- La consommation énergétique future

La croissance de la consommation énergétique française est évidente, mais dans quelles proportions ? Quel niveau de production doit assurer EDF, quel sera l'impact de la libéralisation du marché de l'énergie ? Selon les écologistes, les prédictions d'EDF sont fantaisistes. Ainsi en 1970, l'électricien français prévoyait la construction de 200 réacteurs avant 2000. Ses détracteurs jugent que ces prédictions sont biaisées par la propension qu'a EDF à pousser à la consommation. Les résultats les plus souvent rencontrés font état de trois scénarii  : bas, moyen et haut. Dans tous les cas la consommation augmente mais on note une inflexion de la courbe due à une meilleure efficacité (en effet il y a 50 ans, l'augmentation était de +8% alors qu'elle n'est aujourd'hui que de 2% par an). Selon Areva la consommation aura augmentée de 33% en 2030, ce qui selon la DGEMP va nécessiter la production de 18 000 MW supplémentaire, même avec un taux d'exploitation de 90% du parc. A la vue des trois scénarii, il apparaît que les déclarations du gouvernement sont tournées vers l'économie d'énergie et le développement du renouvelable mais pour l'instant les décisions prises rentrent dans le cadre du second scénario (point de vue de Bertrand Château, directeur d'Enerdata).

 

II- Durée de vie des centrales

Le parc nucléaire aura 30 ans en moyenne en 2011, et en 2020 14 réacteurs auront plus de 40 ans, ce chiffre passant à 34 en 2025. Ceci représente 25% de la puissance actuelle.


Photo d'une tour de refroidissement
Les centrales subissent un contrôle approfondis tout les dix ans, mais aucune n'a encore passée sa troisième visite décennale. Le doute subsiste donc sur la durée de vie réelle des centrales tant que l'autorité de sûreté du nucléaire (ASN) n'aura pas validée de troisième visite décennale. EDF attend donc avec impatience les autorisations de l'ASN, la première visite devant avoir lieu dans 3 ans. L'enjeu est de taille pour les finances d'EDF face à la fin programmée de son monopole. Le parc actuel est amorti à 65% et EDF aimerait pouvoir exploiter au maximum ses installations.


Schéma de la cuve

L'age des centrales est dicté par l'état de deux éléments irremplaçables : la cuve et l'enceinte.

La qualité de la cuve dépend de la température de transition de l'acier qui la compose, celle-ci augmente sous l'effet des bombardements électroniques jusqu'à un seuil (+80°C - +100°C) ne permettant plus son exploitation.

L'enceinte est fabriquée en béton précontraint. En vieillissant, les câbles se détendent et le béton flue. Résultat la compression du béton diminue et affecte l'étanchéité de l'ensemble.

Le vieillissement de ces organes est assez peu prévisible, leur durée de vie ne peut-être estimée précisément qu'au fur et à mesure. Pour l'instant le vieillissement est plus lent que prévu. Mais la durée de vie des centrales sera fixée au cas par cas par l'ASN. Il apparaît cependant que si rien n'est fait avant la fin de vie des centrales, peu importe leur durée de vie, la baisse de la capacité de production sera franche.



Evolution de la puissance produite par EDF
pour une durée de vie de 30 ou 40 ans.
Source : EDF

 

 

III- Et la 4ème génération, c'est pour quand ?

Alors que la 3ème génération de réacteurs n'est pas encore entrée en service, la 4ème génération est déjà en développement dans les laboratoires. Autour du Forum International Génération IV, dix pays préparent la production d'énergie nucléaire de demain à partir de six technologies nouvelles (surgénération, à eau supercritique …). Les six systèmes sélectionnés devront minimiser leur consommation en ressources ainsi que l'impact des déchets rejetés. Ils devront garantir une exploitation sans danger et limiter les risques de prolifération.

La question se pose de la date de mise en service de cette nouvelle génération de réacteurs. Selon le CEA et EDF, on peut espérer une première réalisation industrielle à partir de 2035-2040. Quant au gouvernement, il déclare que la nouvelle génération de réacteurs ne sera pas prête industriellement avant 2045.

Dans ce contexte, est-il possible d'éviter la transition par la troisième génération ? Selon Benjamin Dessus de l'association Global Chance, la date de mise en service a été retardée afin de vendre l'EPR. Mais pour le CEA, le développement de la quatrième génération va être long car elle repose sur des technologies révolutionnaires. Enfin, ces réacteurs devront correspondre aux besoins des industriels comme EDF, qui privilégieront la solution la plus performante techniquement et économiquement.

Finalement, de nombreux critères encore indéterminés entrent en jeu. Il en résulte de nombreux scénarii qui amènent des conclusions radicalement différentes. La date de mise en service des centrales de 3ème ou de 4ème génération varie alors fortement.

 

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