Faut-il faire des statistiques ethniques ?

De quoi est-il question ?

Par le terme « ethnique » , on ne désigne pas seulement l’origine ethnique de l’individu mais l’ensemble des données ( qualifiées de « sensibles » par la CNIL) qui nous définissent et  nous individualisent .
La collecte de ce type de données soulève des problèmes techniques et juridiques. Le principe même peut sembler contraire à l’égalité républicaine : ce sont des données que l’on n’a pas le droit de relever dans les enquêtes françaises, au nom d’un principe d’indifférenciation. La loi Informatique et liberté du 6 août 2004 interdit en effet de collecter de « données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci » (8-I). Cette loi découle d’une directive européenne, mais cette dernière n’empêche pas le Royaume-Uni,par exemple, de pouvoir se servir des statistiques ethniques depuis une vingtaine d’années.
Ce problème de l’égalité formelle se heurte à celui de l’égalité réelle (ou "égalité des chances"). Comment mesurer les distorsions de l’égalité réelle en nommant et en s’appuyant sur des catégories qui sont susceptibles de mettre à mal l’égalité formelle ?
En substance, la statistique ethnique semble poser la question : qu’est-ce qu’une origine ? Cette question est vraiment compexe et de fait au moins trois approches sont possibles :
- l’information sur l’ascendance (repérer les lieux de naissance des grands-parents)
 l-l’origine déclarée : un problème réside d’ailleurs dans la fiabilité de ces déclarations, notamment lorsqu’on ne peut choisir qu’une seule case. Les jeunes d’origine maghrébine sont étiquetés en tant que tels en France, mais sont décrits comme des Français dès qu’ils vont en vacances au Maghreb.
 -l’identité « ethno-raciale » : l’enquête de Patrick Simon montre qu’une telle qualification paraît hérétique à bien des gens, surtout aux personnes basanées. Pourtant, cette qualification est importante, car les personnes d’origine antillaise restent aussi l’objet de discriminations en fonction de leur couleur de peau.
Les deux derniers critères sont pour l’instant laissés en suspens, tandis que le premier a déjà été pris en compte par l’enquête Étude de l’histoire familiale, conduite en 1999 par l’INED. On disposait enfin de la variable « lieu de naissance des parents » pour une enquête de près de 400 000 personnes.
Reste à savoir quel sera l’usage de telles statistiques : les participants de l’enquête pour l’INED ont déjà fait valoir pour une majorité d’entre eux que dans le but de la recherche ils n’y voyaient aucun inconvénient tandis que dans le cadre de données tenues par leurs employeurs, ils étaient majoritaires à y être opposés. Enfin, dans le cadre de la recherche, il faudrait aussi veiller à ce qu’il n’y ait aucune erreur d’interprétation : si l’on choisissait d’analyser les politiques d’intégration à la lumière de la proportion des minorités visibles dans la délinquance (comme cela a été proposé suite aux émeutes urbaines de 2005 par le Ministre de l’Intérieur et un groupe de parlementaires), on prend le risque de transformer un outil technique un instrument d’une politique de stigmatisation de certaines minorités.

Mais d’abord précisons la problématique : la question « faut-il faire des statistiques ethniques » peut en fait  être abordée selon plusieurs interrogations sous-jacentes. En effet, ne s’agit-il pas de savoir dans quelle(s) perspective(s) celles-ci sont pertinentes  et avec quelle efficacité ? Puis, au delà des oppositions de principe, se pose la question de savoir comment réaliser de telles études : la statistique ethnique relevant de la mesure de la diversité, on comprend instinctivement que la méthodologie et la réalisation de telles enquêtes cristallisent l’ensemble des difficultés qui font la complexité de cette controverse.
La principale difficulté de ce type d’enquête tient à ce qu’elles s’effectuent sur un objet en constante évolution. Les « identités » et les « identifications » sont volatiles parce qu’en transformation, en construction perpétuelle.

La frise des acteurs

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La frise générale

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