Qu’est-ce que le droit d’auteur ?

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » Code de la propriété intellectuelle.

Telle est la première phrase du code la propriété intellectuelle (CPI) sur le droit d’auteur, qui est un droit relatif à la notion de propriété littéraire et artistique, elle même relative à la notion de propriété intellectuelle.

La loi distingue la propriété littéraire et artistique et la propriété industrielle, qui elle concerne les modèles, dessins, inventions et connaissances techniques, les marques, etc. (Accès vers le Code de la Propriété Intellectuelle)

Les œuvres concernées par la question du statut d’orphelinat sont donc en soi un sujet de débat, opposant des visions juridiques et philosophiques différentes (cf. Les œuvres concernées.)

Que sont les droits d’auteur ?

De quels droits dispose un auteur sur son œuvre, si on admet que celle-ci rentre dans la catégorie des « œuvres de l’esprit » ? On trouve dans le CPI une distinction entre deux types de droits inclus dans le droit d’auteur : le droit moral et les droits patrimoniaux ; cette distinction est explicitée dans le diagramme ci-dessous.

Dessin droit auteur

Distinction entre droit patrimonial et droit moral

En France, le droit moral peut être invoqué par un auteur pour retirer une oeuvre du marché s’il considère qu’elle nuit à sa réputation ou celle de ses proches. De même, de par ce droit moral, un auteur peut s’opposer à toute altération de son oeuvre.

Le droit patrimonial est porté à 70 ans après la mort de l’auteur. Durant 70 ans, les héritiers perçoivent une rémunération sur l’exploitation de l’oeuvre. Au bout de 70 ans, l’oeuvre tombe dans le domaine public, elle appartient à tous. Pour les oeuvres dont l’auteur est mort à une date antérieure à 1997, le droit patrimonial est de 50 ans seulement.

 Cette distinction est-elle acceptée par tous les acteurs de la controverse ?

Les droits patrimoniaux sont ceux qui vont cristalliser les questions économiques. Les œuvres orphelines ne sont pas « tombées dans le domaine public ». Elles peuvent donc prétendre à un système de gestion collective, c’est à dire qu’une personne souhaitant les exploiter devra payer un organisme qui pourra éventuellement rétribuer a posteriori un ayant droit, ou utiliser cet argent à d’autres égards. Lorsque ces oeuvres deviennent un bien public, cette rémunération n’a plus de sens. (Voir Les acteurs et leurs visions sur ces œuvres. )

Un autre point discuté relatif aux œuvres orphelines est la notion d’acquisition du droit dès la création de l’œuvre : c’est ce qui rend possible l’existence d’œuvres aux ayant-droits non identifiés. Ce point est développé dans la page Le droit d’auteur menacé ?

L’Histoire du droit d’auteur

Pour bien comprendre la notion de droit d’auteur et surtout la représentation qu’on en a, il faut avoir conscience de l’évolution qu’a suivi ce droit depuis le XVIIIème siècle. L’historienne A.Latournerie identifie quatre temps importants dans l’histoire du droit d’auteur en France.

  1. A la Révolution, on reconnaît rapidement (1791 et 1793) que l’auteur a des droits sur son oeuvre. Cependant, la notion de « diffusion du savoir », issue de la philosophie des Lumières, place les oeuvres comme appartenant au domaine public dans l’esprit des Révolutionnaires. Auparavant, il existait la notion de « privilèges perpétuels » qui permettaient aux auteurs de conserver leur droit à vie. A partir de 1790, le droit d’auteur est valable sur 10 ans après lesquels l’oeuvre tombe dans le domaine public.
  2. Au XIXème siècle : il y alors de nombreux débats entre les intellectuels. Par exemple, Proudhon défend l’idée que toute oeuvre appartient au domaine public dans le sens où toute production intellectuelle provient d’un « fond » d’idées et de concepts qui appartiennent au public. Se faisant propriétaire d’une idée, l’auteur fraude la société qui lui a inspiré cette idée. En parallèle, Lamartine défend le droit d’auteur en défendant le travail d’un homme. Le 14 juillet 1866, le droit d’auteur est finalement porté à 50 ans post mortem.
  3. La loi de 1957 favorise quant à elle le droit d’auteur privé et les éditeurs en leur accordant davantage de droits sur les oeuvres que le public. Cette loi provient d’une conception économique de la question des oeuvres alors qu’elles étaient davantage vues selon un concept intellectuel et culturel avant la guerre. Pourtant, dans les années 30, Jean Zay propose une loi où le créateur n’est plus vu comme propriétaire mais comme travailleur. Cette conception sociale de l’artiste est abandonnée et oubliée.
  4. Enfin nous vivons actuellement le développement de l’Internet et du numérique : la diffusion massive des oeuvres, la démocratisation, le nombre d’auteurs en augmentation et la pluralité des supports créent des conflits entre protection des intérêts économiques liés à cette diversité, et le retour d’une conception de « public » plus fort qu’auparavant. Les acteurs sont beaucoup plus nombreux également. Les lois doivent alors être repensées car elles ne sont plus adaptées à ce nouveau contexte.

Références :

Entretien avec Mme. F-M Piriou, sous directrice de la SOFIA, le 17/02/2014

Latournerie, Anne. « Droits d’auteur, droits du public : une approche historique », L’Économie politique, 02/2004 (n° 22), p. 21-33.

Lessig, Lawrence (professeur à Stanford Law School). “Protecting Mickey Mouse at Art’s Expense”. The New York Times, rubrique Opinion, 18 janvier 2003.

Pascal-Mousselard, Olivier. « Main basse sur les oeuvres orphelines ». Télérama, n°3060, 6 septembre 2008, p. 45.