Controverse - Refroidir la Terre ?
Refroidir la Terre ?

Injection de fer dans les océans (Principe)
  Principe Controverse autour de la méthode

"Donnez-moi une demi-citerne de pétrole remplie de fer et je vous donnerai un autre âge de glace"
(L'océanographe John Martin)

La fertilisation des océans consiste à introduire du fer sur la couche supérieure de l'océan afin d'accroître la chaîne alimentaire marine mais aussi pour piéger au fond de l'océan le dioxyde de carbone. Il s'agit d'encourager la croissance du phytoplancton par la distribution de particules de fer microscopiques dans les océans riches en nutriments mais en déficit de fer. Le phytoplancton est le producteur de plancton qui est lui composé d'organismes tels que les plantes ou les bactéries et il fournit une source essentielle de nourriture pour la vie aquatique. En 1991, la phrase célèbre de l'océanographe John Martin : "Donnez-moi une demi-citerne de pétrole remplie de fer et je vous donnerai un autre âge de glace" a été le début des expériences. En effet, John Martin, dans ses études, a prouvé qu'il manquait du fer en microsubstances nutritives dans les régions riches en nutriments et que ceci limitait la croissance du phytoplancton mais aussi la productivité totale de ces régions. Il émet alors l'hypothèse que le rejet de fer dans les océans permettrait d'une part de limiter les incidences sur les écosystèmes océaniques mais aussi ralentir voir même renverser le réchauffement climatique par stockage du dioxyde de carbone dans l'océan. Il se lance alors dans une expérience appelé Ironex I près des îles Galapagos en 1993 pour prouver ses études mais il est décédé pendant la préparation. Ses collègues entreprennent l'expérience et ont des résultats avec succès. Et ceci a donné le début des autres expériences : Ironex II en 1995, SOIREE (Southern Ocean Iron Release Experiment) en 1999 mais aussi EisenEx (Iron Experiment) en 2000. De plus, la société Climos qui a été créée par l'entrepreneur Dan Whaley et dont le responsable scientifique est le Dr Margaret Leinen qui est aussi assistant directeur des sciences de la terre à la National Science Fundation a pour but d'étudier diverses procédures d'éliminer le dioxyde de carbone mais la première technologie qu'elle envisage de développer est la fertilisation des océans. Elle crée de la valeur économique en réduisant la menace du changement climatique notamment en vendant des crédits d'émission de gaz à effet de serre aux entreprises et aux particuliers qui souhaitent des mesures d'atténuation additionnelles de leur empreinte carbone. Vous pouvez en savoir plus sur cette société grâce à notamment son site internet : www.climos.com

Voici une carte récapitulant les expériences qui ont eu lieu depuis 1995 :


Voici un schéma illustrant assez bien une expérience de fertilisation de fer :


Voyons plus en détails le fonctionnement de cette méthode :

Tout d'abord, environ 70% de la surface du globe est couverte d'océans et la partie supérieure de celles-ci où la lumière peut pénétrer est habitée par des algues. Dans certains océans, la croissance et la reproduction de ces algues est limitée par la quantité de fer dans l'eau de mer. Le fer est une microsubstance nutritive pour la croissance du phytoplancton et la photosynthèse qui a toujours été livrée à la mer par le vent dû aux tempêtes de poussière des terres arides. Cette "éolienne de poussière" contient environ 3 à 5% de fer et ses dépôts ont diminué de près de 25% au cours des dernières décennies en raison des modifications modernes dans l'utilisation des terres et des pratiques agricoles.

Le ratio de Redfield décrit le rapport de concentrations atomiques des nutriments dans le plancton et la biomasse, il est noté "106 C: 16 N: 1 P ". Ceci exprime le fait qu'un atome de phosphore et d'azote 16 sont tenus de fixer 106 atomes de carbone. Des recherches récentes ont élargi cette constante à "106 C: 16 N: 1 P: .001 Fe ", ce qui signifie que chaque atome de fer peut fixer 106000 atomes de carbone ou sur une base de masse, chaque kilogramme de fer peut fixer 83000 kg de dioxyde de carbone. En 2004, le ratio trouvé dans l'expérience de EIFEX était de 380000 soit "C 380000: 58000 N: 3600 P: 1 Fe ".

Par conséquent, dans les régions riches en nutriments mais déficitaire en fer, des petites quantités de fer délivrées par le vent ou par un programme de restauration peut déclencher de grandes floraisons du phytoplancton. Les récents essais suggèrent qu'un kilogramme de fines particules de fer peut générer de plus de 100000 kg de biomasse de plancton. Cependant, la taille des particules de fer est essentielle et les particules d'environ 0.5 à 1 micromètres semblent être idéales en termes de biodisponibilité. Les petites particules permettent aussi aux cyanobactéries et les autres bactéries d'intégrer plus facilement le phytoplancton. Les cyanobactéries, également connues sous le nom d’algues bleu-vert, sont des bactéries qui obtiennent leur énergie grâce à la photosynthèse.


Oui mais comment est stocké le dioxyde de carbone et où ?

Naturellement, nous nous posons cette question après avoir compris le rôle du fer dans ce processus. Il faut savoir que le plancton génère du calcium mais aussi des squelettes de carbonate de silice tels que les diatomées, coccolitophores et foraminifères, nous considèrerons par la suite que ces organismes sont des algues car étudier leurs différences ne présente pas d'intérêt pour la compréhension de notre phénomène. Lorsque ces organismes meurent, leurs squelettes de carbone coulent rapidement vers le fond de l'océan, en d'autres termes ils se précipitent vers les eaux profondes qui s'enrichissent ainsi en carbone. Ce phénomène est connu sous le nom de neige marine. La neige marine contient aussi des détritus organiques et on peut la voir tomber à 1000 mètres en dessous de la floraison active du phytoplancton.

La moitié de la biomasse riche en carbone produite par la floraison naturelle du phytoplancton et par la fertilisation est consommée par les organismes de pâturage (zooplancton, le krill, petits poissons) mais 20 à 30% coule 200 mètres en dessous de la thermocline dans les eaux froides. La thermocline est la couche de l'océan où la température change rapidement avec la température.

Revenons à notre carbone, une grande partie de celui-ci continue de tomber dans l'abîme en tant que neige marine mais un pourcentage important est de nouveau dissous et reminéralisé. A cette profondeur, le carbone est maintenant suspendu dans les courants importants et efficacement isolé de l'atmosphère. Le schéma suivant illustre assez bien ce processus :

A ce stade, le problème semble être réglé, autrement dit nous nous sommes isolés des effets néfastes du dioxyde de carbone mais on oublie une chose : le temps de stockage. En effet, la zone où est stockée le carbone est appelée zone benthique (zone la plus basse de l'océan) et dans cette zone, un cycle dure 4000 ans donc ce processus nous protège pour au moins 40 siècles. Le protocole de Kyoto est aussi respecté car il définit un temps de référence pour les réductions de carbone de 100 ans.

Résumons, le but de cette méthode ne consiste pas uniquement à encourager la croissance du phytoplancton mais il faut aussi enfermer loin de l'atmosphère le dioxyde de carbone pour une longue période. Cependant, tout ceci est théorique et nous ne connaissons pas les effets secondaires à grande échelle, les universitaires affirment qu'il n'y pas eu assez de recherches faites et que nous ne devons pas prendre de risques. Encourager la floraison du phytoplancton dans des zones de l'océan pauvres en fer est comme " arroser le désert ": on change complètement d'écosystème. L'étude de Gregg et Conkright en 2002 fait état d'une baisse de productivité des océans entre les périodes 1979-1986 et 1997-2000 mais une augmentation depuis 2005. Les partisans de cette méthode affirment que des floraisons similaires naturelles du phytoplancton ont eu lieu depuis des millions d'années avec aucun effet nocif et que le fait de ne pas essayer de remédier aux incidences de l'activité industrielle est bien plus irresponsable compte tenu du rythme de la pollution de dioxyde de carbone. En d'autres termes, ils affirment qu'imiter la nature ne peut pas être dangereux pour la nature.


Voyons de plus près les insuffisances des expériences :

Selon les rapports d'expérience, cette approche fait piéger du dioxyde de carbone mais très peu et la plus grande partie du plancton est mangée au lieu de se déposer au fond de l'océan.

Le contre-argument à cette faible séquestration du carbone est que les essais dépendent en grande partie de :

  • calendrier : aucun des bateaux d'essais n'avaient assez de temps pour surveiller les floraisons de plus de 27 jours et toutes leurs mesures se limitaient aux premières semaines. Une floraison dure généralement 60 à 90 jours et les précipitations les plus lourdes se produisent au cours des deux derniers mois
  • échelle : la plupart des expériences utilisaient moins d'une tonne de fer et par-conséquent, les petites floraisons ont été rapidement dévorées par les opportunistes que sont le zooplancton, le krill mais aussi les poissons. Le zooplancton désigne une catégorie large d'organismes qui se nourrissent grâce au plancton et le krill est justement la catégorie de crustacés du zooplancton.
  • conservatisme universitaire : de toute évidence, l'ensemble limité de données et l'unique critère de séquestration conduisent à la réticence des chercheurs pour spéculer à propos de leurs expériences.

Cependant, il y a eu des expériences qui ont eu des résultats remarquables telle que Ironex II. Selon les rapports, leur contribution d'une tonne de fer à l'océan Pacifique a généré une biomasse carbonée équivalente à cent séquoias (le séquoia est le plus grand arbre du monde en terme de volume total, il a une hauteur de 60 mètres pour un diamètre de 7 mètres), ce qui est énorme en terme de volume. Quant aux chercheurs de l'Institut de Wegener, ils ont enregistré un ratio de fixation du fer de près de 300000 à 1 lors de leur expérience Eifex en 2004.


Après tout, quelle est la quantité de fer nécessaire pour restaurer tout le plancton perdu ?

Les estimations actuelles nous indiquent que la quantité de fer nécessaire pour rétablir tout le plancton perdu et séquestrer ainsi 3 Gigatonnes de dioxyde de carbone varie énormément, d'environ deux cent milles tonnes par an à plus de quatre millions de tonnes par an. Même dans ce dernier pire scénario, cela ne représente que 16 superpétroliers chargés de fer et un coût prévu de moins de 16 milliard d'euros. Compte tenu des sanctions de l'Union Européenne pour le non respect du protocole de Kyoto qui atteindront 100 euros par tonne de dioxyde de carbone en 2010 et que la valeur annuelle du carbone dans le marché du crédit dépassera 1 trillion en 2012, la plupart des estimations donne un portrait d'une stratégie très réaliste et peu coûteuse d'une stratégie pour compenser la moitié de toutes les émissions industrielles.


Vous avez dit séquestration ?

Dans l'océanologie, le carbone n'est pas considéré comme retiré du système à moins qu'il ne s'installe au fond de l'océan où il est vraiment séquestré. La plupart du carbone organique et non organique qui est dissous et reminéralisé à de grandes profondeurs sous l'effet de la floraison sera de nouveau libéré dans l'atmosphère, annulant l'effet original. Nous avons vu plus haut cette annulation d'effet mais c'est grâce à l'océanologie qu'on le prouve.

La science de l'océan définit traditionnellement " séquestration " en termes de sédiments marins qui sont isolés de l'atmosphère depuis des millions d'années. Les scientifiques modernes du climat et les décideurs du protocole de Kyoto définissent la " séquestration " beaucoup plus courte dans le délai et reconnaissent les arbres même les prairies comme d'importants puits de carbone. Puisque les courants océaniques profonds prennent autant de temps à refaire surface, leur teneur en carbone est effectivement " séquestré " par n'importe quel critère terrestre.


Controverse autour de la méthode 


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