L’entretien commence par une présentation de notre filière PSL, et de notre controverse « Faut-il instaurer des quotas en faveur des femmes ? ».

 - Madame Huet est actuellement secrétaire générale au sein de l’association ARBORUS. Elle travaille aujourd’hui surtout au sein d’associations en lien avec la parité. Elle a une expérience concrète des quotas en ayant fait inscrire ceux-ci en 2011 dans le plan d’action égalité de l’INSEE pour son personnel. Elle a également fait une analyse plus large dans les entreprises à travers sa fonction de vice-présidente d’ARBORUS (association créée par Cristina Lunghi en 1995 pour promouvoir l’égalité et notamment la parité en Europe), et d’exporter sur l’égalité depuis une trentaine d’année.

- Elle nous explique les différentes choses qu’elle a étudiées durant son parcours.

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« Le groupe AFNOR a mis en place un label de qualité dont le but est de qualifier les entreprises sur leur engagement pour l’égalité, dans un plan d’action. Un plan d’action lui-même validé par les partenaire sociaux au niveau national pour les entreprises. Cela donne une belle image, une différenciation des entreprises et joue donc un rôle important pour les grandes entreprises. C’est notamment le cas pour l’Oréal dont les clients sont plutôt féminins. L’étape suivante a été le label européen où il y a eu la création d’un fond de dotation d’entreprises. Toutefois le label européen n’est pas très connu car les ministres veulent avoir leurs idées à eux. Madame Reading en charge de l’égalité au niveau européen n’a pas vraiment soutenu cette idée de label, mais c’est aussi le cas au niveau français. Il y a une certaine méfiance … On croît à la loi mais pas trop aux démarches volontaires d’entreprises. Ici [concernant les labels] il est question d’image ici, vis-a-vis des clients pour les fidéliser et cela est intéressant pour les entreprises, c’est peut être plus social. C’est intéressant quand on a une certification RSE (responsabilité Sociale Entreprise) [au niveau national] car cela vaut une certification extérieure en faite, là pour le label France, l’évaluation est faite par l’AFNOR et ce n’est pas l’entreprise qui décide de se donner elle-même le label. Au niveau européen c’est pareil, c’est le Bureau Veritas, un consultant extérieur. Voila, cela est une approche globale de l’égalité , ça fait quand même parti des actions menée pour la parité donc il faut tout de même y revenir. Si on veut avancer il faut aussi avoir une approche globale. Je parle de l’égalité au sens où chacun peut être libre, au sens où il peut faire ce qu’il vaut et cela vaut aussi pour les hommes. Il faut qu’on puisse sortir des modèles, ça apporte aussi aux hommes. »

- Est-ce-que pour vous, ça serait bien de permettre aux hommes d’accéder à des métiers plutôt « féminins » ?

Bien sur, mais l’enjeu c’est qu’il n’y a pas que des stéréotypes mais il y a aussi des conditions de métiers. Une infirmière par exemple a bac +3 ou 4 et en fin de carrière elle est payée seulement 1500 euros par mois. Je me suis intéressée à la concentration des emplois et cela fait 20 ans que je demande aux chercheurs de travailler sur l’évaluation du temps, des performances, de manière plus qualitative. Cela ne les intéresse pas. Ils ne sont pas intéressés sur les apports des acteur sociaux mais plutôt sur les apports théoriques. C’est vrai qu’ils dépendent plus des fond privés mais bon. Il y a depuis 10 ans des outils d’évaluation de compétence des métiers mais pour les métiers de services, ils sont considérés comme non qualifiés et « naturels » pour les femmes qui s’occupent de leur famille,…

 - Ne pensez vous pas qu’il aurait pu y avoir d’autres méthodes que les quotas pour intégrer les femmes à des postes plutôt masculins, comme l’incitation, … ?

Les subventions aujourd’hui c’est un peu compliqué avec la crise. Il y a des sanctions dans le cadre de la loi. Le problème c’est aussi que l’on manque d’inspecteurs du travail et de contrôleurs du travail. Il existe des réseaux ds représentants de l’EFO . Une amie fait parti du Conseil Supérieur National, elle me disait qu’il commençait à y avoir des contrôles.

- Y a t il une véritable transparence sur les données des entreprises ?

Il y a des quotas pour les entreprises, dans la politique, … On voit que les sanctions ont leur limites à la fois dans les entreprises mais aussi en politique. Ils ont commencé dans le domaine politique en 2008. Enfin, la première création c’est 1995 avec l’Observatoire de la Parité

 - Et pensez-vous que l’observation de l’observatoire a eu un impact sur la vision des choses ? Et-ce que ça a fait accélérer le processus de mise en place de quotas ?

Il sont eu l’initiative des quotas dans les CA enfin cela vient de la Norvège et non de la France. Mais dans chaque cas il y a les quotas pour les élections, pour les entreprises, pour les fonds publics ce qui est plus récent car sorti en 2012. Et il y a des démarches dans les organisations syndicales par exemple ça fait un certain temps que les quotas existent et notamment dans les postes de responsabilité. Dans chaque cas, il y a a la fois la peur depuis plus de 30 ans en France. D’abord on a fait une politique sur la parité puis une action positive et cela fait au moins 30 ans et ça n’a pas permis vraiment d’avancer. Fondamentalement, bon c’est lié effectivement sur la parité, il y a quand même des blocages sur les postes de responsabilité. Là il y a vraiment des blocages.

-De ce fait vous pensez qu’il y a aujourd’hui que les quotas qui pourrez permettre vraiment d’aboutir à quelque chose ?

A oui, j’en suis sure. Il n’y a que ça qui peut permettre d’avancer. Mais en même temps c’est limité pour un temps et on le voit bien aux États-Unis avec les actions positives et les différences raciales, les universités et on voit que cela n’a duré qu’un certain temps car c’est insupportable à la fois pour le femmes car elle sont recrutées plutôt pour leur sexe et pas vraiment pour leur compétences mais pour les autres aussi. Un homme n’est pas pris parce qu’il y a des quotas.

-Ne pensez vus pas qu’intégrer des femmes par l’intermédiaire des quotas peut créer une haine au sein des élites ?

Il y avait des tensions avant déjà avec les femmes. Je n’ai pas été moi-même en poste de cadre dirigeant mais je pourrez vous rapporter ce qu’elles ont entendu, c’est difficile pour elles. Ça ne peut pas être pire quand même. Sauf pour les pionnières c’est pire que les hommes car elles sont sur-sélectionnées car elles sont très « masculins », une caricature masculine ou alors il leur faut adopter les modes de fonctionnement masculin, c’est-à-dire plus d’autorité, ..

- Et aujourd’hui le critère de disponibilité n’est pas non plus forcément égal, une femme dit rentrer chez elle pour en général s’occuper de ses enfants alors qu’un homme sera moins contraint à ce niveau là. ?

A votre âge vous ne vous en rendez pas compte mais quand vous aurez des enfants ça changera. Tant qu’on a pas eu d’enfant on ne s’en rend pas compte et après vous verrez que c’est drôlement dur et on ne peut pas reléguer totalement leur éducation.

- Si on instaure des quotas en faveur des femmes, pensez vous qu’il faut de l’autre coté créer des projets pour les hommes … ?

La reforme actuelle n’est pas du tout à la hauteur des besoins car il n’y a pas d’argent, pas d’argent pour faire mieux c’est à dire un an bien rémunéré, ce qu’a adopté l’Allemagne d’ailleurs il y a 3/4 ans. Si on veut que les hommes le prenne [congé paternité) il faut déjà qu’ils soit bien rémunéré.

 - A l’embauche, être une femme peut poser pb car on sait qu’elle va avoir des enfants, se marier, …. Les quotas c’est vraiment pour l’accès à la responsabilité mais il y a quand même d’autres mesures mises en place notamment pour l’accès aux entreprises. Ce sont les entreprises anglo-saxonnes les premières dans ce domaine car elles avaient une politique de diversité , d’actions positives qui ont été menées. Elles ont introduit des mesures autres. Il faut prend en compte le fait que les organisations sont sous un modèle masculin que les femmes ne sont pas sur d’elle, cela renvoie à tout cela. Pour traiter fondamentalement cette question il faut partir depuis le début, c’est-à-dire dès l’éducation, et on voit bien les conflits que cela crée en ce moment, lutter contre les stéréotypes, etc.

- Mme Zimmermann nous disait en effet que les femmes se posaient plus de questions, notamment sur leurs compétences, qu’elles voulaient mieux faire,…

Voila, donc c’est pour cela que les entreprises ont crée des réseaux de femmes. Ce sont des échanges d’informations. A travers cela elles se soutiennent et ont voit d’autres voies de soutient comme le tutorat. Les réseaux de femmes il y en a beaucoup. Il y a connectic woman qui a fait un forum en décembre 2013 avec des ateliers et donc un bouquin a été fait, Claire Laugier. Les réseaux actuels atteignent une importance, en terme d’impact sur égalité, mais elles [les femmes] n’ont pas de postes de dirigeants et ont du mal a faire passer des propositions car elles en ont, sur le travail, services, aides financières,… mais elles ne sont pas dans les cadres dirigeants donc elle n’arrivent pas à les faire passer, c’est vrai qu’il faut avoir des hommes quand même. Il faut quelques hommes éclairés. Je leur avais dit de regarder au niveau européen, avec le fond de dotation. Actuellement il y a 6 entreprises. Je parlais de l’Oréal, il y a aussi BNP, PSA et Orange. Eux [Orange] c’est plutôt pour attirer des client(e)s et créer de postes de femmes dans le domaine scientifique car dans les métiers d’ingénieurs on a du mal à attirer les femmes. Il y a aussi la SNCF pour les transports quoi, et EDF SUEZ, .. il faut promouvoir aussi les clubs par pays ou il y a des échanges entre filiales ou par exemple il y a ds échanges de pratiques entre les sociétés de pays différents et au niveau européen donc cela donne des idées de ce qu’il y a ailleurs, c’est un moyen d’avancer à l’aide de ces réseaux. Dans les fondateurs du Conseil de la Parité, moi ne je suis pas dedans mais il y a notamment Laurent Dupont qu’il serait intéressant que vous interrogiez, il est responsable chez Orange. Il est pour l’intégration des femmes en tout cas, après, pour les quotas, ça je ne sais pas.

Mais il faut aussi prendre en compte que ça [la parité] peut aussi apporter quelque chose aux hommes. On voit l’effet des 35 h, les hommes soccupent plus de leurs enfants. Dans la Direction Générale du Trésor, la plus prestigieuse, les hommes voulaient voir leurs enfants. Il y a un changement.

 - Avez vus des étudiants hommes dans votre formation ?

Non très peu, c’est vrai qu les hommes veulent sortir de cela et je vois cela autour de moi, certains abandonnent les hauts postes d’ingénieur car il ne veulent pas être complètement pris par leur travail, il préfèrent être enseignant. Cela arrive doucement. Ce genre de personne ont vu la contrainte de l’entreprise et leur parents en chômage donc ils ne veulent pas donner leur vie à une entreprise qui ne leur rendra pas car il savent que ça ne sera pas réciproque.

 - Pensez vous que faire des CV anonymes …

Ca a déjà été fait aux Etats-Unis. Sur les postes de responsabilité, pour les quotas, vous n’allez pas recruter quelqu’un sans le/la voir mais oui si on se trouve qu’avec des femmes en entretien d’embauche oui, aux États-Unis, ils les ont gardé c’est qu’elles doivent avoir les compétences. Effectivement ça permet de lever un premier obstacle, après c’est aussi pur l’origine éthnique etc.

- Par ailleurs, pour les quotas, ça n’apporte pas seulement aux femmes, ça apporte aussi aux hommes, aux entreprises . Il  y a quelques études de faites sur les responsabilités et un débat récemment, un numéro spécial de Travail, … et Société en 2011, n°23, qui était justement sur « femmes et performances économiques ». Cela fait débat. Aux Etats-Unis et en France c’est X Perac qui a sorti un bouquin que sur la mixité des postes de direction et des relations positives. Mais les femmes, même avec des performances sont accepté au second rang. Michelle Férari a étudié cela, dans son rapport. Mais donc ce n’est pas seulement bien pour les femmes, les hommes mais c’est aussi bien pour l’organisation générale quoi. Les femmes apportent une autre vision des choses. Iles femmes, des études ont été faites, il y a quand même 10% de différences, il y a pleins de facteurs qui rentrent en jeu. Il y a des différence, et notamment des modes de management plus participatifs et moins hiérarchiques qui donne des responsabilités aux collaborateurs, plus d’initiatives, d’autonomie et il y a plus de compétitivité. 60% du personnel est démotivé dans les modes d’organisation très hiérarchique . Un des facteurs qui peut forcer les entreprises à mettre les femmes cadres dirigeants. Cela donne une organisation plus souple. On est dans une économie mondialisée et cela est aussi vrai dans les partis politiques : si on a un modèle hiérarchique, on sera beaucoup moins soule qu’un modèle participatif. Elles ont es compétences, il n’y a qu’à voir les études. Elles ont la capacité à écouter la clientèle, les autres, ça fait parti de la compétence et de l’éducation des femmes. C’est « naturel », un peu social. Des études ont été faites sur tout ce qui est des qualifications, il a des compétences dites acquises pour les homme et d’autres « naturelles » pour les femmes et donc elles ne sont pas valorisées.

 - Comment construisez-vous des statistiques… ?

C’est de plus en plus des sources administratives. Le plus facile c’est les sélections car c’est public, après dans les partis c’est autre chose, il y a la transparence.

 - Pour revenir sur les limites des quotas, dans le monde politique ce sont les sanctions qui sont limitées tant au plan politique et que des entreprises. Il y a des amendes très fortes si on ne respectent pas la parité de la liste proportionnel mais la plupart des partis sauf les Vert préfèrent payer des amendes. On a un patriarcat en France un eu particulier (rire).

- Et donc que pensez vous de ce qui est fait au niveau européen, la directive de fin 2013… ?

Ça rejoint les limites des grandes entreprises, il y a des sanctions limitées, il y a des comptes qui ne sont pas validés et au niveau des administrateurs ce sont les titulaires du capital et l’effet est plus limité car ils peuvent se choisir entre eux. Il serait plus intéressant d’étudier cela pourvu que ce soit sur la base du volontariat.

 - Vous y croyez [au volontariat] ?

Pas trop non. La y a quand même une pression forte qui se fait et on voit bien dans les milieux sportifs même ont en parle, ils veulent l’imposer aux directions d’orchestre, politiques culturelles. il y a une pression forte qui est d’ailleurs dans les mentalités.

Je voudrais également prendre juste un exemple. A l’EDF pour être cadre dirigent, il faut avoir été directeur d’une centrale nucléaire et donc être ingénieur et peu de femmes le sont.

-Vous avez travaillé avec l’INSSE, est-ce-qu’on vous invite à mesurer certaines choses et pas d’autres ?

Au niveau européen il y a une réglementation qui garantie la dépendance des statistiques au niveau européen, une obligation légale de de dépendance. Mais c’est aussi le fait que les responsables ne sont pas des mêmes écoles, les élèves de X n’aiment pas trop se faire contrôler par l‘ENA.(rire). Mais s’il y a des choses qu’on repère mal, c’est surtout pour ce qui est des associations.

- Concernant les acteurs pour finir, pensez-vous que les sociologues du genre sont directement impliqués dans le débat ?

Non pas vraiment mais il existe par exemple à Science Po un module sur l’égalité qui est obligatoire ».

Madame Huet n’avait rien à rajouter.

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