Interview Mme Belle

Nous avons eu un entretien avec Virginie Belle, auteur du livre Quand l’aluminium nous empoisonne, paru en septembre 2010 aux éditions Max Milo.

Voici les questions posées lors de l’entretien avec l’enregistrement correspondant aux réponses apportées par Virginie Belle. Nous avons effectué une retranscription de l’enregistrement audio pour les questions concernant la méthodologie de la journaliste dans son travail sur la controverse.

 

1)     Comment en êtes vous arrivée à vous intéresser à ce sujet ?

Virginie Belle : Je suis journaliste de presse écrite, je m’occupais des sujets de société. Un jour la femme d’un éboueur à la mairie de Paris m’a téléphoné à la rédaction. Son mari avait une maladie : la myofasciite à macrophages. Elle m’explique que son mari a été vacciné contre l’hépatite B pour rentrer comme éboueur à la mairie de Paris, et que la maladie est due à la présence d’adjuvants aluminiques dans les vaccins. Elle m’explique les symptômes : grosse fatigue, douleur musculaire et articulaire intense et invalidante, aboutissant à un arrêt de travail, et une rencontre avec les spécialistes. Je l’écoute et je suis sceptique, je n’avais jamais entendu parler de cette maladie, ni de l’aluminium dans les vaccins. Je rencontre cette dame et son mari, puis des responsables d’associations. En France on a la chance d’avoir les plus grands spécialistes à Créteil. J’ai fait mon premier dossier et ai commencé à me renseigner un peu, sur internet… Pendant un an, j’ai rassemblé de la documentation sur cette maladie pour faire des sujets dessus et la comprendre. Je suis maman de deux enfants qui ont toujours été vaccinés et ne me suis jamais inquiétée. Le sujet m’habitait donc j’ai commencé à faire une grosse enquête sur cette maladie récente découverte en 1993, qui correspondait à un changement de vaccination, d’une vaccination sous cutanée à une vaccination intramusculaire.

J’ai vu qu’il y avait d’autres maladies liées à l’aluminium, et qu’il y avait également de l’aluminium dans l’alimentation, dans de nombreux cosmétiques. Je me suis renseignée sur les mesures, en contactant notamment l’AFFSAPS. Concernant les cosmétiques : en 2000, l’AFFSAPS a débuté une enquête visant à démontrer l’innocuité des produits à base d’alu, et en 2008 l’AFFSAPS  conclue que les données semblent satisfaisantes mais que des études complémentaires de pénétration transcutanée doivent être faites (il y a eu des essais sur les souris mais on sait que ce n’est pas suffisant pour connaitre le résultat sur l’homme).

C’était il y a 2 ans et demi.

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

2)     A qui avez-vous eu affaire ?

Virginie Belle : Je vais vous expliquer un peu ma méthode de travail. Le site « pubmed » ressource toutes les publications médicales. Donc au début : j’ai recensé un maximum d’informations pour essayer de tracer le sentier de sujet, quels étaient ses contours, les enjeux, et comment ça se passait. Je n’ai pas voulu contacter les fabricants de vaccins. J’avais les notices des vaccins, j’avais les articles médicaux qui ont pu paraître. Je me suis basée sur les articles publiés dans les revues spécialisées donc soumises à un comité de lecture (des pro établissent le sérieux de l’article), ils n’étaient pas politiques, je voulais vraiment l’éviter ce n’était pas une base solide pour moi. Donc ça a été un gros travail à la fac de médecine à recenser toutes les publications. Ensuite j’ai contacté l’AFFSAPS, donc il faut savoir que j’ai mis plus de 7 mois à avoir des réponses. J’ai posé deux questions. Moi premier mail datait de décembre 2009, puis j’ai écrit, téléphoné, écrit… et j’ai obtenu une réponse en juin 2010. J’ai eu ma réponse parce que j’ai dit « moi je vais dire que vous ne voulez pas répondre à mes questions ». Alors que franchement c’étaient vraiment des questions que n’importe quel consommateur pouvait poser à l’AFFSAPS et en plus je les ai contactés comme journaliste donc normalement… et j’ai souvent travaillé avec l’AFFSAPS et c’est très rapide. Donc je leur ai dit «  si il y a un blocage dites le moi, mais dans ce cas là je dirai qu’il y a un blocage. » […] J’ai eu accès à un document confidentiel de l’AFFSAPS qui disait qu’en 2005 ils auraient dû relancer une étude sur les adjuvants aluminiques dans les vaccins. Nous sommes en 2010, je voulais juste savoir ce qu’il était advenu de cette étude,  et pourquoi cette étude n’avait pas été mise en œuvre alors même qu’ils s‘étaient engagés par écrit auprès du groupe de scientifiques mandatés pour faire cette étude. […] J’ai eu Fabienne Bartoli, la directrice adjointe de l’AFFSAPS avec qui on a discuté.[…]

Je voulais vraiment faire quelque chose de sérieux basé sur des conclusions scientifiques, des articles,  donc ce que j’ai utilisé de cette conversion était uniquement pour une meilleure compréhension des enjeux. J’aurais pu utiliser tout ça mais je n’ai pas voulu rentrer dans cette polémique qui pour moi est stérile, je ne trouvais pas ça intéressant. J’aurais pu mais je ne l’ai pas fait.

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

 

3)     Avez-vous trouvé suffisamment de preuves pesées permettant de répondre à la question posée ?

Virginie Belle : J’ai essayé de partir vraiment de la façon la plus neutre, en allant lire ce qui concernait ce sujet et quels étaient aujourd’hui ces fameux faisceaux de présomptions, puisque tout ce qu’on peut lire c’est « on ne sait toujours pas si c’est dangereux ou non ». Je n’ai pas voulu utiliser les arguments des industries qui fabriquent les déodorants car il y a un enjeu commercial, donc je ne voyais pas l’intérêt, j’ai simplement lu pour voir que le « sans aluminium » devient un argument de vente, et que ce n’est pas un hasard. Ensuite la théorie du complot moi ça ne m’intéresse pas […]

J’avais beaucoup travaillé sur les perturbateurs endocriniens, et j’ai découvert en lisant le gros pavé « cancer et environnement », qui est une synthèse collective de l’INCERM, que l’aluminium était un perturbateur endocrinien. Toutes les infos qui sont données dans ce document sont sourcées.  J’ai donc regardé s’il y avait eu des recherches à ce sujet.

Concernant les cancers du sein, j’ai pris contact avec quelqu’un qui a énormément travaillé sur l’aluminium, qui s’appelle Christopher Exley qui travaille à l’université de Keele en Angleterre, pour lui poser des questions sur les études qu’il avait faites. Donc lui a analysé en 2007 les cancers du sein de 17 patientes et a retrouvé au niveau de l’aisselle des concentrations significativement plus importantes d’aluminium. Lui dit « il y a une présence anormale d’aluminium dans ces tumeurs. Est-ce que c’est un puits qui aspire l’aluminium ingéré par l’alimentation, la crème etc, ou bien, comme c’est l’endroit où les femmes se mettent du déodorant, est-ce qu’il n’y aurait pas un lien, sachant que l’alu est un perturbateur endocrinien et qu’il est toxique pour les cellules». Donc il faut qu’il fasse des études complémentaires, il ne peut pas conclure. […] Christopher Exley est biochimiste, il travaille depuis 25 ans sur l’aluminium, c’est une référence mondiale. Alors dans le livre je pose la question : pourquoi cette étude ne figure pas sur les conclusions de l’AFFSAPS. Ce n’est pas une preuve mais une information.

J’ai également découvert via un article de l’ « UFC que choisir ? » l’existence de Philippa Darbre, qui est vraiment la personne qui travaille sur cette question des anti-transpirants […]. Elle met en évidence le fait que l’aluminium est un perturbateur endocrinien, [..] et qu’il y a peut-être une conjonction d’actions avec des éléments chimiques pouvant avoir une incidence sur le cancer du sein. Elle ce qu’elle dit c’est que si les faisceaux de présomptions sont de plus en plus importants dans ce sens là, elle propose d’essayer de moins s’exposer à l’aluminium pour pouvoir se protéger.

Egalement je suis tombée sur un article publié par Olivier Guillard qui lui a vu une personne qui a subi des douleurs musculaires et une très grosse fatigue, sans explications. Donc ils ont regardé qu’est ce qu’elle ingérait, à quoi elle était exposée etc,  et ils ont vu qu’elle utilisait depuis 4 ans un déodorant à base d’aluminium, qu’elle faisait une hyper sensibilité à l’aluminium, et en enlevant l’aluminium de son usage quotidien, ses symptômes ont disparus.

C’est les trois exemples que je prends car de tout ce que j’avais vu c’est ceux qui invitaient le plus au principe de précaution, disant « attention, il y a des faisceaux de présomption, qu’est ce qu’on fait maintenant, on attend d’aller au bout des investigations sachant que l’aluminium est toxique à haute dose et qu’on y est exposé au quotidien ? Est-ce que les agents se saisissent enfin et nous apportent une réponse précise sur cette question de pénétration transcutanée et prennent en considération les différentes études notamment anglaises en disant qu’il faudrait légiférer pour éviter que les consommateurs ne prennent un danger ? Est-ce qu’on laisse la place effectivement à la controverse ce qui finalement est bien pratique en disant que n’étant pas sûrs à 100%, on continue à s’exposer à l’aluminium ?».

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

 

4)     Est-ce que c’est au fabriquant de démontrer que l’aluminium est sans danger ou est ce que c’est à ceux qui accusent de montrer qu’il y a danger ?

Virginie Belle : Des problèmes de toxicité de l’aluminium ont été mis en évidence en 1921. Depuis 1970 l’AFFSAPS a mis en évidence […] une neurotoxicité de l’aluminium. La controverse n’est pas née comme ça, les dangers liés à l’aluminium sont avérés. […] On sait qu’il est toxique, mais on nous dit à « haute dose ». Mais qu’est ce que ça veut dire ? C’est une question sur la dose. Tant qu’on n’a pas fait les études transcutanées, qu’est ce que vous pouvez tirer comme conclusion ? Alors moi en tant que consommateur, que citoyenne, on demande en général aux industriels de démontrer l’innocuité de leurs produits avant la mise sur le marché. Les études sont à leur charge.[…] Depuis le temps que les déodorants sont commercialisés, ce serait intéressant de voir quelles sont les études faites, sur combien de temps, est-ce que c’étaient des études sur 3 mois, est-ce que sur 3 mois on a le temps de démontrer quoi que ce soit, … […]

Après, pour les industriels, à partir du moment où l’AFFSAPS dit «  les données concernant l’innocuité sont satisfaisantes », il y a une règlementation qui autorise 20% de présence, donc les industriels ne vont pas aller faire des études complémentaires […]

En 2004, l’AFFSAPS a promis une veille sur les produits à base d’aluminium […]

Après il y a un autre problème qui intervient, et ça l’actualité en parle énormément, c’est celui des conflits d’intérêts […].

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

 

5)     Vous montrez en quoi les données de l’AFFSAPS sont insuffisantes, mais quand vous voyez une étude qui montre qu’il y a peut être un danger est-ce que vous ne vous posez plus de questions sur l’insuffisance ou non de ces études ?

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

 

6)     Pensez-vous que le fait qu’il n’y ait pas d’études aux conclusions claires vient du fait que les études sont trop compliquées, ou du fait que les fabricants de cosmétiques ralentissent la réalisation de telles études ?

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

 

7)     Avez-vous vu des acteurs changer de position tout au long de la controverse à la vue de nouveaux arguments, ou est-ce que chacun reste sur sa position initiale ?

Virginie Belle : Sur la question des déodorants, la seule chose que j’ai vu moi c’est une réaction très virulente de l’association française de l’aluminium qui aurait pu dire, au lieu de dire que tout ça est faux, « nous restons bien évidemment à l’écoute, … », c’est ce que j’attendais d’un groupe d’industriels. Non là, ils nient, disent qu’il n’y a pas de problème.

[…]

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

 

8)     Est-ce que le fait que les normes concernant l’aluminium aient baissé montre quelque chose ?

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

9)     Comment est-ce que vous vous placez par rapport à la controverse ? (acteur, défenseur, …)

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

10)  Pourquoi l’AFFSAPS refuse de faire des études complémentaires, puisqu’a priori c’est leur rôle ? Qu’est-ce que l’AFFSAPS aurait à perdre à faire retarder les études ?

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

11)  Y a-t-il eu, ou y a-t-il un rôle de la politique dans cette controverse ?

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

12)  Que pensez-vous de l’avenir de la controverse ? (évolution rapide possible ou figement)

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

13)  Concernant les autres affaires sanitaires actuelles : qu’est ce qui pourrait faire que l’affaire de l’aluminium puisse sortir un jour comme sont sorties d’autres affaires (médiator, …) ?

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

14)  On dit qu’il y a des adjuvants à base d’aluminium depuis 1926. A-t-on des informations sur le nombre de maladies qui aujourd’hui sont potentiellement liées à l’aluminium, depuis 1926 ?

 

15)  Pensez-vous que le secteur des cosmétiques sans aluminium soit une arnaque ?

 

16)  Après cette étude, quel est votre regard par rapport à vos motivations initiales ?