Cet article présente la démarche des laboratoires d’écologie dans la constitution de leur modèle ainsi que leurs résultats. Leur article est disponible .
La régression de l’aire de dispersion de l’ours brun au cours du XXème siècle dans la plupart des pays du sud de l’Europe (excepté l’ex Yougoslavie) a conduit à l’apparition de petites populations isolées au statut plus ou moins précaire. C’est le cas de la population d’ours brun des Pyrénées qui ne comptait plus en 1995 que 5 individus (1 femelle et 4 mâles) identifiés par analyse génétique dans la partie Ouest de la chaîne des Pyrénées. Dans les Pyrénées centrales le dernier ours a probablement disparu à la fin des années 80- début 90. Dans le cadre d’un programme franco-espagnol, 2 femelles et 1 mâle capturés en Slovénie ont été relâchés en 1996 et 1997 dans cette zone des Pyrénées (département de la Haute-Garonne, commune de Melles). Malgré la mort accidentelle d’une femelle, cette sous-population réintroduite s’est accrue et un jeune mâle a rejoint récemment la sous-population d’ours autochtones, à l’ouest des Pyrénées.
L’avenir de ces noyaux reste précaire. L’étude menée par les laboratoires d’écologie a pour but de prévoir leur viabilité ainsi que la nécessité de réintroduire de nouveaux individus et le nombre de mâles et/ou de femelles qu’il faudrait éventuellement relâcher. C’est dans ce but que des modèles structurés stochastique et déterministe ont été construits.
Cette étude a été effectuée dans le cadre de :
La population d’ours bruns dans les Pyrénées compte 11 individus répartis en 2 populations :
Les variables gérant la survie et la fécondité sont traitées respectivement comme des variables binomiales et de Poisson. Le caractère aléatoire de l’environnement était quant à lui modélisé en utilisant une variante de la distribution Bêta. La simulation de Monte-Carlo utilisée nécessitait 1000 boucles à chaque fois. Le logiciel utilisé pour les calculs était ULM (Unified Life Models), logiciel déjà employé pour de nombreux autres cas.
Les conventions utilisées pour réaliser les graphes sont celles de l’analyse de Markov et des matrices de Leslie.
Le modèle a plusieurs buts :
Pour cette modélisation, la population est divisée en classes en fonction de l’âge, du sexe et du statut reproducteur. Dans une population, on distingue les oursons de moins d’un an, les juvéniles (12 - 24 mois), les subadultes (24 - 48 mois) et les reproducteurs (>48 mois). Les transitions entre les classes sont définies ainsi :
Dans la mesure où les paramètres de survie de l’ours dans les Pyrénées ne sont pas estimés avec précision, 4 scénarios correspondant à des combinaisons de paramètres démographiques pessimistes (S0), intermédiaires (S1 et S2) et optimistes (S3) (tab. 1) ont été définis.
Le tableau suivant présente les différentes probabilités de survie suivant les scénarios.
? représente le taux de croissance asymptotique de la population (taux limite de croissance de la population).
Selon le scénario pessimiste (S0), la population d’ours diminue de 2,5% par an tandis qu’avec le scénario optimiste (S3), elle augmente de 7,1% par an.
Les études des différents paramètres influant ? montrent que le taux de croissance est particulièrement sensible au nombre d’individus adultes pouvant se reproduire. De plus, si un individu adulte est tué, l’impact est plus important si l’individu tué est de sexe féminin.
S0 : la population a une forte probabilité de s’éteindre.
S3 : avec une population de 12 ours, le risque d’extinction est négligeable.
S1, S2 : on dispose d’une probabilité d’extinction inférieure à 5% si le nombre d’individus est initialement supérieur à 40 et 20 respectivement.
Si aucun individu n’est relâché dans les sous-populations, la probabilité pour que la population disparaisse totalement est très grande.
•Sous-population à l’ouest: 5 ours (5 femelles/ 0 mâles) doivent être relâchés (voir courbes).
•Sous-population centrale : au moins 6 ours (4 femelles/ 2 mâles) doivent être relâchés.
Ces réintroductions doivent être effectuées dans un futur très proche (i.e. Moins de 5 ans). Si on attend 10 à 15 ans, cela n’empêchera pas les deux sous-populations d’être menacées d’extinction.
Le scénario S3 ne fait que changer les valeurs numériques obtenues pour le nombre à relâcher.
Les analyses effectuées sont soumises à certaines limites :
L’étude montre que même si un programme de réintroduction d’ours est lancé, la souche de l’ours des Pyrénées est vouée à disparaître. De plus, tout retard supplémentaire dans ce programme serait un risque supplémentaire pour ce qui est de la probabilité d’extinction.