Education par répartition ou par capitalisation ?

« Le financement par remboursement différé a d’ailleurs une parenté évidente avec un système de sécurité sociale ou un système de retraite. Dans un système de retraite, les actifs cotisent en effet pour assurer leurs vieux jours ; dans le système à remboursements différés, les diplômés insérés dans l’emploi cotisent pour leur jeunesse passée. »

Universités : un autre financement est possible (13/11/2007) par Eric Maurin, économiste et directeur de recherche à l’EHESS

Le 6 septembre 2011, les deux économistes Hugo Harari Kermadec et David Flacher ont publié dans “Le Monde” une tribune au titre intriguant : “Education par capitalisation ou éducation par répartition, Terra Nova n’a pas choisi”. Par ce titre, les auteurs dressent un parallèle entre le financement des retraites et le financement de l’éducation, et plus précisément celui de l’enseignement supérieur. Ils développent notamment dans l’article l’idée selon laquelle une augmentation des droits de scolarité à l’université (proposition de Terra Nova) relèverait d’une éducation par capitalisation, alors que l’allocation d’autonomie pour les étudiants (toujours Terra Nova) participerait d’une logique de répartition. Les deux économistes veulent ainsi pointer le manque de cohérence du rapport du think tank.

Il convient alors de se demander à quelle logique de financement participe une augmentation des droits de scolarité dans l’enseignement supérieur. Peut-on vraiment faire un parallèle entre les études supérieures et les retraites? Ces deux périodes ont certes un caractère symétrique, l’un se situant en amont de la vie active, l’autre en aval. Néanmoins, peut-on encore parler de capitalisation quand l’individu concerné n’a pas encore travaillé, et, a fortiori, peut avoir à s’endetter? Par ailleurs, les systèmes par répartition et par capitalisation sont souvent opposés, à l’instar de ce qui est fait dans la tribune du “Monde”. Pour le sujet qui nous concerne, cette opposition reste-t-elle pertinente?


Dans ce noeud, il s’agira de présenter et discuter deux logiques de financement a priori bien distinctes, ainsi que d’apprécier leur impact sur les réponses apportées dans la controverse.


Le problème de la définition

Pour commencer, de quoi parlons-nous ? La question se pose en effet car si chacun a pu entendre les mots capitalisation et répartition lors des multiples débats sur la réforme des retraites, ils reviennent en général moins fréquemment quant il s’agit des droits de scolarité.


La retraite par répartition est un système de financement des pensions de retraite qui consiste à les alimenter directement par les cotisations prélevées au même moment dans ce but sur la population active. Le montant global de ces cotisations (« assurance vieillesse ») est réparti entre tous les pensionnés. (Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Jean-Yves Capul, Olivier Garnier, 2-218-72135-X, Hatier, Paris, avril 1996 ; p388 ou entrée protection sociale, cotisations et prestations sociales).

La retraite par capitalisation fonctionne sur le principe de l'accumulation par les travailleurs d'un stock de capital qui servira à financer les pensions de ces mêmes travailleurs devenus inactifs.(Wikipédia, l'Encyclopédie libre).

En adaptant, un financement de l’ES par répartition signifierait un financement par les actifs (par l’intermédiaire des impôts ou de nouvelles cotisations). Dans un système par capitalisation, chaque étudiant financerait ses études individuellement, avec un capital dont il dispose par l’intermédiaire de sa famille ou qu’il emprunte auprès d’une institution.


Retraite et éducation diffèrent donc sur plusieurs points. Alors qu’une retraite par capitalisation repose sur ses fonds propres, une éducation par capitalisation demande bien souvent de s’endetter, ce qui peut amener à parler d’éducation par endettement, même si derrière il y a des capitaux empruntés. De plus, on est tenté de parler d’éducation par répartition quand celle-ci est financée par tous les contribuables (y compris les retraités) par l’intermédiaire de l’impôt. Néamoins, les termes capitalisation et répartition pour l’éducation restent dans notre cas pertinent, car ils permettent de décrire deux logiques de financement distincts d’une étape de la vie du citoyen où celui-ci n’a bien souvent pas d’activité lucrative.

Les questions qui se posent



En première approche et en extrapolant la démarche de la tribune présentée en introduction, on est tenté de reformuler le sujet de la controverse, initialement “Faut-il augmenter les droits de scolarité dans l’enseignement supérieur français”, par “doit-on tendre vers plus d’éducation par capitalisation, ou au contraire conserver un système qui est essentiellement par répartition?” Néanmoins, on considère ici qu’il y a un lien direct entre une éducation par capitalisation et une augmentation des droits de scolarité. De plus, on prend pour acquis que le système actuel est effectivement un système par répartition. Finalement, il convient bien de se demander à quelle logique appartiendrait une augmentation des droits de scolarité: capitalisation, répartition, ou éventuellement une troisième voie à préciser?

A travers ce noeud se pose finalement la question de qui doit financer l’ES français : l’Etat dans une logique de solidarité intergénérationnelle et d’intérêt général, les actifs (voire même les actifs diplomés) à travers des cotisations, l’étudiant car il développe son propre capital humain qu’il pourra rentabiliser par la suite, les entreprises parce qu’elles bénéficient par la suite d’une main d’oeuvre qualifiée?

Et en cas d’augmentation des droits de scolarité pour l’étudiant, dans quelle mesure peut-on dire qu’elle participe d'une logique individuelle par opposition à une logique solidaire et collective que serait une éducation par répartition ?


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