Pour préserver la biodiversité

Mettre un prix à la biodiversité est un objectif qui est apparu d’abord pour la préservation des milieux naturels: l’attribution d’un prix agit alors comme alerte ou comme incitateur sur la conscience des acteurs principaux, même et surtout si ceux-ci sont gouvernés par le profit.

Jamais notre environnement n’a été autant malmené par l’Homme. Depuis la Révolution industrielle, la population humaine a été multipliée par 6, la consommation d’eau par 3 et la moitié des forêts tropicales a disparu. Les études scientifiques se multiplient et l’état d’urgence a été déclaré il y a de nombreuses années. Depuis les années 80, les politiques environnementales s’intensifient, avec des moyens toujours plus importants, mais sans grand succès. La principale difficulté réside dans le caractère « d’invisibilité » de la nature.

On se sert de la Nature car elle a de la valeur, on la perd car elle est gratuite.
C’est le constat de Pavan Sukhdev, économiste environnemental mondialement connu. Dès lors, tout le monde se sert sans compter dans les réserves immenses mais non inépuisables de la nature. Les services rendus par la nature n’apparaissent pas dans les calculs économiques. Son coût et ses revenus sont considérés comme nuls : son actif est invisible. Les conséquences sont alors dramatiques en termes de biodiversité.

La Grande Barrière de Corail : une grande perte de services écosystémiques

Pascal Canfin, ancien ministre délégué au développement :

Dans le système actuel[…], ce qui n’est pas compté ne compte pas. 

Dans ce contexte, la nature, la biodiversité n’a donc aucune valeur si elle n’a pas de prix. Comment estimer un budget de restauration dans ces conditions ? Mettre un prix sur la biodiversité, les services qu’elle produit, apparait donc comme une solution nécessaire.

L'île de Bornéo: un investissement dans la nature
Cependant, certains acteurs ne voient pas d’un bon œil cette approche de la biodiversité. L’argument majeur étant le risque de « marchandisation ou privatisation de la nature ». On pourrait acheter un pingouin ou un récif et le détruire à notre guise, au même titre qu’un fauteuil ou une maison, pour peu que l’on ait assez d’argent pour le faire.

Vandana Shiva Prix Nobel alternatif 1971 : 

Partout où nous avons mis un prix, les minerais ont été extraits, la terre a été violée ; partout où il y a de la déférence et du respect, la nature reste intacte. Ce sont les prix qui ont mené à la destruction. 

Une autre conséquence néfaste de la cotation de la biodiversité est la spéculation. Ce qui a amené la crise financière peut aussi alimenter la crise écologique. Comment empêcher une banque de spéculer sur la disparition d’une espèce si cela peut permettre des bénéfices ?

Ces considérations peuvent amener à se demander si l’on sait protéger la nature, et si l’on veut protéger la nature.

Dans le documentaire d’Arte, Nature, le nouvel eldorado de la finance, Gilles Bœuf, président du muséum national d’Histoire naturelle de Paris:

Bien souvent on me dit : Vous vous battez pour sauver la planète.

Mais on s’en fout complètement de la planète. On se bat pour garder du bien-être de l’humain sur la planète. C’est un peu différent finalement. 

La conservation de la biodiversité en tant que telle n’est l’objet que de peu de mesures, prises par des associations telles que WWF ou GreenPeace.
Mettre un prix sur la biodiversité apparait comme une façon de sauvegarder un certain type de capital naturel, le capital utile à l’Homme. Ce champ de capital étant assez flou, on comprend comment l’évaluation économique de la biodiversité peut agir comme un outil de pression politique ou économique, au service d’intérêts particuliers. En effet, un rapport économique pourra être positif ou négatif en terme d’impact environnemental pour appuyer la thèse de son commanditeur; il pourra aussi être pris plus ou moins au sérieux s’il n’est pas émis par une institution compétente. En effet, les limites méthodologiques de l’évaluation économique et son manque de banalité dans la société en font aux yeux de certains un argument de moindre importance. Markus Henn, de l’ONG WEED, le dit bien: « Le prix de la nature doit être élevé ! », prouvant que les meilleures intentions ont elles aussi besoin d’une évaluation allant dans leur sens, parfois au détriment de la rigueur scientifique.