Au Sud, la certification des exploitations, entre labels et lois

Plusieurs procédés existent dans les pays producteurs afin de réguler la production d’huile de palme. Toutefois leur mise en place ne semble pas facilement réalisable pour certains acteurs de la controverse. Ainsi, pour l’ONG les Amis de la Terre, une législation ferme est nécessaire en Indonésie, mais ne suffira pas en elle-même : selon les Amis de la Terre, la corruption est omniprésente dans les pays producteurs [1].

 

  • Les labels indépendants

L’une des formes prépondérantes de législation mises en place est la certification de l’huile de palme par des labels. La compagnie doit effectuer une demande auprès d’un organisme habilité à délivrer le label afin de recevoir un audit de la part d’une entreprise ou d’un organisme indépendant (par exemple le CIRAD*). Cet audit consiste à effectuer des études locales afin de vérifier le respect des critères de la certification. Si le label est délivré, l’entreprise d’audit reçoit directement un paiement pour service rendu de la part de la compagnie.

Il existe plusieurs niveaux de certification. Il y a tout d’abord le label de certification dit a minima. Le producteur paie une certaine somme par tonne d’huile de palme produite, puis celle-ci est en partie reversée pour la lutte contre la déforestation. L’exploitant peut alors commercialiser son huile de palme avec la mention « participe à la lutte contre la déforestation ». GreenPalm est l’un de ces labels, approuvé par la RSPO*. Cependant, cette huile de palme n’est pas forcément « durable », en effet l’exploitant n’est soumis à aucune contrainte d’exploitation : il peut très bien déboiser. Selon Greenpeace*, cette légère nuance entre les deux mentions n’est pas perceptible par le consommateur, ce qui fausse son jugement. Le WW*F quant à lui encourage ces labels, qui correspondent à un « premier pas » dans la certification des cultures, menant progressivement les producteurs vers une meilleure traçabilité de l’huile de palme qu’ils produisent. [2]

Dans la foulée de ces labels, ils en existent d’autres correspondants à une certification dite « mass balance » : emploi d’un mélange d’huile de palme durable et non durable. Ce qui donne accès à une étiquette « verte » (source : lexpress.fr, dans la jungle des labels).

Au sommet de l’échelle des labels se trouvent la certification « segregated ». Celle-ci ne s’applique qu’à l’huile de palme dont la traçabilité est assurée sur l’intégralité de la chaîne, donc 100% durable. Le label le plus répandu est celui distribué par la RSPO : le label CSPO*.

 

Pour en savoir plus sur la RSPO

 

Le WWF, ONG à l’initiative de cette table ronde, affirme qu’en certifiant les plantations de la sorte, on assure ainsi une culture responsable du palmier à huile. Les consommateurs occidentaux ont la possibilité de tirer la filière vers le haut en exigeant des transformateurs le respect des normes existantes de durabilité, et en encourageant leur amélioration, expliquent O. Morin*, A. Rival* et J-M Lecerf* dans un rapport commandé par le Fonds Français pour la Santé et l’Alimentation*. [3].

Toutefois de nombreuses institutions, telles que Greenpeace ou les Amis de la Terre*, s’accordent sur le fait que ces labels présentent des failles et restent perfectibles. En effet, la certification des cultures possède un certain coût, et  certains chercheurs, comme la primatologue E. Grundmann*, soulignent que les petits exploitants  ne peuvent se permettre d’acheter la certification. Or ils représentent 40% de la production totale d’huile de palme. L’aire d’impact du label est donc réduite. De même, le CIRAD affirme qu’il n’est pas difficile pour un industriel d’obtenir un label, car la législation n’est pas assez ferme : cela se résume à une petite contribution à payer.

Selon C. Procaccia, sénatrice et membre de l’OPECST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques), le marché européen de l’huile de palme tend peu à peu vers une consommation d’huile de palme exclusivement durable. Cependant les pays émergents tels que la Chine et l’Inde, qui sont les plus gros consommateurs d’huile de palme au monde, ne sont pas intéressés par une huile de palme certifiée qui leur reviendrait plus chère. Ainsi la certification de l’huile de palme ne se concentre que sur le marché Européen, qui ne regroupe que 20% des consommateurs :

 

 

Enfin, bien qu’un label impose des règles aux exploitants qui le possèdent, il n’y a pas de réelles sanctions qui peuvent être exercées en cas de non-respect des conditions. L’exploitant peut dans le pire des cas perdre sa certification. Les responsables du label n’ont pas de possibilité de contraindre, ils ne peuvent que vérifier l’application des critères. En effet, la plupart des labels, dont celui de la RSPO, n’impliquent pas les gouvernements.

 

  • Les standards nationaux

Les standards conçus par les différentes organisations sont parfois repris par le gouvernement des pays producteurs afin d’instaurer des standards nationaux d’exploitation, c’est-à-dire des lois. En agissant ainsi, l’état s’assure d’un réel pouvoir de contrôle et se donne la possibilité de sanctionner ceux qui ne respectent pas les critères choisis. Toutefois l’application de ces règles est limitée dans le temps : elles apparaissent et disparaissent au grès des changements de gouvernement dans les pays producteurs.

 

En savoir plus sur l’influence des gouvernements.

 

 

*CIRAD – Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement : Centre de recherche français, sous double tutelle des ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et des Affaires Etrangères. Le CIRAD produit des solutions (agronomiques, sociales…) pour le développement des pays du Sud.

*RSPO – Roundtable on Sustainable Palm Oil (Table ronde pour une huile de palme durable ) : organisme réunissant des ONG, des producteurs, des investisseurs et des consommateurs d’huile de palme. Ils cherchent à améliorer la filière et à la rendre durable, notamment grâce au label CSPO.

*Greenpeace : ONG environnementaliste luttant dans des domaines aussi variés que la déforestation, le nucléaire ou la protection des océans, d’abord par l’enquête et la concertation, puis l’alerte au grand public via des actions, souvent médiatiques – et médiatisées – qui visent à faire pression sur les industriels.

*WWF – World Wild Fund (Fonds mondial pour la nature) : ONG environnementaliste œuvrant pour la protection des espèces en danger, la préservation des ressources naturelles et des écosystèmes, ainsi que la promotion d’une transition énergétique respectueuse de l’environnement.

*CSPO – Certified Sustainable Palm Oil (Huile de palme certifiée durable) : label proposé par la RSPO. Parmi les critères à respecter: préservation de l’environnement, garantie de bonnes conditions de travail…

*Odile Morin : Responsable de la communication scientifique de l’ITERG (Institut des Corps Gras).

*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).

*Jean-Michel Lecerf : Médecin nutritionniste, chef du service nutrition de l’institut Pasteur de Lille et spécialiste sur la question sanitaire de l’huile de palme.

*Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé : réunit des acteurs économiques et scientifiques afin d’œuvrer pour une alimentation saine sans être contraignante. Il contribue à la diffusion de la recherche scientifique sur le sujet.

*Les Amis de la Terre – Friends of the Earth : ONG environnementaliste cherchant à réparer les dégâts causés par l’homme sur la nature et promouvant en particulier la participation de la société civile dans la prise de décision autour de la gestion des ressources naturelles.

*Emmanuelle Grundmann : Biologiste, primatologue et naturaliste. Ce sont ses travaux sur l’orang-outan, en Indonésie, qui l’ont d’abord conduite à s’intéresser à la question du palmier à huile.

 

 

[1] BUCKLAND E., The Oil for Ape Scandal (2005)

[2] THOUNY L., Dans la jungle des labels pour huile de palme, L’Express (2010)

[3] FONDS FRANÇAIS POUR L’ALIMENTATION ET LA SANTE, Etats des lieux – L’huile de palme : aspects nutritionnels, sociaux et environnementaux (2012)