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Entretien avec M.MINIERE

1) EDF a-t-elle étudié le problème de la réduction de 50% du nucléaire français comme le propose M. Hollande ? Est- ce possible, combien cela couterait ?

Si l’on se place dans la logique des accord verts-PS, qui visent à arrêter 24 réacteurs d’ici 2025,cela suppose beaucoup de changement dans les 4-5 prochaines années. En effet, arrêter un réacteur, correspond à ne pas prolonger sa durée au-delà de 40 ans. Le problème, c’est qu’en 2019-2020, un certain nombre de réacteurs auront 40 ans. Arrêter 24 réacteurs suppose d’arrêter tous ceux-là.

Dans ce cas, il faut des ENR et des centrales complémentaires, qui seront inévitablement des centrales au gaz. Il faut mettre en service les centrales au gaz à l’horizon 2020. Il faut donc commencer en 2014 le design.

Si on prolonge la durée de vie de ces réacteurs au-delà de 40 ans, il faut faire décider dès maintenant quelles modifications sont nécessaires pour les prolonger. Dans tous les cas, les décisions doivent être prises dès maintenant.

Un  problème est que le gaz nécessite un gros investissement, et profiterait aux Russes (gaz), aux Allemands (tuyauteries North stream et centrales Siemens) et aux Américains (centrales General Electrics).

Il faut aussi prendre en compte pour bien comprendre le débat actuel le fait que l’Allemagne à intérêt à ce que le nucléaire soit moins utilisé en France, et cela à cause du différentiel d'électricité (130-230€ le KWh entre la France et l’Allemagne). Ce différentiel va augmenter avec l’arrêt du nucléaire en Allemagne et pénaliser les Allemands qui achèteront leur énergie en France.

Il y a donc un choix à faire entre l’industrie française et allemande. L’emploi français lié au nucléaire est conséquent.

Dans le nucléaire, nous faisons donc l’effort d’expliquer cela, depuis quelque temps. […]

Il faut insister sur la richesse industrielle générée par le nucléaire. Des usines d’aluminium se trouvent à côté des centrales et profitent des tarifs très avantageux de l’énergie nucléaire.

On ne l’a pas assez expliqué. Nous avons confiance en notre capacité de convaincre les politiques. Les régions ont besoin des emplois créés par le nucléaire, domaine d’excellence industrielle Française.

 

2) Vous avez évoqué l’approche probabiliste du calcul des risques, certaines entités défendent une approche statistique. Qu’en pensez-vous ? Arrivez-vous à mixer les deux ?

- On fait le retour d’expérience régulier de la fiabilité. Les ratios de fiabilité prévus à la conception sont régulièrement testés. On surveille en exploitation. Il y a des EPS (évaluations probabilistes de sureté) de niveau 2. Les experts qui se chargent de la sureté sont capables de réinjecter les données expérimentales, pour calculer le risque de fusion du cœur.


3) Comment prendre en compte l’erreur humaine ?

Il faut bien prendre en compte le délai opérateur. L’opérateur a 30 alarmes qui se déclenchent. Certaines alarmes sont plus importantes. L’opérateur doit lire la documentation pour bien traiter les alarmes. Dans les centrales, le délai prévu est de 20min. Pendant 20min, l’opérateur n’a rien à faire…

Pour contrôler la fiabilité des processus, il y a des tests d’erreur humaine avec le personnel EDF. Certains opérateurs passent 15 jours sur simulateur (un peu comme des aviateurs), et doivent valider les tests.

 

4) En mai 2011, l’ASN a annoncé qu’on ne peut ne peut pas totalement exclure un accident de type Fukushima. Elle s’est basée sur l’impossibilité de prévoir une conjonction de catastrophes. Etes-vous d’accord ?

- Un risque zéro n’existera jamais

- On peut limiter le risque par deux approches : résistance et résilience.

On peut améliorer la conception pour réduire le risque. On atteint quand même les limites. In fine, un accident nucléaire ne peut venir que de la perte de l’eau de refroidissement. Il faut donc s’assurer que le débit nécessaire soit fourni. Il faut donc avoir des diesels qui fonctionneront quoi qu’il arrive, des sources d’eau fiables, et les équipes capables de gérer la situation. Ces équipes sont d’abord les employés de la centrale, puis au bout de 24h la force d’action rapide nucléaire, puis des employés d’autres sites.

On ne peut pas imaginer l’inimaginable, il faut se prémunir contre les risques en sachant comment protéger les points sensibles de la centrale.

 

5) Les dommages touchent directement le gros de la population ?

Non. Le plus gros problème, c’est que les gens sont évacués et ne peuvent plus revenir vivre chez eux. En effet, le Césium a une durée de vie de 30 ans. C’est cela qui pose le problème de l’acceptabilité du nucléaire.


6) Il est donc impossible de garantir l’acceptabilité du nucléaire.

Les filtres à sables constituent une solution au danger pour la population. En effet, en cas de début de fusion du cœur, s’il y a montée en pression de l’enceinte, on ouvre l’enceinte via le filtre. L’iode sort, mais il a une faible durée de vie. Le Césium, lui, est piégé dans les filtres.


7) Il n’y a pas que ça qui dérange les gens. Le problème c’est aussi la transparence. Les gens ont peur parce qu’on leur a menti. Vous dites qu’il n’y aura pas de morts mais je ne sais pas si les gens vous croient.

La difficulté de la transparence est qu’il faut trouver le juste milieu entre ne rien dire et noyer le poisson.

La transparence, c’est dire aux gens ce qu’ils n’aimeraient pas apprendre par quelqu’un d’autre que vous. Cela signifie que parfois, il faut déclarer des informations  qui ne sont pas importantes en termes de risque, mais qui pourraient inquiéter le public s’il n’était pas au courant. Il est difficile de comprendre la sensibilité des gens dans un monde de techniciens, et la transparence, c’est cela. La communication autour du risque est donc primordiale.


8) Il n’y a pas que le risque d’accident qui préoccupe la population: Il y a eu récemment par exemple le problème des leucémies.

L’étude qui a été publiée sur la question donnait plusieurs éléments de réponse, et seul un de ces éléments a été relayé par les médias.

- Il y a eu un taux de leucémie supérieur à la moyenne sur une période de 5 ans (2002-2007).

- Sur une période plus longue d’expérimentation, c’est-à-dire 17 ans, les taux sont normaux.

- Les 14 cas de leucémie ne sont pas sous les vents dominants.

 

Sur ces trois informations, les médias ne donnent que la première.