Les professionnels et les inter-professionnels

Il existe différents degrés d’implications dans notre problèmes par rapport aux professionnels de l’élevage. Les points de vue peuvent être très variés, et si la problématique des émissions de gaz à effet de serre est envisagée, elle est plus ou moins pris en compte dans la réflexion des acteurs étudiés ici. De même, les actions menées par ces organismes peuvent être concrets ou basés sur des recherches, en fonction de l’engagement dans la controverse. Nous allons particulièrement nous intéresser aux syndicats, aux producteurs, aux associations professionnelles et inter-professionnelles. 

 

Les jeunes agriculteurs

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jeunes-agriculteursC’est un syndicats professionnel agricole dont les responsables professionnels agriculteurs sont âgés de moins de 35 ans. La plupart des éleveurs y appartenant sont des éleveurs de porcs. Ce syndicat a été créé en 1957 et comptait en 2012 plus de 50000 adhérents.  Ils ont un site internet, expliquant la position du syndicat:

 

La mission formelle de JA est d’assurer le renouvellement des générations en agriculture et donc de représenter et de défendre les intérêts catégoriels des jeunes agriculteurs, principalement autour de la notion d’installation en agriculture, c’est-à-dire des conditions d’accès au métier de ceux qui le choisissent et des perspectives de long terme permettant de réaliser des projets d’installation.

Environnement contre rentabilité économique

La véritable problématique, dans leur cas, est la rentabilité économique de leurs élevages, difficile à concilier avec des alternatives permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il leur parait difficile de mener une politique viable à travers l’énergie renouvelable. Les produits proposés par l’association Bleu Blanc Coeur, des aliments particuliers pour les animaux permettant de réduire les émissions de GES, sont trop chers et restent des produits haut de gamme. Ainsi, pour eux, le consommateur n’est pas prêt à payer plus cher pour un produit qui aura été produit dans une logique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

Dans les formations agricoles, même si on parle de plus en plus de l’environnement, cela reste limité. La problématique environnementale est une contrainte. Lors de notre rencontre avec un des agriculteurs de ce syndicat, il nous a donné l’exemple de l’explosion des coûts de production en Bretagne suite à une nouvelle mesure liée à la traite du lisier. Les produits sont donc beaucoup moins rentables. Les deux problèmes en tension sont celui du coût et celui de la valorisation du produit. Un produit ayant moins d’impact environnemental n’est pas pour autant valorisé par le consommateur. Il faut donc trouver des solutions qui respectent l’environnement tout en restant dans une logique de rentabilité économique.

 

Les Trois Mousquetaires

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Les Mousquetaires sont un acteur majeur de la grande distribution en France et en Europe. Il a été créé en France en 1969. En 2011, Les Mousquetaires détiennent 60 unités de production dans les domaines de l’abattage et de la préparation, du conditionnement et de la transformation de la viande de l’eau, de la boulangerie et de la pâtisserie, des produits à base de cellulose, des produits traiteur. Les activités de production alimentaire se situent principalement dans l’Ouest de la France. Ils ont un pôle de développement durable.

 

Environnement et qualité des produits

Nous avons rencontré, lors du Salon de l’Agriculture, un producteur, un éleveur et le gérant d’un abattoir des Trois Mousquetaires. Si il faut obligatoirement envisager le problème des émissions de gaz à effet de serre en lien avec l’économie, le social et le droit afin d’assurer une démarche économiquement viable, Les Mousquetaires prennent en compte notre problématique dans leur production.

 

Le problème qui se pose, si les arguments sont là, est celui de leur application. Mais Les Mousquetaires sont, par exemple, en partenariat avec Bleu Blanc Coeur, et, en voulant assurer une meilleur qualité de leur produit, ils se préoccupent indirectement de l’environnement. Ils mettent également en avant la culture de l’herbe jeune afin de renouveler les effets contre les émissions de CO2. Un système d’utilisation des graisses de la viande a également été mis en place dans leurs abattoirs, afin de les transformer en huile ou en bio-carburant. Ce dernier procédé est particulièrement novateur, car il met en valeur des déchets qui ne peuvent être utilisables d’aucune autre manière. Mais ce fonctionnement est, d’après nos interlocuteurs, limité par une règlementation qui limite la quantité de graisse animale pouvant être utilisée.

 

 

L’association Bleu Blanc Coeur

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nouveau-logo-bleu-blanc-coeur-2014La position institutionnelle de l’acteur

Bleu Blanc Coeur est une association qui a été créée en 2000, impliquée dans une démarche d’agriculture à vocation de santé. Elle regroupe des professionnels de l’élevage que l’on peut retrouver tout au long de la chaîne alimentaire. Elle défend une démarche de production conciliant santé et respect de l’environnement.

Ainsi, l’association souhaite sensibiliser le plus d’éleveurs possible en se rendant des des salons grand public et professionnel. Les vendeurs et les consommateurs sont aussi visés, dans une logique d’alimentation plus saine et respectueuse de l’environnement.

Les types de collaboration

L’association se base, dans la construction de sa méthodologie, sur des études scientifiques réalisées en 2006 sur la vaches laitière et sur des observations empiriques. Des études ont été menées avec l’INRA et l’Institut de l’Elevage afin de prouver l’efficacité de la méthodologie montée par Bleu Blanc Coeur. De plus, l’association a été reconnue par l’Organisation des Nations Unies, l’Union Européenne et le Ministère de l’agriculture. Elle utilise également la presse et les médias pour mettre en valeur son travail, comme France 5 ou Rennes TV.

La mise en place d’une méthodologie

Bleu Blanc Coeur a construit son projet sur une méthodologie qui a été reconnue comme impactant sur les émissions de gaz à effet de serre par l’Organisation des Nations Unies. Cette méthodologie a été réalisée par rapport aux vaches laitières. Elle se base sur 4 données obtenues en effectuant, chaque mois, une analyse de lait : la production laitière, le stade de la création de la vache, le nombre de vaches traitées par l’agriculteur et le niveau d’oméga 3 dans la ration alimentaire de la vache.

Cette méthodologie a permis de montrer que les portions alimentaires contenant plus d’acides gras diminuent les émissions de gaz à effet de serre. Cette modification alimentaire entraine donc des impacts positifs sur la santé des animaux, de l’homme et de l’environnement. La méthode Bleu Blanc Coeur permet de réduire de 12% à 15% les émissions de gaz à effet de serre de la vache laitière.

L’application concrète de la méthodologie

L’association a mis en place le projet éco-méthane lancé en 2011 avec l’Union Européenne et le Ministère de l’Ecologie. Ce projet réunit actuellement 520 éleveurs. Il repose sur une comptabilisation des émissions de méthane évitées par une meilleure alimentation. En effet, grâce à la méthodologie précédente, on peut obtenir un nombre représentant les non-émissions de méthane qui sont inférieures à la normale grâce à l’utilisation de plantes de fourrage (lin, luzerne, herbe). C’est un système d’incitation afin d’encourager les producteurs laitiers dans une démarche de développement durable.

Les avantages pour les éleveurs

L’engagement dans l’association réduit les coûts pour les agriculteurs grâce à des gains zootechniques sur les animaux. En effet, ils produisent plus de lait et sont en bonne santé. De plus, Bleu Blanc Coeur leur offre une meilleure communication grâce à la délivrance d’un logo de l’association et la mise en place d’une promotion médiatique, comme nous l’explique Pauline Vanel, ingénieur chargée de développement dans l’association :

« Chaque éleveur qui entre dans cette démarche reçoit un panneau de ferme avec le logo Bleu Blanc Cœur et marqué « engagé dans la démarche environnementale Bleu Blanc Cœur ». Ceux qui ont seulement Bleu-Blanc-Coeur sont véritablement au cahier des charges et s’engagent donc au niveau nutritionnel et environnemental ».

Les projets à venir

Pauline Vanel nous a également présenté la mise en place d’un compteur qui permet de traduire les réductions de gaz en tonnes de CO2 économisées ou en hectares de soja en moins. Cela permet aux éleveurs de communiquer leurs résultats et de bénéficier de réductions sur un catalogue de produits en payant en kilos de CO2. C’est un projet qui est en route depuis 4 mois et dont le bilan va bientôt être réalisé.

L’association souhaite également monter le projet sur le bovin viande, mais doit faire face à des difficultés liées aux mesures qui sont difficiles à réaliser sur la bête en vie. De plus, l’investissement peut être assez lourd pour l’éleveur, qui va devoir monopoliser un temps de travail assez important pour, par exemple, cloisonner la vache, effectuer des prises de sang… L’objectif serait donc de trouver un système pour calculer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre sur un troupeau vivant au quotidien.

Et si l’association souhaite rester sur le domaine de l’alimentation des animaux dans lequel elle est experte, elle approuve les éleveurs qui utilisent d’autres méthodes de réduction des émissions.

INTERBEV

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Interbev

Position institutionnelle de l’acteur

INTERBEV est l’association nationale inter-professionnelles du bétail et des viandes. Cet acteur relaie des résultats de recherches scientifiques à partir des systèmes d’élevage existants, qu’il met à disposition des producteurs de viande qu’il défend en mettant en avant les points positifs de la production et de la consommation de viande. Le but est, par exemple, la mise en place d’un outil d’auto-diagnostic de l’impact environnemental des exploitations. Son rôle est de suivre et d’engager des études de recherche et de développement pour affiner les méthodologies des calculs des émissions de gaz à effet de serre.

Sa mission n’est pas de diffuser directement sur le terrain auprès des agriculteurs mais de leur fournir des éléments techniques ou scientifiques pour les aider à se repérer et à agir. C’est également un interlocuteur privilégié au sein de la sphère politique où il relaie les résultats de recherches menées dans le secteur bovin, ovin et équin.

Du côté des éleveurs, son rôle est de fournir les clés de compréhension des débats qui se jouent autour des étapes de production de la viande, de façon à ce que les producteurs puissent trouver des solutions adaptées. Les journalistes, eux, ont du mal à reprendre les éléments d’INTERBEV de manière efficace, et ne présentent pas une vision équilibrée.

Les types de collaboration

INTERBEV, d’après Caroline Guinot, chef de projet environnement, ne cherche pas à prôner un modèle d’élevage mais à donner des outils et des clés de compréhension pour que les éleveurs puissent identifier les bonnes solutions, qu’ils puissent juger de ce qu’ils peuvent faire dans leur contexte. L’association continue également à expliquer ce qu’est l’élevage en France aux politiques et aux médias. Elle représente, finalement, les intérêts de la filière et permet de se mettre d’accord sur des positions et angles d’attaque communs.

Il y a également un bon dialogue avec les parlementaires qui savent que sans élevage des territoires perdraient des ressources économiques et une partie de leur identité culturelle à travers la gastronomie et les paysages par exemple.

Analyse des émissions de gaz à effet de serre

Si la production de viande émet des gaz à effet de serre, l’élevage en plein air dans les prairies permet d’en compenser une grande partie : 30%, ce qui représente la quasi-totalité du méthane émis par les ruminants. De plus, l’évaluation de l’emprunte carbone reste difficile, et les émissions de gaz à effet de serre ont diminué par une baisse du nombre d’animaux et la baisse de l’utilisation des engrais minéraux depuis 1990. Depuis, de nouvelles méthodes d’investigation scientifique ont été créées, se basant sur une analyse multicritère de l’impact environnemental de l’élevage.

Les propositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre

INTERBEV recense de nombreuses solutions pour réduire les impacts de l’élevage, comme l’utilisation des déjections comme engrais, la limitation de l’utilisation de produits phytosanitaires, l’utilisation d’énergies renouvelables ou encore l’entretien des prairies.

L’importance d’un raisonnement multi-critères

L’élevage permet un développement économique dans des régions défavorisées comme les zones montagneuses: INTERBEV met donc en avant un élevage semi-spécialisé, qui soit ancré dans les régions et le territoire et qui permet de préserver le paysage. La question des émissions de GES de l’élevage ne se pose donc pas de façon isolée, comme ça a peut être pu être le cas aux Etats-Unis, où le système ultra-spécialisé permet de les réduire, mais sans prendre en compte les autres conséquences écologiques des feed-lots jusqu’à présent. L’analyse multicritère présente l’intérêt pour les éleveurs français de faire valoir des territoires bien intégrés dans le paysage national, qui, sans égaler les faibles taux d’émissions des USA, peuvent mobiliser d’autres facteurs (qualité de l’eau, agro-écologie, biodiversité, cercle vertueux de l’élevage)

Les avantages environnementaux du système d’élevage français

Le lien au sol permet, en France, de mettre en avant des surfaces qui recyclent les déjections dans le cadre d’un cycle vertueux prôné par S. Le Foll, homme politique appartenant au Parti Socialiste, dans son plan d’écologie. De plus, la large présence de l’herbe dans les élevages a beaucoup de caractéristiques positives comme filtrer l’eau, empêcher l’érosion, stocker le carbone. Les haies ont également un rôle écologique. L’élevage rend donc des services au territoire, d’où le fait qu’INTERBEV défende l’idée de ne pas développer de nouvelles méthodes mais de travailler sur les marges de manœuvres qui existent déjà.

Les liens entretenus par Interbev sur le Web – En bleu les liens les plus resserrés

(Pour zoomer sur la carte et la télécharger, cliquez ici)

Les Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural (CIVAM)

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logo-civam-campagnes-vivantes-2La position institutionnelle de l’acteur

Ce sont des groupes d’agriculteurs et de ruraux qui, par l’information, l’échange et la dynamique collective, innovent sur les territoires. Ils développent des initiatives et testent de nouvelles pratiques comme des systèmes de production autonomes et économes. Ils utilisent comme source d’information des synthèses scientifiques qu’ils réutilisent pour guider leurs actions. Ils sont également partenaires avec de nombreux ministères, l’INRA, AgroParitech et l’Union Européenne.

Agriculture et impact sur l’environnement

Si cet acteur reconnaît que le méthane est responsable de 25% de l’effet de serre global dont 50% sont dus à l’agriculture, il propose différents chiffres en fonction de la prise en compte de plus ou moins d’éléments. Dans le cadre des émissions de gaz à effet de serre, les pistes intéressantes sont la compensation des émissions sous prairies ainsi que l’utilisation des haies. La modification de la ration alimentaire est aussi à prendre en compte car elle peut avoir une influence sur la production de gaz par l’animal.