La législation autour de la pollution des cours d’eau

Le problème épineux de la délimitation des zones vulnérables.

La définition des zones vulnérables est donnée dans la directive « nitrates ». Ce sont des zones où [1] :

- les eaux ont une teneur en nitrate supérieure à 50 mg/L (qui est le seuil à partir duquel l’eau est considérée comme étant polluée), ou une teneur supérieure à 40 mg/L qui montre une tendance à la hausse

- les eaux ont subi une eutrophisation susceptible d’être combattue efficacement par une réduction des apports en azote, ou qui montrent une tendance à une telle eutrophisation

Malgré une apparente clarté, cette définition laisse certains points soumis à l’interprétation, concernant la « tendance à la hausse » de la teneur en nitrate, l’eutrophisation « susceptible d’être combattue » et les eaux qui montrent une « tendance à l’eutrophisation». Or, ces zones vulnérables sont d’une importance capitale pour tous les acteurs impliqués. En effet, pour un agriculteur, être en zone vulnérable ou non change tout, puisqu’il est alors soumis ou non aux règles contraignantes des programmes d’action national et régional. La France, elle, a déjà été condamnée en juin 2013 par la Cour de Justice de l’Union Européenne qui a estimée que dix zones vulnérables avaient été omises dans la révision de 2007 [1]. Les zones vulnérables avaient été révisées depuis en 2012, et les dix zones en questions sont maintenant classées en zones vulnérables. Cependant, la France n’est pas à l’abri d’autres condamnations de ce type, d’où la nécessité pour elle d’être ferme lors des révisions. Enfin, pour les associations de protection de l’environnement et les habitants, être en zone vulnérable signifie que l’eau sera probablement moins polluée.

La délimitation des zones vulnérables, un combat politique ?

Cette définition un peu approximative des zones vulnérables est peut-être voulue. Elle permet de donner une marge de manoeuvre à l’état et aux préfets coordonnateurs de bassins (qui décident des zones vulnérables dans leurs bassins), en rendant possible des compromis du type définir une zone comme vulnérable en contrepartie d’un « oubli » d’une autre zone.

Cependant, ce manque de précision induit que les révisions des zones vulnérables, qui ont lieu tous les quatre ans, sont le théâtre de luttes d’influence féroces. Par exemple, lors de la dernière révision en date (en 2012), les négociations ont eu lieu lors des élections pour les chambres d’agriculture. Les syndicats agricoles, comme la FNSEA et JA (les syndicats majoritaires), ont donc fait campagne en se battant corps et âme contre l’extension des zones vulnérables. Dans leur pétition contre la directive « nitrates », ils ont notamment demandé un « moratoire sur l’extension des zones vulnérables dans l’attente d’une vraie étude scientifique et de surseoir à la signature par les préfets coordonnateurs de bassins des arrêtés de délimitation » [3].

D’un autre côté, la France avait été condamnée pour son mauvais découpage de 2007 par la Cour de Justice de l’Union Européenne, et n’avait donc pas le droit à l’erreur sur celui-ci : elle devait notamment intégrer les dix zones vulnérables désignées par l’Europe. Le résultats fut donc un difficile compromis, les ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie assurant qu’ils avaient recherché « l’équilibre entre exigences européennes, objectifs écologiques et intérêt des agriculteurs » [4]. La délimitation des zones vulnérables est donc un problème plus complexe qu’il en a l’air, et comme le reste de la législation concernant les nitrates, elle est réalisée non sans tractations politiques.

 

Carte nitrates

 

 

 

 

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Références

[1] Directive n° 91/676/CEE du 12/12/91 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Lien internet : http://www.ineris.fr/aida/consultation_document/1053

[2] Actu-Environnement, « Nitrates : la France de nouveau condamnée par la Cour de justice de l’UE », 13 juin 2013. Lien internet : http://www.actu-environnement.com/ae/news/nitrates-directive-condamnation-France-agriculture-zones-vulnerables-programmes-actions-18765.php4

[3] Pétition directive nitrates : l’agriculture menacée par un monstre administratif. Lien internet : http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N32009

[4] Actu-Environnement, « Nitrates : le voile se lève sur le nouveau périmètre des zones sensibles », 17 janvier 2013. Lien internet : http://www.actu-environnement.com/ae/news/nitrates-resultats-revision-zones-vulnerables-17545.php4