Historique

De l'absentéisme général à une semaine de 4 jours décrite comme fatigante, en passant par la refonte des vacances pour rendre les jeunes disponibles pour la récolte, les rythmes scolaires sont un point de débat de l'école depuis plus de deux siècles. L'histoire montre bien l'évolution d'un problème recentré sur l'économie vers une controverse qui veut remettre l'enfant au cœur du débat.

Le temps scolaire, depuis de nombreux siècles vu comme un élément clé d’une école qui marche, voit ses majeures contestations naître au 19ème siècle : l’école n’est pas obligatoire, et souffre d’un absentéisme massif et récurrent durant la période des récoltes, traditionnellement entre Avril et Octobre, période pendant laquelle les enfants sont sollicités par leurs familles pour l’agriculture : l’école compte alors jusqu’à trois fois moins d’élèves que pendant l’hiver. Bien qu’en 1848, Hippolyte Carnot, ministre de l’Instruction Publique, essaye de rendre l’école obligatoire pour tous, son souhait ne sera réalisé qu’en 1882 par Jules Ferry, et n’annihilera pas l’absentéisme saisonnier, qui sera toujours d’environ 15% en 1890.

Dans les années 1830, le temps scolaire n’est pas réglementé, et par conséquent inégal entre les écoles, et pas toujours respecté. Dans l’arrondissement de Vouziers (Ardennes), la journée scolaire dure de 6 heures du matin à 19 heures, avec 2 heures de pause entre 11 heures et 13 heures, soit 13 heures de présence scolaire et 11 heures de cours ; l’inspecteur Paul Lorain s’indigne, dans l’arrondissement de Pau, que certains professeurs vaquent pendant certaines périodes normalement réservées aux cours, faute de l’absence d’une réglementation du temps scolaire.

En 1834, le conseil royal de l’Instruction publique est amené à imposer à l’échelle nationale des journées de 6 heures de cours avec deux heures de pause, la semaine comptant 5 jours de travail (Jeudi étant jour de repos), ce qui n’interdit cependant pas l’expérimentation d’horaires nouveaux. Ces règles ne parviennent pourtant pas à imposer un minimum de présence scolaire à tous les enfants, ni même les réserves de temps qu’ils consacrent aux travaux agricoles et industriels.

Dans le même temps, l'enseignement secondaire est quant à lui usuellement rythmé par des cours s'étalant sur une heure et demie à deux heures (certains proviseurs considérant néfaste d'alterner une heure d'un cours, puis une heure d'un autre), durant cinq jours et demi par semaine.

Les premiers symptômes de contestation envers les rythmes scolaires datent du milieu du siècle, quand une étude de l’Académie de médecine conclut à la nécessité de diminuer le temps de travail quotidien, d’augmenter la durée des récréations et de faire pratiquer davantage le sport aux élèves ; cette même Académie, invoquée trente ans plus tard pour une expertise sur l’effet « de la sédentarisation et d’un enseignement intellectuel prématuré sur le développement physique de l’enfant et sur sa santé », affirme la lourdeur des programmes et préconise fortement l’arrêt de tout enseignement intellectuel en maternelle. C’est à cette époque que nait la notion de surmenage, et qu'apparaît surtout l'inquiétude que l'école ne soit pas organisée autour de l'enfant.

Le tiers-temps, période pendant laquelle l’école peut accueillir les enfants en dehors des cours, durant l’absence de leurs parents, était déjà à la moitié du XIXème siècle souligné comme un point problématique des rythmes scolaires : l’école se voyait contrainte devant l’arrivée désynchronisée de chaque parent à l’école, le matin ou même l’après-midi quand ils venaient chercher leurs enfants. En l’absence de juridiction propre, une garderie était disponible le soir, mais les parents étaient priés de respecter au mieux les horaires imposés par les écoles.

La loi Ferry de 1882 rend l’école laïque, publique et obligatoire, et à partir de 1887, la journée scolaire est nationale, avec trois heures de cours le matin et trois autres l’après-midi, le Jeudi étant libéré pour l’instruction religieuse. Les récréations apparaissent toutes les heures en cours élémentaire et une fois par demi-journée dans le cours supérieur. Le point important de cette réforme est qu'elle oblige toutes les écoles primaires à se conformer à cette règle.

En 1902, les horaires de l'enseignement secondaire, jusqu'alors parfaitement inchangés, fragmentent les périodes de cours de deux heures en deux cours d'une heure.

Si l’organisation de la journée scolaire connait donc de multiples changements durant ce siècle, ce n’est pourtant rien face à la sinuosité du parcours emprunté par l’année, sur laquelle nombre de textes sont écrits. Elle ne peut excéder six semaines en ce début de siècles en maternelle et en primaire, les collectivités locales ayant la charge de les organiser en fonctions des travaux agricoles régionaux. Cependant, devant la loi Guizot de 1833 qui stipule une possible partition des vacances pour lesdits besoins, on limite 4 ans plus tard le seuil inférieur de la durée des vacances d’été à deux semaines. Ces règles sont réaffirmées dans l’arrêté du 4 Janvier 1894.

Le secondaire connait autant d’agitation, les vacances scolaires étant abrogées par le Consulat en 1800, exception faite des élèves « s’étant bien comportés », qui pourront profiter de vacances tous les deux ans. 1803 a raison de cette règle en réinstaurant 7 semaines de congés d’été ainsi que d’autres périodes de vacances au cours de l’année. On dénombre ainsi des multiples réarrangements des vacances durant tout le XIXème siècle : 6 semaines en 1814, 9 semaines en 1888 et jusqu’à 12 semaines le siècle suivant, en 1912.

Après la première guerre mondiale, on entend pour la première fois dans le discours politique la question de la corrélation du temps scolaire avec celui de la famille et de la société, quand le ministre Jean Zay déclare l’importance de la prise en compte, pour la placement des vacances, des congés payés des parents et de l’importance des colonies de vacances. Mais il n’est pourtant question d’allonger la durée des vacances que jusqu’à un certain point : si en 1938 la durée des vacances est encore de deux mois et demi, hors de question d’étirer encore la période de congés quand les programmes scolaires se densifient : telles sont en tout cas les considérations de l’Education Nationale, qui fixe les vacances d’été du 1er Juillet au 15 Septembre et ouvre la porte au zonage en 3 zones académiques.

Si le surmenage connait une recrudescence après la 1ère guerre mondiale, et que l’état français chargera une commission d’enquêter sur « la question des horaires et sur le surmenage scolaire », les préoccupations politiques auront raison de ce débat qui ne renaitra que dans les années 1950. A cette époque, l’explosion démographique densifie le nombre d’élèves à l’école, avec 7 millions de jeunes français en maternelle, primaire ou secondaire. Sociologues, pédagogues et parents s’inquiètent de la dureté de l’école pourtant si compréhensive à l’étranger, et 60 ans après, nous le verrons, on dénonce toujours ce manque de patience avec les plus jeunes. Une enquête des parents d’élèves de lycéens évalue le temps scolaire hebdomadaire de 40 à 60 heures de cours.

C’est aussi dans les années 1950 que commence, à l’initiative de scientifiques tels que Alain Reinberg, à se développer la chronobiologie, science vouée à évaluer et expliquer la fatigue, la vigilance et la sollicitation des élèves pendant le temps scolaire. Le constat d’existence de rythmes biologiques, non pris en compte dans les rythmes scolaires, ne fait qu’amplifier les critiques du système ; en 1959, elles s’accroitront encore avec le rallongement de la période scolaire obligatoire : rendre l’école obligatoire jusqu’à 16 ans est-il sensé, si l’on considère les élèves qui ne désirent pas ou ne se vouent pas à leurs études ? La controverse se dote ici d’un nouvel aspect, auquel le débat d’aujourd’hui peut également apporter des réponses.

Ministère, professeurs, parents, élèves, sociologues, pédagogues, et désormais scientifiques ; tels sont tous les acteurs qui prennent désormais part au débat. Durant les années 1960, la naissance de la chronobiologie engendre une implication croissante du milieu scientifique pour la polémique. En 1962, le professeur Robert Debré et le docteur Douady soulignent la lourdeur des programmes et la non prise en compte de la fatigue des élèves à l’école ; s’enchaînent alors plusieurs discours scientifiques sur ces mêmes termes, tous univoques à ce sujet.

La chronobiologie semble susceptible, en 1970, d’avoir l’argumentation nécessaire à la naissance de nouvelles réformes : les rythmes scolaires ne tiennent absolument pas compte des rythmes biologiques et physiologiques des enfants, avec des journées trop denses et des vacances d’été trop longues. Si le milieu scientifique s’accorde sur ces constats, il en est tout autrement du milieu lycéen, qui s’oppose totalement à la refonte des rythmes.

La période qui suit est en revanche plus ambigüe quant aux réformes du temps scolaire. Si le Conseil Economique et Social se penche sur « l’intérêt de l’enfant », l’autorité administrative remet en place le fractionnement du pays en deux, puis trois zones en 1972, les vacances d’été étant incluses dans ce zonage. Bien loin des préoccupations du Conseil, les motivations de ce changement sont en fait l’intérêt des associations hôtelières.

En parallèle, subsiste la sollicitation d’un jour par semaine pour l’instruction religieuse, en primaire, puis dans le secondaire dès 1979. Se font réellement jour deux nouveaux acteurs et deux nouveaux aspects de cette controverse : le milieu touristique et la rentabilité économique du milieu hôtelier d’une part, l’Eglise et la laïcité d’autre part.

Evolution de la période de grandes vacances en primaire. L’arrêté du 9 Janvier 1980 laisse la liberté aux recteurs d’académie de décider des dates de rentrée et de vacances, ce qui donne lieu (ici pour l’académie d’Aix-Marseille) à des singularités dans l’histoire des vacances. A ces tentatives avortées de zonage s’ajoutent des retours en arrière (comme en 1970) et des modifications non corrélées entre les deux dates, révélateurs d’une multitude de points de vue divergents sur la question.

Entre temps, le temps journalier et hebdomadaire connait une nouvelle période de rapide fluctuation : la semaine passe de 30 à 27 heures (9 demi-journées) en primaire dès 1969, tandis qu’aux 24 heures de la semaine du secondaire viennent s’ajouter deux heures d’activités physiques et sportives. A l’aube des années 1980, plus aucun élève n’a cours le Samedi après-midi. Toutes ces modifications, à l’échelle de la journée, sont la cause d’une réduction de dix jours du temps scolaire annuel.

Toutes ces mesures ne suffisent pas, loin s’en faut, à mettre un terme au débat ; dans les années 1980, les scientifiques remettent en avant leurs études, rapidement accaparées par la presse qui rend le débat de plus en plus public. Malheureusement, sociologues, pédagogues, psychologues, chronobiologistes… ne peuvent se mettre d’accord sur les mesures à adopter pour pallier aux besoins de l’enfant, pour peu même qu’ils soient d’accord sur la signification de ce terme. En effet, que l’on évoque « l’école à la carte », la semaine de 4 jours, l’alternance de cours sollicitant différentes aptitudes des enfants, ou bien d’autres thèmes encore, les solutions divergent nettement, certains voulant renforcer le processus adopté dans les années 1970 consistant à diminuer le nombre d’heures de cours, d’autres invoquant la nécessité d'engager les enfants dans des activités de participation et d’initiative.

L’administration réagit en proposant nombre de réformes dès le début des années 1980, en tenant notamment compte de l’implication grandissante d’un nouvel acteur constitué par l’ensemble des sociétés et syndicats de transports, de l’importance des pauses méridiennes, du travail à la maison et du soutien scolaire. Mais le système scolaire reste gravement pris dans l’agitation de la société et des intérêts annexes, qui régissent désormais de nombreuses réformes et prises de position sur la question des rythmes scolaires.

En 1990, la durée hebdomadaire des cours passe de 27 à 26 heures, certaines écoles alternant deux semaines de 27 heures puis une de 24 (pas de cours le Samedi). La durée des cours dans le secondaire varie de 25 heures à 28 heures ; l’apparition d’horaires consacrés à l’aide personnalisée au lycée, par la réforme Allègre en 2000, répond à une inquiétude de nombreux partis, tels certains syndicats lycéens, sur la « marchandisation du soutien scolaire », autrement dit la création d’associations externes au système vouées à l’aide aux devoirs et à l’apprentissage pendant le temps extrascolaire. Le nombre moyen d’heures de cours au lycée est alors de 30 heures.

En parallèle, les vacances aussi continuent d’évoluer. Si le système 7 semaines d’école-2 semaines de vacances s’est vu endigué par le zonage des grandes vacances, Jack Lang rallonge tout de même, dès 2001, la durée des vacances de la Toussaint d’une semaine à 10 jours ; ce processus répond à une anxiété toujours d’actualité quant à la longueur du premier trimestre de cours.

C’est en 2008 qu‘un nouveau changement majeur intervient : le Ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos, en réponse à la satisfaction des familles mais contre tous les avertissements de la chronobiologie, instaure la semaine de quatre jours (24 heures de cours réparties sur le Lundi, le Mardi, le Jeudi et le Vendredi), qui concerne alors environ 20% des enfants de primaire.

Contestée par la majorité de la société depuis sa mise en place, la semaine de 4 jours et la polémique qui monte autour d’elles sont les derniers éléments qui déclenchent le débat actuel autour des rythmes scolaires. Le 7 Juin 2010, Luc Châtel, Ministre de l’Education Nationale, installe le comité de pilotage du débat national, chargé de recueillir, examiner et synthétiser les contributions de tous les acteurs de la controverse, et de rendre un rapport au ministère qui décidera des changements à opérer pour la rentrée 2014.




Reférences de l'article

Gerbod Paul. Les rythmes scolaires en France : permanences, résistances et inflexions. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1999, tome 157. pp. 447-477, consulté le 12 Mars 2011 doi : 10.3406/bec.1999.450987 (lien)
Daniel Moatti. Petite histoire des grandes vacances, consulté le 12 Mars 2011 (lien)
Patricia Boukorras. L'évolution de la semaine de classe, consulté le 13 Mars 2011 (lien)
Claude Lelièvre. Temps scolaire : arrêtons la catastrophe !, consulté le 13 Mars 2011 (lien)
Archives du calendrier scolaire, site du Ministère de l’Education Nationale (lien)

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