La semaine de 4 jours

Lancée à la rentrée 2008 par Xavier Darcos, la semaine de quatre jours a fait couler beaucoup d'encre depuis. Une forte opposition s'est formée, réclamant un retour à quatre jours et demi, et dénonçant un système en désaccord avec l'intérêt de l'enfant. Pourquoi cette réforme a-t-elle été mise en place? Quels sont les facteurs de l'opposition? Quel modèle utiliser à l'avenir?

I) L'origine de la semaine de quatre jours.

1) Des expérimentations encourageantes

Avant la réforme de Xavier Darcos, le nombre de jours travaillés dans les écoles françaises n'était pas uniforme dans toute la France. Certaines avaient cours le samedi matin, d'autres le mercredi matin, et d'autres avaient la semaine de quatre jours. À cette époque, les écoles fonctionnant à quatre jours par semaine, pour compenser les heures perdues du samedi ou du mercredi matin, avaient une période scolaire plus longue. Leurs congés d'été étaient plus courts pour permettre de rattraper quelques semaines de cours. Il s'est posé la question de l'abstentionnisme pendant ces cours des mois de Juillet et d'Août. Les détracteurs de la semaine de quatre jours ont affirmé qu'elle était telle que certains élèves commençaient l'année avec un réel handicap, et que le premier trimestre était alors devenu beaucoup trop long, ne respectant pas l'alternance 7 semaine de cours, 2 de congés. D'autres ont affirmé que les absences le samedi matin étaient très importantes, et celles des cours d'été n'étaient finalement pas si graves.

Le taux d'absentéisme de la semaine de rentrée anticipée, par exemple, est un argument fallacieux. D'après l'inspection départementale de l'Education nationale, il n'était à Nogent-sur-Marne que de 3% en 2003, beaucoup moins que celui du samedi matin. 1

Dans les années 1990, le nombre d'écoles fonctionnant avec des semaines de quatre jours a fortement évolué:

Proportion d'écoles fonctionnant à quatre jours par semaine (Source DPD)

Ce système est donc connu dans de nombreux départements français. Dans le Rhône et dans la Loire, plus de 95% des écoles sont passées à quatre jours dès 1991. Dix ans plus tard, des inspecteurs d'académies DSDEN ont effectué des études sur ces modèles. Il en retourne une très forte volonté de garder la semaine de quatre jours, et ce dans plus de 90% des écoles. Dans d'autres départements, ayant des écoles dans chacun des deux modèles, des études de satisfaction ont été réalisées.

D’une façon générale, enseignants et parents expriment leur préférence pour l’organisation de la semaine de 4 jours. Ce choix est particulièrement net lorsque cette organisation est déjà en place : dans ce cas, 77% des parents et 72% des enseignants indiquent leur satisfaction globale. Parmi ceux qui fonctionnent en semaine de 5 jours, 57% des enseignants marquent leur préférence pour la semaine de 4 jours, mais seulement 43% des parents. Pour ces derniers, il s’agit toutefois du premier choix, puisqu’ils sont 35% à préférer la semaine de 5 jours avec le samedi matin et 19% à opter pour la semaine de 5 jours avec le mercredi matin. 2

D'autres études ponctuelles ont été réalisées dans de nombreuses académies, et sont reprises par les défenseurs de la semaine de quatre jours, notamment par la PEEP, en 2004 :

En 2001, les écoles de Nogent-sur-Marne ont adopté la semaine de quatre jours pour une période probatoire de trois ans. Aujourd'hui, 94% des parents d'élèves sont favorables à son maintien. 1

Les résultats scolaires ont eux aussi été étudiés. Ils sont meilleurs pour les écoles fonctionnant à quatre jours. Cela s'explique par le fait que les élèves de ces classes sont issus de milieux plus favorisés. Une étude a pris en compte cela, et les résultats, toujours en faveur de la semaine de quatre jours, sont plus proches. Le faible écart entre les résultats scolaires des écoles à quatre jours et des écoles à cinq jours font que cet argument n'a pas réellement beaucoup de poids.

Selon cette analyse, les différences s’amenuisent : un peu moins de 2 points sur 100 au CE2, en faveur des élèves scolarisés 4 jours par semaine ; 3 points de différence en 6e, en faveur des élèves scolarisés 4 jours par semaine. 2

Un autre argument est parfois rencontré, il s'agit du fait que si le samedi est libre, cela laisse plus de temps aux enfants pour voir leur famille, et notamment leur parents qui sont généralement au travail pendant la semaine. En ce qui concerne les nombreuses familles divorcées, ce modèle favorise non seulement les élèves vivant une semaine sur deux chez chacun de leurs parents, mais aussi ceux qui ne vont voir un de leurs parents uniquement pendant les week-end et jours chômés.

Enfin, un dernier argument est l'argument économique. Dans l'optique d'avoir un système éducatif optimisé, conciliant faible coût et bons résultats, cet argument à beaucoup de poids, d'autant plus que d'autres réformes relatives à l'éducation avaient pour objectif de réduire les coûts.

Elle est par ailleurs simple à mettre en oeuvre et son coût, aussi bien pour l’État que pour les collectivités territoriales, apparaît généralement moins élevé que celui d’autres aménagements. 3

2) L'action gouvernementale et ses raisons

Suite à ces divers points positifs, en 2008, Xavier Darcos a fait passer sa réforme des rythmes scolaires, après une impulsion du président de la République.

(Extrait de notre entretien avec Jeanne Bot, travaillant dans le cabinet de Colombe Brossel, adjointe au maire de Paris chargée de l'éducation)

Il a ainsi supprimé la classe le samedi matin. Pour justifier cela, il a avancé deux arguments 4 : tout d'abord, le système français n'était pas uniformisé, certaines écoles avaient cours le samedi, d'autres le mercredi, parfois une fois sur deux, deux fois sur trois, ou autres. Cette décision relevait du conseil d'école. Cette réforme permet d'avoir une organisation commune en France. De plus, le nombre d'heures travaillées par les enfants est élevé par rapport à nos voisins. Cette réforme n'étant pas accompagnées de réduction de vacances, comme elle avait pu l'être pour les écoles du Rhône et de la Loire dans les années 1990, le nombre d'heures est diminué.

Enfin, pour remplacer les heures du samedi matin, une aide personnalisée a été mise en place, à d'autres moments de la semaines, pour permettre de s'occuper plus précisément des élèves en difficulté.

II) Une forte opposition

Cette réforme a très vite été critiquée.

(Extrait de notre entretien avec Jeanne Bot, travaillant dans le cabinet de Colombe Brossel, adjointe au maire de Paris chargée de l'éducation)

L'année suivant la réforme s'est déroulée dans un climat de critique, certains réclamant un débat national. Le 23 juin 2009, Luc Chatel prend la place de Xavier Darcos en tant que ministre de l'éducation nationale. Suite à des discussions persistantes sur le sujet, il lance le débat national sur les rythmes scolaires à la rentrée de l'année scolaire 2010-2011.

1) Un mauvais rythme

Selon les chronobiologistes, une pause de plus d'une journée brise le rythme de travail de l'élève. La réduction de la semaine est donc néfaste car elle allonge le week-end, ce qui rend les élèves moins réceptifs les lundi matins, et pose même des problèmes jusqu'au mardi midi. La variations de la concentration de l'élève pendant la semaine dépend directement de leur emploi du temps, et n'est pas une donnée propre à l'enfant comme peut l'être sa variation de concentration dans une même journée. C'est pour cela que les chronobiologistes prônent un retour à la semaine de quatre jours et demi.

L’aménagement hebdomadaire en 4 jours n'est pas favorable à l'enfant car celui-ci est plus désynchronisé le lundi et le mardi matin que dans la semaine habituelle de 4 jours et demi. 5

De plus, la semaine de quatre jours rend les journées trop longues. Les élèves ont cours pendant trois heures le matin et trois heures l'après-midi, sans compter les pauses, auxquelles vient s'ajouter une aide individualisée pour les élèves en difficulté, généralement pendant la pause méridienne. Cela a pour effet de surcharger les journées de ceux qui ont le plus de mal à les supporter en temps normal. Ce qui va augmenter les inégalités entre bons et mauvais élèves.

Il faut néanmoins préciser que l'aide individualisée peut être proposée à un autre moment, par exemple le mercredi matin. Cette décision relève du conseil d'école. Mais pour des raisons de praticité, dans une écrasante majorité d'écoles, cette aide personnalisée est placée pendant la pause méridienne, ce qui permet aux enseignants de ne pas avoir à revenir un jour de plus en classe pour un petit nombre d'élèves.

2)Un facteur d'inégalités sociales

Outre le facteur de discrimination dû à l'aide individualisée, la semaine de quatre jours est problématique en ce qui concerne les zones défavorisées. La question du tiers-temps se pose. En effet, les enfants de classes sociales aisées auront accès à de nombreuses activités, ce qui sera en faveur de leur épanouissement, ou à du temps passé en famille, ce qui leur procurera repos et securité affective. Au contraire, pour les élèves issues de zones défavorisées, ce temps libre pourra être du temps qui non seulement n'est pas reposant, mais qui est aussi ennuyant, certains passant leur temps dans la rue, ou devant la télévision.

Un accompagnement de cette semaine de quatre jours devrait être mis en place par les collectivités locales, comme des activités, un centre aéré, des clubs de musique et de sport. En réalité, cette partie est généralement absente, ce qui a encore une fois des avantages financiers.

Pour résumer ce que pensent les chronobiologistes de la semaine de quatre jours, on peut citer François Testu qui écrit à propos de son instauration :

Dans l’intérêt du jeune ? Certainement pas ! 6

III) Que faire à l'avenir?

Tout ce qui est débattu en ce moment ne pourra pas avoir d'impact ni la rentrée prochaine, ni la suivante. Les prochaines réformes sont attendues pour 2013. D'ici là, les élections présidentielles changeront peut-être la donne.

Cependant, on a vu avec le cas du Rhône et de la Loire que, lorsque la semaine de quatre jours est mise en place, elle est très difficile à retirer à cause de la satisfaction due à son coté pratique.

Toujours est-il que le sujet est incontestablement une des causes de la conférence nationale qui s'est entamée en Juin 2011.

(Extrait de notre entretien avec Corinne Tapiero, vice-présidente de la PEEP)

48,1%
C'est, d'après le moteur de recherche Google, la proportion de pages Internet de l'année de la conférence nationale autour des rythmes scolaires, qui se penchent sur la semaine de 4 jours.

En réalité, c'est d'ailleurs majoritairement un grondement contre cette semaine qui se fait jour dans le débat. On l'a vu pour les chronobiologistes, les collectivités et à travers elles, les enseignants, mais aussi les associations de parents telles que la FCPE :

Il n’est plus besoin de ré-expliquer la nocivité de la semaine de quatre jours dénoncée de tout temps par la FCPE. L’académie de médecine le souligne d’ailleurs : l'aménagement du temps scolaire en France « n'est pas en cohérence avec les rythmes biologiques de l'enfant ». Le constat est sans appel également pour l’IGEN, les chronobiologistes : la semaine de quatre jours dans le primaire épuise les élèves, ses conséquences en termes d’apprentissage sont regrettables : programmes alourdis devant être assimilés avec deux heures hebdomadaires de moins. 7

Et on peut constater que depuis sa mise en place en 2008, tous ont fini par témoigner de la fatigue qu'éprouvaient (et éprouveraient donc toujours en Mai 2011) les élèves expérimentant ce système. Autrement dit, les propos tenus contre la semaine de 4 jours sont, au sein de cette grande majorité qui la critique, uniformes.

Avec notamment les évaluations PISA, ceci constitue l'un des points de départ de la conférence nationale sur les rythmes scolaires.

La semaine de quatre jours est donc problématique. Apparaissant dans un premier temps comme favorable, grâce à des études de satisfaction de parents et d'enseignants et des études économiques, elle a ensuite été critiquée, car elle ne respecte pas du tout l'intérêt de l'enfant. Les enfants subissent alors des journées trop longues, qu'ils ne peuvent pas tous supporter. C'est donc un facteur d'accroissement d'inégalités. Entre autres, les chronobiologistes s'opposent farouchement et unanimement à cette semaine de quatre jours. Mais la situation ne va pas pour autant évoluer rapidement.



1 Laurent Renaudeau. Et pourquoi pas la semaine de quatre jours?, consulté le 10 Mai 2011 (lien)
2 Rapport ministériel, « Organisation du temps scolaire dans le premier degré : Les effets de la semaine de quatre jours. », consulté le 10 Mai 2011 (lien)
3 Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale : « L’aménagement des rythmes à l’école primaire » (janvier 2000), page 61, consulté le 10 Mai 2011 (lien)
4 Xavier Darcos vient de décider la suppression des cours du samedi matin pour tous les élèves du primaire dès la rentrée 2008, site de l'éducation nationale consulté le 10 Mai 2011 (lien)
5 Rapport de l'académie nationale de médecine, Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant, consulté le 10 Mai 2011 (lien)
6 François Testu. Dans le futur débat sur l’école, le problème des rythmes scolaires, consulté le 10 Mai 2011 (lien)
7 Contribution de la FCPE à la conférence nationale, consulté le 14 Mai 2011 (lien)

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