Analyse du Web

En naviguant sur les différents sites réalisés par les acteurs de la controverse, il nous a paru intéressant de voir dans quelle mesure les uns communiquaient avec les autres. En effet, puisque la controverse repose en partie sur une question de détermination des outils de mesure les plus efficaces pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre émis par l’élevage, cette dernière repose donc aussi sur un problème éventuel de communication entre différentes sphères.

Qui sont ainsi les acteurs les plus présents, ceux qui sont au carrefour des informations? Et aussi, dans quelle(s) sphère(s) les acteurs interragissent t’ils ?

La quantification du Web a permis de mettre en avant les nœuds des réseaux d’acteurs, et la force des liens inter-organisationnels.

Comment lire une carte d’analyse du web: La démarche de crawl consiste, à partir d’un site défini, de voir quels sont les liens répertoriés sur une page (les “sites prochains”). Chaque passage d’un site à ces sites prochains constitue un “nœud”, et au fil des nœuds il est possible de créer une représentation de l’espace virtuel de communication entre les acteurs. Ce qui est donc représenté sur le site, c’est la distance entre les acteurs: plus il y a de sites qui les séparent, plus ils sont éloignés en terme de relation. De même, on compte le nombre de fois où le site renvoie vers un autre site. C’est pour cette raison que des liaisons directes entre deux sites peuvent être de longueur différente. On peut aussi représenter cette distance en colorant la carte: Le site dont on veut analyser les relations a la couleur la plus foncée, et plus on s’en éloigne plus les couleurs s’affaiblissent. Pour lire l’ensemble des explications de la quantification web, cliquez ici

Le rôle centralisateur de l’interprofessionnelle: Interbev comme carrefour de l’information

Interbev revendique une fonction d’intermédiaires entre les différents acteurs sociaux engagés dans la question de l’élevage. En particulier, via des synthèses des résultats de la recherche, ou encore des réunions interprofessionnelles, il assure le relai entre:

-  Les ministères du développement durable et de l’agriculture,

-  Les organismes de recherche, comme l’Institut de l’élevage (IDELE) et l’INRA

- Les associations professionnelles de la filière viande, en amont et en aval de l’élevage: ADIV ou FNICGV par exemple

- Les coopératives plus militantes comme le pôle animal de la Coop de France

Cette position centrale l’est d’autant plus que les différents sites de ces pôles (ministériels, professionnels, associatifs) ne communiquent que peu les uns avec les autres. On peut quantifier cette situation en étudiant comment les différents sites officiels de ces organismes se renvoient les uns vers les autres.

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On voit bien sur cette carte que le site d’interbev renvoie à l’ensemble des acteurs cités précédemment, à l’exception peut être des organismes de recherche, qui sont reliés plus marginalement (via l’Idele seulement). Cette situation peut s’expliquer pour deux raisons:

- ces organismes de recherche (comme l’INRA par exemple) recoivent des subventions de l’État, et c’est donc peut être plus souvent par ce biais qu’ils sont répertoriés: ces liens, qui n’apparaissent pas sur la carte, ont été constaté empiriquement, au fil de nos entretiens.

- Interbev a créé le CIV, Centre d’Information des Viandes, qui est l’organe de l’interprofessionelle qui assure le recensement et la synthèse des études réalisées sur l’élevage par l’INRA, l’Institut de l’élevage. Ils ont ainsi plus de chance d’être répertoriés à partir de ce site.

Cette carte confirme par ailleurs que les relations directes par le ministère de l’agriculture et les associations professionnelles sont rares. Elles passent généralement par l’intermédiaire d’Interbev, qui assure de ce point de vue son rôle d’interprofessionnel et de relais entre les acteurs. En particulier, si le gouvernement communique avec certaines des associations professionnelles officielles, les liens semblent coupés avec d’autres, comme la FNICGV (Fédération nationale des industriels et des commerçants de viande), ou d’autres plus critiques, comme le pôle animal de la Coop de France.

On peut donc définir Interbev comme un organisme d’interface entre les différents organismes, qui canalise et fournit à chacun des éléments de compréhension des positions des agents.

Positionnement des critiques radicales de l’élevage: l’exemple du blog du journaliste Fabrice Nicolino

Nous avons postulé dans notre controverse que les médias avaient fortement relayé les opinions radicales concernant l’élevage, suite aux annonces faites à la FAO concernant les systèmes en place et leur coût énergétique.

L’analyse des liens entretenus avec un des critiques des sytèmes d’élevage actuel, Fabrice Nicolino (auteur notamment de Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde), semble confirmer cette hypothèse. Alors que les autres sites des acteurs de la controverse ne renvoient pas vers la presse généraliste, les liens les plus proches vers lequel renvoie le blog de Fabrice Nicolino sont ceux de grands sites d’information française.

Le blog du journaliste renvoie également à des associations de défense de l’environnement (France Nature Environnement), très critiques vis à vis des politiques menées en France. Un lien se forme aussi avec un organisme privé, consultant pour la commission européenne, qui réalise des analyses quantitatives de coûts-bénéfice au sujet de la qualité de l’air, le CAFE (clean air for Europe). Enfin, le site renvoie au ministère du développement durable. Cependant, concernant ce dernier lien, on ne peut savoir s’il s’agit d’une citation critique ou non de la part de Fabrice Nicolino à partir de l’analyse quantitative.

Pour zoomer sur la carte et la télécharger, cliquez ici 

On peut constater à partir de cet exemple que les interlocuteurs privilégiés des partisans de méthodes radicales (ici une réduction drastique de la quantité de viande produite) ne sont pas ceux avec qui interagissent les représentants des producteurs de viande. Leur seul intermédiaire commun est le ministère du développement durable, qui n’est pas forcément mobilisé pour les mêmes raisons.

Il y a donc un manque de communication entre ces deux pôles d’acteurs. Cependant, ce manque de communication peut n’être que superficielle, et on peut imaginer que ces acteurs entretiennent des liens qu’on ne peut pas recenser à partir d’une analyse de leurs sites officiels. Ainsi l’association FNE est-elle aussi en communication avec les instituts de recherche de l’INRA, et coopère pour certains travaux avec Interbev. On peut se demander dans quelle mesure il n’y a pas des échanges entre toutes les associations traitant de l’élevage, et prônant des modifications plus ou moins radicales.

Il faut être d’autant plus vigilant concernant les alternatives comme l’élevage d’insectes ou la viande In Vitro, qui s’appuient sur des recherches scientifiques spécifiques. L’élevage d’insectes fait ainsi l’objet d’un rapport de la FAO, research on Edible Insects. Quant à la viande In Vitro, qui reste encore un sujet de recherche marginal, financé plutôt par des entreprises privées que par l’État, c’est une alternative étudiée dans des universités reconnues, comme à Oxford (Voir à ce titre le documentaire Arte consacré à la viande In Vitro)