L’huile de palme est-elle irremplaçable ?

Pour connaître les raisons qui ont conduit à une utilisation quasi systématique de l’huile de palme dans l’industrie, il faut tout d’abord connaître les propriétés de cette huile.

 

L’huile de palme est, de par les quantités d’acides gras saturés qu’elle contient, solide à température ambiante. Elle permet donc de produire des margarines sans avoir recours à l’hydrogénation partielles des matières grasses, technique qui est à l’origine de la production d’acides gras trans, aux effets délétères sur le système cardio-vasculaire. L’huile de palme est un agent qui permet de contrôler la texture des produits industriels, permettant de créer des produits fondants ou croustillants, en éliminant les matières grasses animales et hydrogénées. De plus dans les années 70 et 80, l’huile de palme ainsi bénéficiait d’une bonne réputation, qui a conduit les industriels à se tourner vers cette huile. En effet, ce sont les écologistes qui ont introduit sa consommation car elle remplaçait efficacement les matières grasses animales comme le beurre. Toutefois, la transition a été progressive et s’est véritablement établie dans les années 2000. Comme l’affirme O. Morin*, en sa qualité d’agronome de l’ITERG*, dans l’article visant à rendre accessibles au public les problématiques techniques de l’huile de palme, les caractéristiques fonctionnelles de l’huile de palme sont en effet « adaptées aux problématiques posées au début des années 2000 », par exemple le remplacement des acides gras trans [1].

Pour en savoir plus : voir notre entretien avec Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition à l’Institut Pasteur de Lille.

 

Grâce à sa faible teneur en acide linoléique, l’huile de palme est également une bonne huile de friture car elle ne produit pas de composés nocifs en se dégradant sous une température élevée. [1][2]. Dans le rapport sur l’huile de palme du fonds français Alimentation et Santé, l’huile de palme est dite « stable », elle ne se dégrade pas à la chaleur, et ne craint pas « l’oxydation », c’est-à-dire qu’elle ne rancit pas. Elle est donc utilisée par différentes marques de chips par exemple.

 

Mais les propriétés techniques ne sont pas la seule raison de ce choix : l’huile de palme est une huile bon marché, environ 20 % moins chère que les huiles de tournesol ou d’arachide. [3] En Mars 2014, son prix d’achat moyen était de 860$ la tonne, contre 1150$ pour l’huile de tournesol et 950$ pour l’huile de soja, ce qui explique également sa présence dans les produits les moins chers. [3] [4]

 

 

marche-mondial-des-oleagineux63

Cours des huiles végétales 1988-2006 (voir sources)

 

Il existe certes certaines alternatives à l’huile de palme : principalement l’hydrogénation partielle des matières grasses insaturées, technique utilisée antérieurement comme nous l’avons dit. Bien que très utilisées aux États-Unis, on sait que ce type de matières grasses est de loin le plus nocif.

 

Comme l’affirme O. Morin, « une recherche trop systématique d’alternative peut se révéler plus ou moins accessible et pas toujours plus satisfaisante sur le plan nutritionnel ».  Les propriétés techniques uniques de l’huile de palme que nous venons de voir, et plus particulièrement de sa fraction solide la stéarine font qu’il est très difficile, peu pertinent et très coûteux de la remplacer avec notre mode de consommation actuel. Même les ONG environnementales comme Greenpeace* avouent qu’il est inutile de changer d’huile car les autres plantations seraient également à l’origine de déforestation : eux suggèrent de changer notre mode de consommation.

Pour en savoir plus : voir notre entretien avec Jérôme Frignet, chargé de la campagne « Forêts » pour Greenpeace.

Les consommateurs quant à eux, parfois peu au courant de ce qu’implique une alternative, préfèrent acheter des produits sans huile de palme [5]. Reste alors la solution d’arrêter la consommation de tout produit contenant traditionnellement de l’huile de palme, expérience qu’a tenté un étudiant strasbourgeois pendant une année entière. Son témoignage, mis en avant dans un blog du journal Le Monde, montre que « La tâche n’est pas aisée. Car cette matière grasse très peu chère se cache dans la moitié des produits vendus en supermarché » [6]. Changer ses habitudes de consommation demande donc une discipline que le consommateur n’est pas toujours prêt à s’appliquer. Un commerce du « sans huile de palme » a donc émergé. Les marques distributeur comme Casino se sont lancés dans la production de produits sans huile de palme comme de la pâte à tartiner :

 

Publicité de Casino

 

La méfiance du consommateur devient alors surtout un argument marketing : « Si le coeur du consommateur penche presque à tous les coups pour Nutella, Casino compte bien faire appel à sa raison avec son argument massue contre l’huile de palme » [7]

 

Avec notre mode de consommation actuel, l’huile de palme a donc sa place dans l’agroalimentaire pour les agronomes et les nutritionnistes, qui bien que conscients des problèmes environnementaux et sociaux qu’elle peut déclencher, préfèrent que l’on cherche à rendre durable la culture du palmier à huile plutôt qu’à remplacer l’huile de palme. Ces acteurs sont donc favorables aux labels tels que celui proposé par la RSPO*.

 

 

*Odile MORIN : Responsable de la communication scientifique de l’ITERG (Institut des Corps Gras)

*ITERG – Institut des Corps Gras : organisme privé sous contrat avec l’état, participant à la production et l’innovation dans le domaine des corps gras.

*Greenpeace : ONG environnementaliste luttant dans des domaines aussi variés que la déforestation, le nucléaire ou la protection des océans, d’abord par l’enquête et la concertation, puis l’alerte au grand public via des actions, souvent médiatiques – et médiatisées – qui visent à faire pression sur les industriels.

*RSPO – Roundtable on Sustainable Palm Oil (Table ronde pour une huile de palme durable ) : organisme réunissant des ONG, des producteurs, des investisseurs et des consommateurs d’huile de palme. Ils cherchent à améliorer la filière et à la rendre durable, notamment grâce au label CSPO.

 

 

 [1] MORIN O., « Approche fonctionnelle de l’emploi de l’huile de palme – Perspectives d’évolution réglementaire en matière d’étiquetage », OCL, VOL.20, p-143 à 146 (mai-juin 2013)

[2] http://vegebon.wordpress.com/ Blog d’une particulière traitant de l’aspect sanitaire et culinaire de produits de consommations

[3] FONDS FRANÇAIS POUR  L’ALIMENTATION ET LA SANTE, Etat des lieux – L’huile de palme : aspects nutritionnels, sociaux et environnementaux. (Novembre 2012) 

[4] http://www.indexmundi.com/fr/matieres-premieres/ Cours des matières premières agricoles

[5] DISDIER A-C et al., Are consumers concerned about palm oil ? Evidence from a lab experiment, Food Policy, P.180-189. (Décembre 2012)

[6] http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/12/22/vivre-un-an-sans-huile-de-palme-un-challenge/ Blog relatant l’expérience d’un particulier ne consommant plus d’huile de palme

[7] Nutella et l’huile de palme, Casino en remet une couche. Consoglobe. (11/2012)