Le nombre de donneurs en France est dans un état critique. La levée de l'anonymat entraînerait à court terme une pénurie encore plus forte, à moins d'envisager une rémunération des donneurs.

Selon les médecins des CECOS, le bénévolat du don est totalement indissociable de son anonymat. Pour évaluer ce lien, il convient d'étudier l'évolution du don selon la progression de la loi autorisant ou non l'anonymat, et imposant, ou non, le bénévolat.

Le don a longtemps été condamné moralement en France, et il n'était pratiqué que clandestinement par certains gynécologues, grâce à du sperme « frais », et le médecin inséminateur connaissait donc le donneur, mais généralement pas le couple, sauf si eux-mêmes amenaient le donneur au médecin. La condamnation se basait sur :

« Renoncer à l'anonymat ou au bénévolat dans le seul cas des gamètes mettrait en quelque sorte le sperme et les ovocytes hors du statut général des éléments humains, ne manquant pas d'ouvrir la voie à des dérives, en particulier de commercialisation. »

Le professeur G. David, fondateur du premier laboratoire hospitalier spécifiquement consacré à l'étude de l'infertilité masculine, regrettait de ne pas pouvoir apporter « son aide à des couples, non seulement frappés par l'injustice de la nature mais de plus par l'incompréhension de la société ». Le passage à la légalisation du don n'a pu se faire qu'après une réflexion sur les barrières morales qui l'empêchaient. Une solution à chacun des trois problèmes a donc été cherchée.

Le lien entre anonymat et bénévolat introduit par le don du sang, grâce à sa conservation et à sa redistribution à un individu malade et inconnu du donneur, a ensuite été étendue à tous les éléments de corps transférables, tissus et organes. Cette nouvelle politique éthique avait pour avantage de s'adresser à l'ensemble de la société, au grand jour, et de lui faire prendre conscience de l'utilité irremplaçable des dons d'éléments humains d'une part, et de transformer la vénalité du geste en un témoignage de la solidarité citoyenne, celle-ci étant désintéressée et altruiste.

Toute la structure actuelle du don de sperme a en fait été mise en place grâce à l'exemple du don de sang, par la mise en place d'une structure pour recruter les donneurs, récolter, conserver (grâce à la congélation, alors très au point pour l'espèce bovine), et contrôler la qualité du sperme sous forme de centres spécialisés. Pour enfin lever toutes réticences, les trois exigences concernant la nature du donneur (pour rappel : être déjà père, être marié ou en couple stable, avoir l'accord de la conjointe) ont été pensées par les scientifiques, afin de présenter l'IAD comme un « don de couple à couple ». Afin d'achever de passer toutes les objections, une période de mise à l'essai de la technique a été déterminée, et sa conséquence fut le développement des centres CECOS. Cette politique avait rencontré un franc succès, même plus poussé que nulle part ailleurs dans le monde, d'après G. David.

Puis la loi a validé les propositions des scientifiques lors du vote des lois de la bioéthique en publiant, dans le code civil et/ou dans le code de la santé, notamment les articles suivant, le 29 juillet 1994 :

Puis, dans le code de la santé, sont rappelées les conditions données sur le donneur et sus-citées. La loi de 2004 a confirmé la loi de 1994, dans le cadre de la bioéthique en général, ne faisant pas de distinction particulière pour les gamètes. « Renoncer à l'anonymat ou au bénévolat dans le seul cas des gamètes mettrait en quelque sorte le sperme et les ovocytes hors du statut général des éléments humains, ne manquant pas d'ouvrir la voie à des dérives, en particulier de commercialisation. » dit G. David. Ce que redoutent les scientifiques, et qu'a démontré un sociologue du XXème siècle est le fait qu' « une éventuelle connaissance réciproque ouvrirait la voie à des préférences, voire à des exclusions fondées sur des particularités ethniques, sociales ou religieuses. » Selon lui, l'indépendance du donneur et du receveur ne peut passer que par l'anonymat, et donc le bénévolat, sous peine de passer sous une logique de marché.

Impact de la levée de l'anonymat

Un sondage (voir le questionnaire) a été réalisé auprès d'environ 200 donneurs dont les résultats ont été recueillis et analysés par une équipe de médecins en CECOS [2].

  1. La grande majorité (79,3%) des donneurs déclare être en accord avec la législation actuelle, qui impose l'anonymat.

  2. La majorité des donneurs (69,9%) ne souhaite pas de changement, mais 29% seraient en faveur d'une levée de l'anonymat.

  3. Une majorité des donneurs (60,6%) déclare qu'ils renonceraient à leur don en cas de levée de l'anonymat

Les médecins interprètent ces chiffres de la façon suivante : "Mais pourquoi les donneurs sont-ils autant attachés au principe de l'anonymat du don? Peut-être parce qu'il s'agit bien pour eux d'un don au sens strict, d'un don sans aucune projection de leur part dans le devenir des familles et des enfants qui en bénéficieront. Apparemment, ils ne souhaitent aucun engagement au-delà de leur don et ne veulent assumer aucune responsabilité".

Un donneur est cité : "Je remets mes spermatozoïdes au CECOS mais c'est un autre homme et une autre femme qui en font le projet et c'est le CECOS qui les choisit"

L'anonymat permet à chacun de rester autonome au-delà du don, le donneur en se recentrant sur sa propre famille, le couple demandeur en s'investissant dans sa famille en devenir.

Cependant, ceux qui revendiquent la levée de l'anonymat ne considèrent pas que l'anonymat et le bénévolat soient indissociables. « Je suis contre la rémunération du don. Je suis contre une approche rentable du don. (il n'y a pas de don totalement désintéressé, il y a un bénéfice secondaire autre que financier.) » écrit Arthur Kermalvezen. En effet, selon eux, le donneur peut continuer à faire un don, en sachant que les enfants qui seront conçus grâce à son don pourra le rencontrer, si l'enfant le désire, au bout de 18 ans, sans pour autant que le donneur doive considérer être rémunéré.

« Je vais vous dire : quand on cherche des donneurs, on en trouve »

Arthur continue son témoignage : « La baisse significative des dons a lieu depuis 15 ans en France, avec le système tel qu'il est en ce moment. Alors c'est un faux problème. Ensuite, les pays qui ont levé l'anonymat, d'une manière ou d'une autre, il y en a 14 dans le monde, répondent tous à la demande naturelle. Mais l'argument bancaire, gestionnaire, qui consiste à dire qu'il n'y aura plus de donneurs n'a rien à faire dans ce débat. Pourquoi ? Parce que soit l'on considère que les procréations médicalement assistées sont à prendre sous l'angle libéral, c'est-à-dire à vérifier la rentabilité d'une institution, soit on se dit que respecter la dignité humaine, c'est un principe, et que si c'est un principe, il faut l'imposer, et pour ma part, je me situe du côté de ceux qui pensent ça. Donc l'argument comptable n'a rien à faire dans ce débat en fait. Ça n'est pas un argument, la baisse des dons. Je vais vous dire : quand on cherche des donneurs, on en trouve. Et puis il y a autre chose, c'est que j'aimerais bien devenir donneur, et si les enfants comme moi ne veulent pas devenir donneur selon le système tel qu'il est en ce moment, je ne vois pas bien comment cela pourra perdurer. Donc ce que j'espère, c'est qu'il y ait effectivement assouplissement de l'anonymat, et à cette condition là je donnerais, et je pense que je ne serai pas tout seul. »

Ils s'appuient notamment sur les exemples de nombreux autres pays, comme la Suède par exemple, où les dons, bien que plus anonymes, sont devenus constants et suffisants, ont changé d'origine. Aux jeunes hommes insouciants qui donnaient leur sperme sans trop réfléchir à leurs actes se sont substitués à des hommes plus mûrs et qui prennent plus le temps de réfléchir à leur acte et qui ne considèrent pas que les enfants ainsi conçus seront les leurs, puisqu'ils ont très fréquemment déjà leurs propres enfants. Selon les pays où il y a eu levée de l'anonymat, les dons ont baissé ou non, mais ces personnes espèrent et croient en la constance, voire l'augmentation des dons. Cependant, Arthur, par exemple, pense que les personnes issues du don ne donneraient certainement pas si l'anonymat n'est pas levé.

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Se heurtant à l'impossibilité de découvrir l'identité de leur géniteur, certains enfants issus du don développent des troubles de construction identitaire. Mais la levée de l'anonymat pose le risque d'une tri-parentalité ou d'une déception de l'enfant.
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