Le recours juridique

Le cas français : 

Afin de lutter contre l’obsolescence programmée, certains souhaitent faire changer les mentalités mais d’autres voient dans la juridiction une manière plus efficace de lutter contre ce phénomène.

Cependant, tous n’ont pas les mêmes objectifs. Si certains souhaitent faire appliquer les lois déjà existantes, d’autres proposent de nouvelles lois aux mesures plus ou moins radicales.

Benoît Hamon, dans sa loi Consommation, a appelé un des axes, Consommation responsable, qui aborde différents points relatifs à l’obsolescence programmée :

  • Allongement de la garantie des produits de 6 mois à 2 ans

« Durant cette période, le consommateur sera protégé des éventuelles défaillances du produit qu’il aura acheté, sans avoir à prouver que la défaillance technique n’est pas liée à l’usage qu’il en a fait. »

  • Information sur la disponibilité des pièces détachées

Avec la loi Consommation, le fabricant est tenu d’informer le vendeur de la date jusqu’à laquelle les pièces détachées nécessaires à la réparation de ses produits seront disponibles. Cette information devra être affichée sur le lieu de vente. Ainsi, la « réparabilité » des produits pourra devenir un nouveau critère d’achat pour les consommateurs.

  • Mise à disposition des pièces détachées

Avec la loi Consommation, le fabricant sera tenu de fournir aux vendeurs ou aux réparateurs les pièces détachées nécessaires à la réparation des produits. En plus de développer des modes de consommation plus durables et responsables, cette mesure consolidera les filières de réparation et de réemploi.

Cette loi Consommation a repris certains aspects de la proposition déposée par Jean-Vincent Placé quelques mois plus tôt. Cependant, dans son projet de loi au Sénat afin de lutter contre l’obsolescence programmée Jean-Vincent Placé a proposé des mesures plus radicales.

Ses propositions :

  • Étendre la durée légale de conformité de deux à cinq ans de façon progressive, pour encourager les entreprises à créer des produits plus fiables.
  • 
Mettre à disposition les pièces détachées essentielles au fonctionnement des produits pendant dix ans pour favoriser la réparation, vecteur d’emploi non délocalisables.
  • Moduler l’éco-contribution selon la durée de vie du produit.
  • Demander un rapport au Gouvernement sur le développement et les perspectives de l’économie de fonctionnalité en France, un mode de développement économique circulaire alternatif.

L’enjeu est non seulement environnemental, mais aussi social et économique. Cette proposition de loi a permis de mettre en lumière le vide juridique qui existait sur la question, mais aussi la place et l’importance du droit pour résoudre une telle situation. (Pour une comparaison avec d’autres pays).

L’association environnementale les Amis de la Terre et le Cniid, voient aussi dans le droit et la juridiction un outil fondamental pour lutter contre l’obsolescence. Cependant ils proposent des mesures plus radicales (ou ambitieuses), avec notamment l’adoption de 3 mesures phares :

  • Mesure 1 : Faciliter le recours à la réparation en informant mieux le consommateur des possibilités de réparations et en soutenant le secteur de la réparation
  • Mesure 2 : Allongement de la garantie de conformité et de la garantie « légale » à 10 ans
  • Mesure 3 : Création d’un délit d’obsolescence programmée.

Pour lire le rapport détaillé avec les propositions d’amendements :  Allonger la durée de vie des biens de consommation : 3 mesures de bon sens) .

Pour Camille Lecomte, chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables, une garantie de 5 ans comme le propose Jean-Vincent Placé, n’est « pas forcément utile parce que nos produits durent environ déjà 5 ans ». Elle rappelle d’ailleurs que le SIMAVELEC a fait une étude sur la potentielle augmentation du prix de vente pour le consommateur si la garantie passait à 5 ans. Selon eux, cela entrainerait une augmentation du coût de 10% mais sans changer leur mode de production. « Or nous ce que l’on souhaite c’est que les fabricants changent leur mode de production, aillent plus vers l’éco-conception, mais pas que l’éco-conception pour améliorer la consommation énergétique des produits mais aussi pour réintégrer la réparabilité » explique Camille Lecomte. Pour arriver à cet objectif, les Amis de la Terre veulent utiliser la voie juridique, mais cela est souvent difficile et laborieux.

Lors de l’entretien que nous avons réalisé avec Camille Lecomte, elle nous a ainsi fait part de plusieurs exemples ou expériences pour illustrer cette complexité.

Il existe une directive européenne, « piles et accumulateurs », qui interdit la vente de téléphones portables ayant une batterie non amovible. Ce qui est le cas des iPhone, pourtant ils sont encore en vente en Europe. Camille Lecomte en explique la raison :

« C’est écrit “sauf risques sanitaires pour le consommateur“, et en fait, comme nos batteries elles fonctionnent avec du lithium, plutôt technologie « ion », ils considèrent que c’est pas stable, et donc se serait déjà une condition pour que le consommateur ne manipule pas sa batterie ». Déjà là ils ont évacué un gros problème. Après, il faut regarder dans la directive EEE (déchets électriques et électroniques), il y a écrit que « les états veillent à ce que les fabricants n’aient pas de pièces qui contraignent à la réparation ». Et en fait, lorsqu’il y a « les États veillent … », c’est pas forcément « les états mettent toute en œuvre pour ». Donc ces articles ne sont pas forcément transposés, et donc on ne peut rien faire. Il faut donc qu’on soit, toutes les associations qui travaillent sur ce sujet, plus vigilants lors de la rédaction des directives, pour qu’on puisse appliquer les textes ».

Si les Amis de la Terre veulent aussi un changement des habitudes de consommation (notamment du côté du consommateur pour qu’il retourne vers la réparation), la juridiction est pour eux très importante car « il faut des garde-fou pour contrôler même les bonnes volontés des industriels ».

En outre, les Amis de la terre ne sont pas satisfaits par la proposition de loi :

« Si on ne passe pas par la garantie à 10 ans, on passe par un affichage de la durée de vie des produits. Pour moi c’est le pire, parce que ça va être le consommateur qui a de l’argent qui va pouvoir acheter le produit qui à une durée de vie de 10 ans et qui coute juste 2 fois plus cher que celui qui a une durée de vie de 2 ans.

Moi je préférerais que ce soit un mouvement uniforme, qu’on puisse travailler sur tout ce qui est législation pour que le consommateur n’ait pas le choix et que ce ne soit pas seulement le consommateur le plus sensibilisé et le plus aisé qui puisse aller vers ces consommations type bio, commerce équitable etc. ».

La voie juridique à l’international

Il apparaît que les réactions des États soient différentes face à ce sujet.

La Belgique a été la première à s’occuper spécifiquement du problème de l’obsolescence programmée avec une proposition de résolution en vue de lutter contre l’obsolescence programmée des produits liés à l’énergie a été déposée en juillet 2011, plaidant pour la mise en place, au niveau européen, d’un étiquetage de la durée de vie des produits liés à l’énergie (ampoules, ordinateurs, télé- phones portables,…) et de leur caractère réparable. Le sénat belge a adopté cette résolution lors de la séance du 2 février 2012.

Or, les Pays-Bas, bien que respectant cette durée minimale de deux ans, affirme dans sa législation qu’il est possible pour un consommateur d’avoir le droit à une garantie de conformité plus longue concernant des produits avec une longue durée de vie tels que les voitures, les machines à laver ou les autres biens durables. Par conséquent, la durée de la garantie légale de conformité est calquée sur la durée de vie du produit. Plus le produit doit durer longtemps (comme une voiture par exemple) plus la garantie légale de conformité sera longue.

Sur le site du Centre Européen des Consommateurs, il est indiqué que lorsque l’on achète un produit dans un pays de l’Union européenne qui s’avère défectueux, on peut faire valoir la garantie légale de conformité (de 2 ans), qui permet de demander au vendeur la réparation, le remplacement du bien ou le remboursement des sommes versées.

Toutefois il existe des particularités nationales :

  •  En France :

Il existe une autre garantie légale appelée « garantie des vices cachés » qui permet au consommateur de se retourner contre le vendeur ou le fabricant dans les deux ans à compter de la découverte du vice s’il prouve que le bien acheté était défectueux avant son achat et que le défaut lui a été caché.

  • Au Royaume-Uni, au Pays de Galles, en Irlande du Nord et en Ecosse :

Le « sales of goods act », prévoit  une garantie de 6 ans (5 ans en Ecosse)  en cas de produit défectueux, sans entraver l’application de la garantie légale de conformité et notamment le renversement de la charge de la preuve pendant les 6 premiers mois après la livraison.

  • En Finlande :

Il n’existe pas de durée limite de garantie. Elle dépend généralement de la  durée de vie moyenne de l’appareil qui est déterminée par différents critères comme le prix du produit, l’utilisation faite par le consommateur… Chaque cas est étudié individuellement.