Epandre et règlementer

Quelles règles pour l’épandage de fertilisants azotés ?

L’épandage de fertilisants azotés est fortement régulé par les directive « nitrates », et par tous ses dispositifs d’application en France et dans les régions. En particulier, l’épandage de fertilisants azotés est interdit à certaines périodes et selon le type de sol en zone vulnérable. Le programme d’action national comprend un calendrier d’épandage, qui définit des périodes minimales d’interdiction d’épandage selon le type de culture et le type de fertilisant azoté.

calendrier d'épandage - copieCalendrier d’épandage actuellement en vigueur. Source : [1]

Les régions, dans leurs programmes d’action régionaux, sont libres d’allonger les périodes d’interdiction si elles l’estiment nécessaire.

L’azote sous forme minérale, un oubli de la directive « nitrates » ?

La directive « nitrates » fixe explicitement un plafond de 170 kg/ha/an d’azote issu d’effluents d’élevage épandable au maximum [2]. L’azote épandu est caculé à partir de normes spécifiques d’émission d’azote pour chaque animal, ce qui est expliqué sur cette page. Cependant, un seuil de ce type n’existe pas pour l’azote sous forme minérale. Philippe Jannot explique : « dans les années 1980, quand la directive a été négociée, il y avait un problème majeur sur la gestion des effluents d’élevage. Ca se comprenait : l’azote minéral ne coutait pas bien cher. Et l’environnement dans les années 1980, ce n’était pas une préoccupation pour qui que ce soit, surtout dans le monde agricole ». Une autre raison plus politique se cache derrière ce plafond : selon Philippe Jannot, « le lobby des producteurs d’engrais chimiques a été beaucoup plus efficace pendant la négociation de la directive « nitrates » que le lobby des éleveurs ».

« Le lobby des producteurs d’engrais chimiques a été beaucoup plus efficace pendant la négociation de la directive « nitrates » que le lobby des éleveurs »
Philippe Jannot

L’équilibre de la fertilisation en France : la méthode du bilan azoté

Les nitrates sous forme minérale sont également réglementés, mais aucun plafond n’est donné explicitement, ni par la directive « nitrates », ni par le plan d’action national en vigueur (mis à part pour l’épandage sur CIPAN qui est limité à 70 kg/ha/an d’azote efficace en France). Cependant, ce plan d’action national comporte une mesure sur « l’équilibre de la fertilisation ». Son objectif est que l’azote épandu en plus de l’azote déjà présent dans les sols corresponde le plus exactement possible aux besoins prévisibles de la plante, selon la méthode du bilan prévisionnel COMIFER [3]. Cette méthode explique les règles de calcul pour les besoins en azote des cultures, leur objectif de rendement ou pour les apports d’azote (fertilisants, résidus de cultures, …), mais elle ne donne aucune valeur chiffrée.

Ce sont les régions qui déterminent ces valeurs chiffrées pour chaque type de culture et de sol : besoin en azote, taux d’absorption de l’azote par la culture, taux de minéralisation de l’azote organique dans le sol, apports d’azote par eau d’irrigation, etc. Elles décident également des normes d’émission pour chaque animal pour calculer l’azote épandu pour les effluents d’élevage. Ces chiffres sont décidés en fonction des spécificités de la région, et peuvent même être différents entre les départements d’une même région. Pour décider de ces chiffres, la région constitue son GREN qui est chargé de proposer un référentiel régional. L’obligation d’avoir un bilan azoté équilibré selon ce référentiel régional est ensuite mise en application par un arrêté préfectoral régional, qui fera donc partie du plan d’action de la région en question.

Cette méthode du bilan azoté est incontestablement plus adaptée pour éviter les fuites de nitrates que l’application brutal d’un seuil tel celui des 170 kg/ha/an d’azote issu d’effluents d’élevage. Cependant, elle est nettement plus difficile à appliquer, en premier lieu par l’agriculteur lui-même, qui doit effectuer de nombreux calculs pour chacune de ses cultures et de ses types de sols. Elle est également très difficile à contrôler, dans la mesure où le calcul dépend de beaucoup de facteurs, qui ne sont pas forcément incontestables (type de sol, niveau de croissance de la plante, …).

Le problème de toute réglementation, c’est le contrôle.Philippe Martin

De plus, une simple mesure de la teneur en nitrate du sol ne permet pas d’affirmer avec certitude que l’agriculteur a respecté ou non son bilan azoté théorique, étant donné le caractère très aléatoire de la teneur en nitrates des sols. Philippe Martin confirme : « C’est très compliqué comme enregistrement car les agriculteurs n’ont pas tous la possibilité de mesurer le rendement exact sur chacune des parcelles, de peser les remorques… Il y a un point clé à ce niveau là : comment on fixe ce niveau de rendement potentiel et comment on le contrôle derrière. Parce que le problème de toute réglementation, c’est le contrôle. Il faut que ce soit suffisamment précis pour que ce soit efficace mais pas trop pour que ce soit contrôlable ».

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Références

[1] « La directive nitrates pour protéger l’eau des nitrates agricoles », présentation pour FNE de Emma Dousset et Philippe Jannot, 11 avril 2014

[2] Directive n° 91/676/CEE du 12/12/91 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Lien internet : http://www.ineris.fr/aida/consultation_document/1053

[3] COMIFER, brochure « Calcul de la fertilisation azotée », 2013. Lien internet : http://www.comifer.asso.fr/images/stories/publications/brochures/BROCHURE_AZOTE_20130705web.pdf