Entretien avec un chercheur du CNRS

Gérard Arnold est un chercheur au de Institut des Sciences de la Communication du CNRS, spécialiste de la biologie de l’abeille domestique. Il est coordinnateur du pôle expertise et controverse de cette institut, et sous directeur scientifique de celui ci. Voici la retranscription de l’entretien que nous avons eu avec lui:

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  • Notre sujet porte sur l’impact croisé des pesticides sur le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles.

  • Attention ! Le « syndrome » est un mot américain. Au début on n’a pas donné de nom, c’est des « disparitions d’abeilles ». Je dis ça, et on va rentrer dans le vif du sujet tout de suite, parce qu’il est tout à fait possible qu’il y ait plusieurs causes à l’échelle mondiale, de disparition d’abeilles. Selon moi, il y a deux causes principales : l’acarien, Varroa destructor, et les pesticides. Les autres pathologies pourraient apparaître lorsque les abeilles sont fragilisées par les deux premières (celles que j’ai citées) : Nosema, les virus…

  • Le changement climatique par exemple ?

  • Non. Ca ça me fait rigoler. Ce n’est qu’un effet de mode… Les abeilles sont installées sur tous les continents. Lorsqu’il fait froid, elles savent produire de la chaleur, et lorsqu’il fait chaud elles rafraîchissent la colonie. Un effet direct n’est donc pas envisageable. Par contre, par l’intermédiaire des floraisons, elles peuvent être affectées indirectement. Si vous avez un mois sécheresse alors que vous vous attendiez à une miellée de tournesol par exemple, il y aura moins de rentrée de miel, et donc des conséquences indirectes. En ce sens, il peut effectivement y  avoir un effet. Mais actuellement, cet effet n’est pas visible.

  • Donc ça ne fait pas partie des causes secondaires dont vous parliez tout à l’heure ?

  • Quand les pesticides ont été mis en accusation un peu partout, et en particulier en France, dans les années 95, 2003 etc… on a très vite vu apparaître des tas d’autres scénarios possibles, d’autres causes. Cela peut même constituer à lui seul un sujet d’étude sociologique, si vous deviez continuer dans ce domaine. Selon les gens, vous pouvez avoir simultanément 10, 20 ou 30 causes ! Ce qui est statistiquement improbable que les abeilles allaient plus ou moins bien, et que d’un coup 30 causes apparaissent. Les gens les plus sérieux, par contre, disent qu’il y a des causes primaires, qui peuvent entraîner l’évolution d’autres causes secondaires. Cela dépend aussi de la manière dont vous étudiez la question. En général, lorsque des colonies meurent, on fait des analyses pathologiques des abeilles. On est sûr d’en trouver. Les abeilles, comme les humains, ont plein de virus (des spores Nosema par exemple), même dans les colonies fortes. A un certain moment, il y a donc apparition des troubles. Si vous regardez une colonie qui est affaiblie et qui meurt, vous trouverez des virus et Nosema, mais comme pour le sida, ça ne veut pas dire que c’est la cause primaire. En général, ça coûte beaucoup moins cher de regarder les pathologies que d’étudier un pesticide (ça coûte environ 200 euros) et ça arrange ceux qui ne veulent pas que l’on remette en cause les pesticides. Alors à l’échelle internationale, ça peut être plus une cause qu’une autre, et même quand une ruche meurt ici, ce n’est pas parce que ça peut être multifactoriel – c’est le grand mot qu’on agite depuis 10 ans – que toutes les causes peuvent agir en même temps. En France, on peut avoir une ruche qui meurt de Varroa, ou bien de pesticides ou des fois des deux. Mais il faut se méfier de cette notion de cause « multifactorielle » qui peut laisser croire que les abeilles subissent plusieurs choses en même temps, et qu’on ne sait pas trop pourquoi elles meurent. C’est important car il y a eu un glissement de langage. En reconnaissant qu’à l’échelle du monde il y a eu différent facteurs, on vous sort toujours ce mot de « multifactoriel ».

  • Il y aurait donc plutôt une cause qui affaiblit les abeilles, et une cause qui les achève.

  • Schématiquement, oui. Je vous dis ça parce que, lorsque vous êtes en région de grande culture et qu’il y a un traitement, lorsqu’une colonie meurt, il n’y a pas besoin d’aller chercher d’autres causes… De même si vous ne traitez pas Varroa, la colonie va s’affaiblir et mourir, il n’y a pas besoin d’aller s’interroger sur les pesticides. Des fois c’est les deux, bien sûr.
    Ce qui est intéressant lorsque vous parlez de synergie, c’est qu’il y a un papier qui vient de sortir très récemment (Luc Belzunces et autres) qui montre que dans certaines conditions expérimentales, Nosema seul ne fait rien, les pesticides seuls ne font rien, mais lorsque les deux sont en présence, la colonie a des problèmes. C’est bien la synergie des deux causes.

  • Y a-t-il des études qui ont prouvé les effets néfastes de la synergie de certains pesticides ?

  • Il y a effectivement eu des travaux par l’équipe d’Avignon (celle de Belzunces), un peu anciens, et il y en a eu d’autres récemment, donc c’est un sujet assez connu.
    C’est très difficile de faire des études de terrain, et il y a pas énormément de recherche dans ces domaines-là, en France il y a un laboratoire qui fait ça, c’est  celui d’Avignon.

  • Et à l’ANSES ils ne font pas ça ? Vous savez, à Sophia Antipolis, il y a un laboratoire, mais c’est peut-être plus au niveau des AMM.

  • Non mais ils font certainement des choses comme cela. Ils sont très dans le multifactoriel eux. Par rapport aux preuves formelles, il faudrait regarder … Mais c’est admis, là je n’ai pas en tête une étude qui aurait montré que… Parce qu’encore une fois, pour faire cela, ça coûte très cher. Alors vous avez beaucoup d’études qui sont faites en France, que l’on appelle études épidémiologiques. Il y en a une très bonne que je vous recommande, c’est celle qui a été faite dans les pays de Loire. La directrice de cette étude est Monique L’Hostis qui est professeur à l’école vétérinaire de Nantes, et qui a lancé pendant 2-3 ans une étude sur un transept de rucher, de la ville, en passant par le bocage, jusqu’à la grande culture, et en regardant tout ce qu’il y avait dans les ruches : maladies, pesticides. Là c’était intéressant, et en plus en allant enquêter auprès des agriculteurs et des apiculteurs pour savoir quels traitements ils utilisaient. C’est une étude remarquable, ils ont eu la confiance des agriculteurs, et ils ont eu des réponses en rapport avec cette confiance, c’est-à-dire que les gens leur ont montré leurs cahiers, etc… Tous les résultats ne sont pas publiés, en tant que membre du comité de pilotage, j’ai émis quelques critiques concernant des analyses chimiques qu’ils ont mené qui s’appellent multi résiduelles. C’est-à-dire, vous testez 80 pesticides ensemble, du coup les niveaux et les limites de quantification sont hautes, tout le monde le reconnait, ce sont des questions économiques. Je n’étais donc pas très content car les pesticides les plus actifs, ceux qui ont des doses létales autour de 4 ng/abeille, c’est-à-dire imidaclopride (Gaucho), fipronil (Régent) et d’autres molécules voisines, du coup vous ne les voyez pas avec une telle barre de détection. Et donc si on veut les voir, elle me l’a dit, il faut trouver beaucoup d’argent pour financer une telle étude sur 1 produit que ce soit imidaclopride, que ce soit fipronil, que ce soit thiamétoxam (Cruiser,  Actara), etc… Et sur plein d’abeilles, je vous avait dit précédemment que le prix se chiffrait entre 100 et 200 €, on comprend les sommes colossales requises pour effectuer correctement ces tests. Et ce n’est pas pour ne pas répondre à votre question, mais nous arrivons à des limites d’investissement dans la recherche pour comprendre cela. Alors ce qui est fait souvent, c’est le processus inverse, c’est que l’on regarde la toxicité en laboratoire, en demi-champ ou en plein champ, d’un certain nombre de pesticides. Alors nous sur le Gaucho imidaclopride, j’ai été corédacteur d’un rapport en 2003 pour le ministère de l’agriculture, deux ans de travaux, on avait réussi à se faire aider par 2 post-doctorants et on avait regardé tout les rapports et publications qui avaient été faites à l’époque sur la question. Ce qui était original sur ce groupe de travail, c’est également important à dire pour les controverses, c’est que l’on a mis des critères de sélection. Alors que d’habitude, les gens dans la plupart des groupes de recherche, prennent les publications pour argent comptant. Nous on avait des critères de scientificité, qui n’étaient pas très élevés en plus : statistiques, plus que quatre ruches… En somme, des choses qui nous feraient presque sourire tellement elles étaient … Et là on a rejeté pas mal de publications. Et la conclusion du rapport, il y avait 15 personnes une partie envoyée par le ministère de l’agriculture, l’autre par le ministère de l’environnement, était l’imidaclopride est très toxique pour les abeilles, etc… Cela a conduit au maintien de la suspension du Gaucho par le ministre, et finalement l’année d’après à l’interdiction sur maïs pour l’imidaclopride. En parallèle, d’autres études ont été menées par ce même groupe, moi je l’avais quitté car j’étais devenu expert judiciaire pour le régent, et la conclusion du groupe a été la même, le Régent, le comment elle s’appelle la molécule ?

  • Le Gaucho.

  • Non non, le gaucho c’est imidaclopride, le Régent c’est fipronil. Le fipronil est très toxique pour les abeilles. Donc on a des procédures comme cela qui montrent que les produits sont très toxiques. Alors pour répondre… Parce que vous c’est Juin, c’est pour cela que je vous demandais cela… Car actuellement je travaille à l’EFSA (European Food Safety Agency) à Parmes, j’y vais demain matin. Et demain se tiendra notre dernière réunion sur pesticides-abeilles en gros, c’était à la demande de la communauté Européenne, qui a voulu un audit, en particulier pour améliorer les tests d’homologation des pesticides. Et parmi cela il y a tout un chapitre, j’y viens, sur les synergies. Je ne peux pas vous le donner là, je serais en défaut, mais normalement, demain on valide et je pense que ce sera sur le site de l’EFSA vers avril, et il sera ouvert au public. Donc ça bouge de tout les côtés, moi ce qui m’a intéressé dans cette controverse, je ne suis pas obligé de répondre à vos questions ? Je peux vous dire un truc ?

  • Bien sûr, bien sûr.

  • Non parce que ce qui compte c’est les réponses. Alors moi je suis biologiste d’origine, j’ai fait toute ma carrière en biologie de l’abeille, sans m’intéresser aux pesticides. Et puis à l’époque du Gaucho, dont on parlait dans tous les journaux, le Monde, Libération, etc… Imidaclopride vers les années 2000 par-là, j’ai téléphoné au ministère dans un premier temps, pour leur demander comment ils choisissaient leurs experts. Je suis allé au bureau des intrants et le monsieur m’a dit qu’ils en avaient deux Faucon et Stasy  ils s’appelaient, maintenant ils sont à la retraite, et il m’a dit qu’ils étaient contents avec eux, ce qui était très étonnant. Ce qui voulait dire, « envoyez un CV et on vous écrira », alors que j’avais un CV plus gros que le leur, mais peu importe, j’ai quand même envoyé un CV. Et puis j’ai écrit directement au ministre, un peu pour me lâcher, tout en restant correct, mais au moins je m’étais dit que j’avais fait cela. C’était Glavany à l’époque, et du coup, comme il avait suspendu le Gaucho et qu’il créait un groupe de travail, il a obligé le bureau des intrants à me prendre parmi les experts. Alors, il y avait 15 experts dont au moins deux ennemis spécialistes de l’abeille, peut être trois, et vous verrez que c’est une constante dans les groupes de travail, et à l’EFSA c’est pareil, on n’est pas majoritaires experts de l’abeille, et en général, les experts de l’abeille sont minoritaires. Je me suis demandait si c’était la même chose pour les groupes dans lesquels on trouve des cancérologues, je ne pense pas que ce soit le cas, mais pour les abeilles ça l’est. On n’est pas non plus obligés d’être 100% abeilles, parce que c’est intéressant d’avoir des… Mais là du coup il a fallu expliquer à des tas de gens… Enfin ça m’a pris 2 ans de ma vie, mais grâce au président qui venait du ministère de l’environnement, on a été au bout de la logique. Car d’habitude, la logique c’est de dire : « on ne peut pas conclure » parce qu’il y a des pours et des contres. Et nous on a conclu, alors ça n’a pas plu au ministère qui a enlevé son logo, et qui a fait tout un tas de truc qui prendrait du temps à raconter, pour essayer de minorer notre travail. Mais cela m’intéressait, et c’est ce qui m’a poussé à m’intéresser au phénomène d’expertise, et quand ce laboratoire a été créé en 2007 j’étais à l’origine avec le directeur Louis Volton plus deux trois autres, en tant que biologiste je me suis rapproché de gens de SHS, pour finir ma carrière, pour essayer de mieux comprendre les techniques d’analyse et de controverse.

  • C’est quoi SHS ?

  • Sciences Humaines et Sociales, et l’année dernière, on a fait deux colloques pour le CNRS, un sur expertise, et un sur controverse, donc j’ai monté un pôle ici avec des chercheurs, et mon espoir maintenant c’est d’avoir assez de temps maintenant pour rédiger des articles sur l’abeille, et la controverse de l’abeille. Depuis plusieurs années je suis cela de très près, alors là on vient de voir que ça touchait les groupes. On ne va pas parler de conflits d’intérêts, mais je peux en parler, même dans les groupes abeilles, et la stratégie de publication par exemple. Vous savez, il y a deux-trois ans est sorti un article dans science, qui disait : « le CCD cause, origine, l’israelivirus » car il avait été trouvé en Israël. Et je suis presque totalement sur que lorsque les gens l’ont publié ils étaient déjà à peu près sûr que ce n’était pas vrai, et effectivement, les gens qui travaillaient sur le CCD aux EU ont vu quelques temps après que effectivement ce virus n’était pas lié au CCD. Et maintenant on n’en parle plus, c’est pour cela que je vous mets sur une piste comme celle-ci car Science est quand même le 2eme journal en termes de réputation, après Nature. Et comme ces deux journaux envoient des communiqués de presse à tous les journaux dans le monde, cela a fait du buzz. Vous voyez que quand vous touchez à l’abeille on en parle tant, pas à cause du miel, dont tout le monde se fout à peu près, un peu à cause de la pollinisation, mais surtout parce que l’abeille est dans les champs, ici comme ailleurs, et s’il y a des problèmes dans l’environnement, les abeilles le montrent. Et on le sait très vite parce que les apiculteurs les regardent. C’est pour ça qu’on en parle tant de cette controverse. Si les abeilles meurent à cause des pesticides, ça remet en cause les méthodes d’agriculture utilisées, etc. C’est tout à fait passionnant de voir comment les gens arrivent à contourner ça, à vous expliquer des choses… Il y a une nouvelle cause évoquée depuis quelques années il paraît c’est que les abeilles ont faim. Vous pouvez aller voir sur internet il y a quelques années on disait que les abeilles avaient faim. Nathalie Kosciusko Morizet et un autre ministre avaient dit en conférence de presse qu’il fallait planter des fleurs sur le bord des routes pour qu’elles aillent mieux. Ca c’est le travail de lobbying. Il y a une association qui a été créée pour dire que les abeilles meurent de faim, elles n’ont pas assez de pollen, etc. Et ça n’a pas été prouvé de manière générale. Il peut bien sûr avoir des cas particuliers où en hiver les abeilles ont froid et meurent effectivement de faim parce qu’elles n’ont plus accès à la nourriture, mais c’est plutôt rare.

  • Vous dites que c’est du lobbying, mais de la part de qui ?

  • La c’est une association sponsorisée par une firme, BASF. Au début ils ne l’avaient pas dit mais un chercheur à relevé l’adresse IP. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de jachères apicoles, ça c’est une bonne idée, c’est l’utilisation qui est faite de ce concept pour dévier les choses. Deux ministres qui viennent faire une conférence de presse il faut quand même arriver à le faire. Je ne sais pas si vous avez vu mais un déontologue a été nommé à l’assemblée. Il a sorti son rapport il y a une semaine et il pointe du doigt tous les colloques organisés à l’assemblée nationale. Moi j’en avais repéré deux en janvier sur les causes de mortalité des abeilles. Et ce déontologue insiste sur le fait que ce sont les entreprises qui imposent et choisissent les intervenants.

  • Le site sponsorisé par BASF c’était Jachères Apicoles non ?

  • Oui voilà c’est ça.

  • Mais maintenant c’est sur le site que ceux sont eux qui financent, c’est plus caché.

  • Oui maintenant oui. C’est un apiculteur qui le fait d’ailleurs. Certains apiculteurs ont des rôles particuliers, les chercheurs aussi. Alors le but des chercheurs c’est d’avoir de l’argent pour sa recherche, ils ont intérêt à faire fructifier tout un tas de projets de recherche, et certains projets rapportent plus que d’autres. Un type qui vous dit « je vais chercher les effets des pesticides » c’est pas commun quand même. Par contre, les virus, le Nauséma par exemple tout le monde travaille dessus.

  • Vous sauriez évaluer la part des investissements qui proviennent des entreprises phytosanitaires et de l’état ?

  • Non, non, moi ce que je voulais faire comme travail, que j’avais soumis à quelqu’un de Bruxelles, c’était de voir comment la communauté européenne finance cette recherche, parce qu’il y a beaucoup d’argent au niveau de l’Europe.

  • Pour les AMM ce sont les entreprises qui financent les études ?

  • Ah totalement. Si vous avez accès au document officiel, par exemple pour la chlotianydine, toutes les études sont non seulement payées mais faites par Bayer. Et je travaille à Parme en ce moment parce que les niveaux actuels des tests sont très faibles. Il n’y a peu d’études statistiques, etc.

  • On a vu lorsqu’on a regardé l’AMM du Cruiser tournesol, on a remarqué qu’on stipulait de continuer les test après l’AMM. C’est surprenant tout de même.

  • Oui c’est tout à fait surprenant ! Enfin non quand on connaît comment ça marche c’est pas surprenant. Au début ça m’a surpris aussi. C’est une histoire d’argent. Je vous donne un exemple, le tournesol, on a eu le Gaucho et le Régent. Le Gaucho a été interdit, ils ont mis le Régent, le Régent a été interdit. En France, le tournesol n’a pas d’ennemi. Tout le monde le sait, les organismes techniques et les chercheurs du moins, ça a même été dit officiellement. La grande majorité des champs de tournesol n’ont pas besoin d’être traités. Mais en France, entre 50 et 80% des parcelles le sont.

  • Parce que les agriculteurs sont mal informés ?

  • Oui les agriculteurs sont mal informés, et puis ils ont du mal à trouver des semences. J’ai même un gars dans le colza qui m’a dit qu’il ne trouvait pas de semences sans traitement.

  • Elles sont toutes traitées par enrobage systémique ?

  • Oui voilà, il est très difficile de  trouver des graines non enrobées. J’ai pas vérifié dans ce cas là. Pour le tournesol je suis sur de mon coup, c’est très dur d’avoir des semences non enrobées. Il y a un film qui raconte cette histoire « témoin gênant » téléchargeable sur internet et qiu est passé sur planète (réalisateur Yves Elie). Ce film raconte toute l’histoire du GAUCHO et du REGENT. Principalement des interview de gens mais ce qui est intéressant c’est de voir l’avis d’agriculteurs aussi bien que celui d’apiculteurs, de représentants des firmes, du ministère etc…. Il y a d’autres films qui ont été fait : celui de Natacha CALESTREBE (titre inconnu) qui est partie enquêter aux états unis (film « correct »). Après il y a des films excessifs qui diabolisent les pesticides mais il faut considérer que le problème est complexe avec deux causes principales pesticides et varroa. Certains chercheurs vous diront qu’il n’y a que les pesticides, c’est absurde mais il y a aussi les pesticides. C’est difficile de tout analyser mais en général on ne se donne pas vraiment les moyens de le faire. Derrière il a quand même l’agriculture française qui est surtout intensive et ça remet trop en cause les méthodes agricoles utilisées depuis de nombreuses années.

  • Et vous vous êtes concentré sur le frelon dans vos derniers travaux ?

  • J’ai travaillé sur le frelon à chypre, comme un cas de défense de l’abeille par rapport à un prédateur. Il se trouve qu’après un frelon est arrivé en France et j’ai des étudiantes qui passent leur thèse sur le frelon en France. C’est une cause sérieuse il peut y avoir jusqu’à quinze frelons sur une ruche dans certaines régions de France et les ruches sont très affaiblies. C’est encore un truc de plus mais plus localisé, surtout dans le sud ouest. Le varroa est un problème car il n’y a pas de traitement. Il y en a eu mais il est devenu résistant, en 82 j’ai travaillé sur le Varroa, si toute une région de France toutes les ruches étaient traitées le même jour en même temps avec un produit on arriverait à beaucoup le diminuer. Si les traitements ne sont pas coordonnés entre voisins le traitement devient inefficace. Certains apiculteurs font un peu n’importe quoi et c’est dommage. Avec la polémique du MEDIATOR les groupes d’experts sont un peu plus présents pour éviter les répercutions graves mais il reste du chemin à parcourir.

  • Et quels sont les recours que peuvent avoir les apiculteurs pour dénoncer des mésusages ou des déviances ?

  • Les apiculteurs demandent une première fois au ministère qui ne les écoute pas et c’est le conseil d’état qui leur donne raison pour finalement n’arriver à rien de concret. Pour le CRUISER à chaque fois le conseil d’état leur a donné raison mais le ministère prolonge l’autorisation pour un an de plus dans l’attente d’une expérimentation suffisante pour prouver efficacement l’effet néfaste du produit.  Depuis deux ans il y a des problèmes sur colza, c’est délicat au niveau des abeilles car les répercutions ne sont pas forcément brutales. Parfois ce sont juste des décolonisations qui affaiblissent les colonies.