Les organismes à vocation scientifique

Les organismes à vocation scientifique mobilisés dans la recherche sur l’élevage les plus visibles dans notre controverse sont de deux ordres. Une partie d’entre eux sont des instituts officiels financés ou soutenus par l’État. D’autres sont plutôt des relais d’associations professionnelles de l’élevage ou de l’agriculture. Les relations entre ces deux types d’organismes scientifiques sont cependant étroites. Leurs positions théoriques concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES) résultant de l’élevage apparaissent ainsi comme cohérentes. 

L’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA):

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l’INRA un institut de recherche français cofinancé par le ministère de l’agriculture et le ministère de la recherche. Les programmes de recherche de l’INRA sont donc soumis au ministère de l’Agriculture qui doit les valider. Les financements sont aussi assurés à l’échelle européenne, et par des industries qui peuvent être amenées à avoir besoin d’expertise sur leurs systèmes.

Il se concentre sur la recherche agronomique, mais fait également des recherches en biologie et notamment en génétique pour permettre d’élaborer de nouvelles solutions sur les problèmes agricoles. Dans ce cadre, l’objectif de l’INRA est aussi de travailler sur de larges thématiques afin d’organiser les recherches entre les différents départements par rapport à la physiologie, la santé et l’éthique animale, les systèmes d’élevage et la génétique animale. C’est l’une des fonctions de Jean-Louis Peyraud, chargé de mission à la direction scientifique agriculture, dont vous pouvez consulter l’entretien.

Les types de collaboration

L’INRA est donc ce qu’on appelle un institut de recherche, mais a aussi été jusqu’à une certaine époque un institut de développement, qui travaillait plus directement avec les éleveurs. Ce statut est le fruit d’une évolution historique qui a vu la multiplication des services de développement locaux, comme les maisons de l’élevage, ou des stations d’expérimentation. Dans le cadre de cette diversification, l’INRA a donc de progressivement évolué vers la recherche fondamentale, plus que vers l’expertise auprès des éleveurs.

« Quand j’ai commencé la recherche, […] il n’y avait aucun service de développement. Il n’y avait que le ministère de l’agriculture, les ingénieurs qu’on appelait les ingénieurs du service agricole. Et nous les chercheurs on allait sur le terrain, […] faire des conférences, chez les éleveurs. La recherche s’occupait autant du développement que de la recherche. Petit à petit ça a évolué, il y a eu les maisons de l’élevage, dans chaque département, chaque région il y avait les services, […]. Puis ensuite il y a eu la création de l’institut de l’élevage, qui a été institué […] Au début on travaillait avec les services départementaux de l’élevage, petit à petit ils ont travaillé directement avec l’institut de l’élevage, les chercheurs se sont progressivement détachés des relations directes avec les éleveurs. » Michel Journet – Chercheur retraité de l’INRA

Plutôt que d’avoir des contacts directs, ces derniers passent donc aujourd’hui par l’institut de l’élevage et les chambres d’agriculture. Cependant, ces dernières années, plusieurs initiatives ont été menées pour retrouver ce lien plus direct avec les éleveurs. Les Journées de l’Association Fourragère en sont un exemple: les 25 et 26 mars derniers, certains groupes d’éleveurs membres de cette association ont présenté les résultats de leurs projets dans le cadre d’un programme mis en place entre l’INRA, l’Institut de l’élevage et le Réseau d’Agriculture Durable.

Par ailleurs, il échange avec d’autres acteurs :

  • Des associations d’intérêt général, comme Bleu Blanc Cœur. Ces contacts portent sur des sujets particuliers, comme l’enrichissement des produits en oméga 3.
  • Des associations interprofessionnelles, comme Interbev et en particulier son centre d’information sur les viandes, le CIV (voir notre description plus bas): ces derniers utilisent leurs chiffres dans le cadre de leurs communications aux éleveurs, aux médias et aux politiques. Ils se rencontrent également dans le cadre de discussions à propos des problèmes de la filière et de l’orientation à donner aux thèmes de recherche. Cela amène parfois à des partenariats dans le financement des recherches.
  • Les ministères, notamment par rapport à des travaux d’expertise demandés par les politiques pour mener des mesures agricoles.
  • Les consommateurs, mais de manière plus marginale. Cela passe par des discussions avec certaines ONG, comme France Nature Environnement ou Rivières de Bretagne. Indirectement, les opinions des consommateurs sont aussi suivies dans le cadre d’études statistiques auprès de panels représentatifs.

Évolution historique de la position concernant l’élevage

Les années 60 ont été celles de la « révolution fourragère », caractérisée par une intensification des méthodes de production et un recours à davantage d’intrants externes. Cette position était aussi celle de l’INRA.  Cependant dès les années 80, les milieux scientifiques ont commencé à constater les conséquences de l’intensification de l’élevage, dans un premier temps via la pollution de l’eau par les nitrates contenus dans les intrants. L’INRA a été mobilisée dans ce cadre :

« La direction des productions animales dans le secteur dans lequel je travaillais a pris l’initiative d’organiser un colloque de réflexion sur l’avenir des recherches en production animal en 1996. En 1985 il y avait eu des réflexions, c’était la période où il y a eu les quotas [politique de quotas de la production laitière européenne], on avait invité tous les instituts et les organismes qui s’occupaient du développement agricole, les conseillers agricoles, et on en était arrivé à la conclusion qu’il fallait limiter la production [En 1996]. On a travaillé à trois chefs de département pour faire un rapport, et à l’époque, j’avais pris conscience qu’il fallait changer de système, et j’avais dit « il faut prendre un virage à 90° » Michel Journet – Chercheur retraité de l’INRA

Position théorique concernant l’élevage et son impact environnemental

Au sujet de la production de viande, leurs conclusions semblent désormais s’orienter vers une réforme du système français. Les travaux des chercheurs de l’INRA ont ainsi notamment porté sur les différentes mesures de l’impact environnemental de l’élevage (voir notre bibliographie). Il s’agit notamment de quantifier et d’identifier les facteurs influant sur l’impact environnemental de l’élevage, et leurs corrélations éventuelles (par exemple, le lien entre les émissions de méthane et l’alimentation des bovins).

Au fil des publications, on peut dire que l’INRA met en exergue trois grandes solutions concernant l’élevage dans la logique de réduction des émissions de gaz à effet de serre :

L’objectif semble ainsi être pour l’INRA de réduire les incertitudes concernant l’impact de l’élevage sur l’environnement, l’intégration de certaines variables saillantes (le climat par exemple), la prise en compte des marges d’adaptabilité de l’élevage, et la prise en compte des coûts économiques et sociétaux. Pour plus de précisions, voir notre page Solutions Internes à l’Élevage

Les chercheurs de l’INRA présents dans notre controverse

Michel Journet, retraité de l’INRA : lire l’entretien

Jean- Louis Peyraud, chargé de mission à la direction scientifique agriculture : lire l’entretien

Jean-Pierre Jouanny, directeur de recherche à l’INRA

Soussana J-F, directeur scientifique de la structure environnement à l’INRA

L’Institut de l’élevage (Idele)

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Position institutionnelle de l’acteur

L’institut de l’élevage se situe à l’interface entre la recherche et les conseils en développement aux gestionnaires d’élevage. Il est donc chargé, plus que l’INRA, de la coopération directe avec les éleveurs, et gère par exemple des réseaux de fermes expérimentales. Ses financements proviennent majoritairement du ministère de l’agriculture (notamment via la taxe affectée au développement agricole et rural, le CASDAR), l’office de l’élevage, et des financements en réponse à des appels d’offres ou pour des expertises privées.

« La vocation de l’institut de l’Élevage est d’améliorer la compétitivité des élevages herbivores et de leurs filières.
Ses travaux apportent des solutions techniques aux éleveurs de bovins, ovins, caprins et équins et aux acteurs économiques des filières.
L’un des enjeux est aussi de fournir des éléments de réponse aux questions sociétales. » Présentation de l’institut de l’élevage sur son site internet.

Ses domaines d’expertise sont les suivants : la génétique, les techniques d’élevage, l’environnement, la santé, le bien-être animal, la qualité des produits, l’économie des filières et de l’exploitation, les systèmes d’élevage, le métier d’éleveur, les systèmes d’informations, la coopération internationale.

Les types de collaboration

Image: Partie consacrée à l’environnement de la « Charte des bonnes pratiques d’élevage » publiée par l’institut de l’élevage. Illustre bien le rôle de conseil de cette dernière auprès des éleveurs. Cliquez sur l’image pour accéder à la charte complète via le site du CIV

Les recherches menées dans ce cadre se font en partenariat très fréquent avec les instituts de recherche, et en particulier avec l’INRA. En ce sens, l’institut de l’élevage est stratégiquement placé entre les acteurs directs de l’élevage et les instituts de recherche. Cela l’amène a être l’initiatrice de rencontres entre ces deux acteurs, comme par exemple le Congrès International Rencontre Recherche Ruminants (3R), depuis 1994.

L’institut de l’élevage collabore aussi avec les autres services de développement de l’élevage, comme les chambres de l’agriculture. Elles le font dans le cadre notamment de l’analyse des données des Réseaux d’élevage, qui sont considérés comme une base de donnée de référence dans la filière. Leur exploitation a pour but de répondre aux problématiques soulevées par les éleveurs, mais aussi de constituer une mise en valeur de l’élevage et de réaliser des expertises chiffrées sur les différents impacts de cette activité. En particulier, les travaux menés par l’Institut de l’élevage sur la base de données des Réseaux d’Elevage fournissent des résultats qui précisent les émissions de gaz à effet de serre pour la production de lait de vache et de viande bovine.

Position concernant l’élevage et son impact sur l’environnement

L’institut de l’élevage est concentré sur les systèmes français, à qui il se doit d’apporter des conseils en terme de développement. Dans ce cadre, il a été amené à défendre les modèles d’élevage présents dans l’Hexagone, et surtout à réfléchir à la mesure de l’impact de l’élevage sur les émissions de gaz à effet de serre dans ce cadre.

Ses conclusions théoriques se rapprochent de celles formulées par l’INRA ainsi que de celles qui sont mises en valeur par Interbev : les consommations d’énergie sont multiformes sur une exploitation d’élevage. Avant de les analyser par usage, il faut appréhender la globalité des consommations, puis entreprendre de les catégoriser poste par poste. Le but est donc avant tout de caractériser les consommations d’énergie pour les intégrer dans l’analyse globale des exploitations d’élevage, et ainsi pouvoir optimiser la consommation d’énergie.

De plus, en tant que relais d’expertise auprès des éleveurs, l’institut de l’élevage accorde de l’importance aux stratégies spécifiques d’optimisation de la consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre, en insistant aussi sur leur coût économique et social.

« Afin d’intégrer d’autres facteurs de durabilité, il serait intéressant d’y adjoindre un bilan des minéraux afin de prendre en compte l’impact sur le milieu et d’analyser ces valeurs a l’aune des performances techniques et économiques des élevages » Source : Consommation d’énergie en élevage bovin, communication lors du congrès international 3R

Le Centre d’Information des Viandes (CIV)

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Position institutionnelle de l’acteur

Le CIV est une association à but non lucratif créée à l’initiative de l’interprofessionnelle INTERBEV, et de ce qui est aujourd’hui FranceAgriMer. Son financement et la gestion des publications est assurée dans son cadre à 90% par l’interprofessionnelle. Son rôle est de référencer les publications, colloques et débats à propos de l’élevage et de la production en France en particulier, même si certaines ressources internationales (comme celle de la FAO) figurent parmi sa base de donnée.

Plus qu’un acteur actif en terme de prise de décision, le CIV se positionne plutôt comme un espace de mise en débat pour des publics avertis :

« On met en débat mais on ne donne pas de solutions »

Il s’adresse donc essentiellement à des publics impliqués dans l’analyse et la gestion d’élevages, et constitue un relai des opinions recensées parmi les différents acteurs.

Les types de collaboration

Image: le CIV publie aussi des synthèses d’informations délivrées par des instituts de recherche à propos de l’élevage. Cliquez ici pour avoir accès à sa version téléchargeable sur le site du CIV. 

Mais cela n’a pas toujours été le cas. Le CIV a évolué en 2012 : alors qu’auparavant il était tourné vers la communication au grand public, cette dernière est aujourd’hui consacrée quasi-exclusivement aux professionnels. Il dispose dans ce cadre de liens importants avec les instituts cités précédemment (INRA et Institut de l’élevage), dont il exploite les résultats, et avec qui il collabore parfois dans certains projets. Il est un espace de communication et de mise en valeur de ces résultats.

Le CIV est aussi amené à échanger avec des ONG du domaine de l’élevage, comme Bleu Blanc Cœur, pour assurer son rôle d’interface.

D’une certaine façon, on peut dire qu’en tant qu’organisme fortement relié à INTERBEV, il entretient le même type de liens que ce dernier avec les différents acteurs politiques, professionnels et scientifiques

Position concernant l’élevage et son impact sur l’environnement

Bien qu’il se présente comme un espace de mise en débats, les publications sélectionnées par le CIV, et leur appartenance à l’interprofessionnelle INTERBEV, en font un acteur de la protection de la filière des élevages français.

Tout comme l’INRA et l’Institut de l’élevage, il a répertorié un certain nombre de références mettant en valeur l’analyse multicritère des émissions de gaz à effet de serre, et via une étude en terme de Cycle de Vie par exemple. Il s’agit d’une prise de position en faveur de  l’élevage allaitant en prairie français, modèle le plus fréquent, et dont il donne une analyse nuancée, en mettant notamment en avant les bienfaits potentiels de ce type de système sur l’environnement (captation des GES, mise en valeur du territoire), et les mesures à prendre pour adapter l’élevage existant de façon à le rendre plus respectueux de l’environnement.

  • Pour visualiser la situation de ces acteurs dans la controverse en générale, rendez-vous sur la cartographie des acteur
  • Il arrive aux organismes à vocations scientifiques de mener des recherches pour répondre à des questions politiques, ou de professionnels. Consultez la description de ces acteurs en cliquant l’un d’entre eux. 
  • Pour étudier les autres types d’acteurs, vous pouvez retourner sur la page de description générale des acteurs