Statistiques ethniques : utiles, inutiles ou dangereuses ?

Au-delà de la mesure, quelle utilisation ?

La question de l’utilisation des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. se situe probablement au cœur de la controverse.

En effet, la plupart des acteurs de la controverse, qu’ils considèrent les Statistiques EthniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. comme inutiles ou efficaces, ne sont pas fondamentalement contre leur existence et leur mise en place sous réserve qu’elles soient supervisées et qu’elles se conforment à la loi. Mais l’utilisation de ces statistiques est au centre des désaccords et des oppositions, reposant sur les questions suivantes :

Une étude statistique doit-elle avoir un objectif précis ?

Dans quels domaines doit-on faire des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. ?

Qui devrait y avoir accès ?

Faut-il un objectif précis pour pouvoir réaliser des statistiques ethniques ?

Si l’on considère que la réalisation de statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. est légitime sous certaines contraintes, comme une grande majorité des personnalités importantes s’exprimant sur le sujet, qu’en est-il de l’utilité de celles-ci ? Est-il acceptable de pouvoir faire ce genre de statistiques simplement pour étudier l’évolution de la population, ou bien est-il nécessaire d’avoir un objectif précis ?

Le débat actuel est centré sur ces deux idées, à savoir, celle de faire de la statistique pour faire de la statistique (c’est-à-dire pour l’étude en elle-même), ou bien de le faire pour remplir un objectif précis.

Certes, les statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. peuvent être utiles, mais les enquêtes doivent être ciblées, ce qui rend le contrôle exercé par la CNILCNIL : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
Autorité administrative indépendante exerçant ses missions en vertu de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978
primordial. C’est en tout cas la position du COMEDDLe Comité pour la Mesure et l’Evaluation de la Diversité et des Discriminations, a été institué par Yazid Sabeg à la demande du président de la République en mars 2009. De fait, ce comité a été créé pour contrer le rapport Veil ayant émis un avis négatif sur les statistiques ethniques les considérant comme anticonstitutionnelles. Le principal fruit de l’activité de ce comité est le rapport Héran, favorable aux statistiques ethniques., et en particulier de son président François Héran
heran
François Héran est démographe. Normalien, agrégé de philosophie, il dirige actuellement l’Institut national d’études démographiques (INED). C’est lui qui a remis au président le célèbre rapport Héran globalement favorable aux statistiques ethniques.
qui affirme l’importance d’un « contrôle accru » sur celles-ci.

L’article du journal Libération, « Le rapport Héran : un rapport, deux critiques » exprime cette opposition d’opinions de façon notable

La LICRA
licra
La Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme est l’une des organisations les plus anciennes du terrain associatif français. Créée en 1926, la Ligue s’est beaucoup élargie depuis et veille au respect de la valeur fondamentale de la République qui est la laïcité.
est également partisane de cette idée. C’est une association pour laquelle il est crucial que le type d’utilisation soit décidé et accepté avant même de faire l’étude statistique. Elle l’a notamment montré lorsque s’est elle-même « félicitée de la décision prise par le Conseil Constitutionnel censurant l’article 63 relatif aux statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. de la loi sur l’immigration, en le déclarant non conforme à l’article 1 de la Constitution. » qui faisait suite à la publication du rapport de Simone Weil sur la diversité.

«
On souhaite que cela reste des données objectives, avec un cadre très contrôlé dans la collecte des informations, dans les moyens de collecter les informations et des autorités qui la contrôlent, et surtout s’assurer de la finalité de ces données.
»

Sabrina Goldman
goldman
Née en 1980, avocate au barreau de Paris, déléguée exécutive chargée des relations avec les associations à la LICRA. Sabrina Goldman occupe une position qui résume bien la LICRA : les statistiques ethniques sont trop susceptibles, dans notre société, de donner lieu à des dérives et à des utilisations abusives pour être autorisées.

Le CRANCRAN : Conseil Représentatif des Associations Noires
Emmené par Louis-Georges Tin, célèbre militant contre l’homophobie et le racisme, le CRAN est très impliqué dans le débat sur les statistiques ethniques, auxquelles il se dit favorable, en déclarant vouloir ainsi « montrer le vrai visage de la France ».
et son ancien président Patrick Lozès rejoignent cette idée, puisqu’il prônent une statistique de la diversité, et considèrent comme la LICRA
licra
La Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme est l’une des organisations les plus anciennes du terrain associatif français. Créée en 1926, la Ligue s’est beaucoup élargie depuis et veille au respect de la valeur fondamentale de la République qui est la laïcité.
, que les statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. peuvent servir dans le but de lutter contre les discriminations. Sur le site du CRANCRAN : Conseil Représentatif des Associations Noires
Emmené par Louis-Georges Tin, célèbre militant contre l’homophobie et le racisme, le CRAN est très impliqué dans le débat sur les statistiques ethniques, auxquelles il se dit favorable, en déclarant vouloir ainsi « montrer le vrai visage de la France ».
, on peut lire :

«
En clair, si un homme noir, arabo-maghrébin, asiatique ou métis, a été discriminé à cause de la couleur de sa peau, il doit pouvoir le dire, son cas doit pouvoir être pris en compte par la statistique nationale, afin de que des solutions puissent être mises en place, au-delà de son cas individuel.
»

Là où ces deux associations, la LICRA
licra
La Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme est l’une des organisations les plus anciennes du terrain associatif français. Créée en 1926, la Ligue s’est beaucoup élargie depuis et veille au respect de la valeur fondamentale de la République qui est la laïcité.
et le CRANCRAN : Conseil Représentatif des Associations Noires
Emmené par Louis-Georges Tin, célèbre militant contre l’homophobie et le racisme, le CRAN est très impliqué dans le débat sur les statistiques ethniques, auxquelles il se dit favorable, en déclarant vouloir ainsi « montrer le vrai visage de la France ».
, diffèrent, c’est sur la nécessité des ces statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus.. La première y est globalement opposée, tandis que la seconde les revendique.

Site officiel du CRAN : Le Cran soutient les statistiques ethniques

A l’inverse, pour certains démographes, il n’est pas nécessaire de faire de la statistique ethniqueStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. pour une étude précise dans un certain contexte pour répondre à telle ou à telle question. Ce qui compte, c’est le droit de savoir comment notre société est constituée. Dans ce cas, l’unique utilisation qui en est faite est celle d’avoir une vision globale de notre population à un instant donné.

«
La statistique est nécessaire à la connaissance. Il faut faire des statistiques pour cela, et surtout pas pour un résultat attendu. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui refusent les statistiques ethniques sur la population carcérale sous prétexte que la réalité qu’elles donneront à voir.
»

Michèle Tribalat
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Démographe à l’INED, Michèle Tribalat se démarque nettement de son milieu professionnel par son regard sur l’immigration, réaliste pour certains, trop négatif pour d’autres. En 1976, elle est recrutée par l'INED, dont le conseil scientifique veut pousser la recherche sur les flux migratoires : ce sera son domaine d'activité. Elle est favorable aux statistiques ethniques.

«
Je pense que ça serait utile qu'on aie cette information confidentielle à des fins d'observation et d'analyse.
»

Patrick Simon
simon
Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques.

«
Quand on veut savoir ce qu’il arrive à quelqu’un dans la société et que l’on soupçonne son origine culturelle, géographique ou ethnique, de jouer un rôle, il faut trouver les moyens adéquats.
»


Les points de controverses

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