Les institutions de santé

Ces institutions mettent en place le dépistage (3), et le suivent avec attention. Elles sont donc au cœur de cette controverse. Nous avons donc cherché à avoir un point de vue détaillé de leurs positions. Parmi les institutions de santé, toutes n’ont pas les mêmes regards sur le sujet. Ainsi les instituts sur le cancer (INCa), ou les instituts de recherche  semblent moins critiques que les grands organismes de santé comme la HAS envers le dépistage, et leur principal argument consiste dans le fait que dépister le plus tôt possible permet de mieux soigner le cancer. Ainsi l’INCa prône l’allègement des traitements, et des effets collatéraux qui n’influencent pas l’efficacité du dépistage (4).  Dans l’état actuel des connaissances, on ne sait pas distinguer les cancers qui évolueront de ceux qui n’évolueront pas, il vaut donc mieux tout traiter selon eux.De plus avec les nouvelles technologies, les doses de radiation sont plus faibles lors de la mammographie, ce qui réduit considérablement le risque déjà faible de cancers radio induits. Ces institutions incitent les femmes à se faire dépister de plus en plus tôt, et souhaitent de tout cœur le maintien du dépistage généralisé.

D’autres institutions, comme l’INVS ou la HAS, sont d’un premier abord plus partagées. Nous appuierons notre discours sur les propos de Catherine Rumeau-Pichon (5) qui travaille à la HAS (service des analyses médico-économique du dépistage) et qui a bien voulu nous recevoir.

Ces institutions émettent des rapports d’étude sur le programme de dépistage qu’elles ont mis en place. Pour cela elles se réunissent en groupe de travail où sont représentées plusieurs catégories d’acteurs : médecins généralistes, gynécologues, chercheurs, économistes… Les associations de patientes peuvent d’ailleurs saisir ces institutions en cas de désaccord avec le programme ou ses résultats.

Pour la HAS, même si les méthodologies employées par les méta-analyses ne permettent pas de remettre en cause le dépistage (face à des données mondiales très volumineuses montrant les bénéfices du dépistage, une seule analyse critique n’est pas suffisante, même si elle est bien conduite), son efficacité n’est pas aussi importante que celle imaginée. Selon Mme Catherine Rumeau-Pichon, « l’intérêt du dépistage généralisé s’est avéré moins grand qu’espéré. Evidemment, c’est toujours le cas pour ce genre de programme national. Les gains en termes de mortalité ont été plus faibles que les prévisions : c’est le passage de la théorie à la pratique. Il faut savoir aussi qu’en France on dépistait déjà avant le programme de dépistage généralisé. Les gains marginaux sont donc nécessairement plus faibles ». L’efficacité du programme de dépistage est très difficile à évaluer pour les institutions de santé (6). Mais mettre en place un programme de dépistage permet de mettre en place des structures de soins, et les précautions qui sont prises, comme la double lecture des résultats, permet d’éviter de trop nombreuses erreurs de diagnostics. Bien évidemment, certains points du programme sont à améliorer, en particulier le fait qu’il est difficile de surveiller un cancer sans le traiter lorsqu’il est découvert lors du dépistage, car cela engendre un stress trop important chez la patiente.

Même s’il reste vrai qu’irradier de façon régulière une patiente à risque génétique peut être dangereux, l’amélioration de la technique de mammographie dote le dépistage généralisé du cancer du sein d’une meilleure pratique et diagnostic, par rapport au dépistage individuel.

Il est de toute façon inenvisageable pour les institutions publiques de santé d’arrêter le dépistage organisé du cancer du sein, car cela serait beaucoup trop coûteux, on parle de l’« inertie française ». Mais cela se généralise aussi aux autres pays européens, qui maintiennent leurs programmes de dépistage généralisé.

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