Faut-il étendre la taxe aux ménages ?

La question de l’extension de la taxe aux ménages s’est posée lors de la mise en place de l’écotaxe et au regard des effets qu’elle pourrait produire. Étant donné l’ampleur et le coût du dispositif de collecte, faudrait-il l’étendre aux autres véhicules ? Ce dispositif est-il révélateur d’une volonté des pouvoirs publics de taxer in fine l’ensemble des véhicules qui circulent sur la route ? C’est autour de ces questions que l’écotaxe a été critiquée ou au contraire soutenue sur la question d’une extension future des véhicules touchés par la taxe.

Cette controverse se polarise à la fois sur le principe qui guiderait l’extension de l’écotaxe aux ménages et sur les effets économiques qu’elle entraînerait.

 

Doit-on taxer les poids lourds sans taxer les ménages ?

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Certains économistes affirment qu’il n’y a aucune raison d’augmenter la fiscalité sur les véhicules de transport de marchandises sans intégrer les autres véhicules qui utilisent la route. Des scientifiques font ainsi une analyse comparée des taxes pour l’usage de la route en France. La politique écologique devrait certes en premier lieu toucher le secteur des transports car il est majoritairement responsable des émissions de dioxyde de carbone. Cependant se pose la question de savoir si ces véhicules sont suffisamment taxés aujourd’hui, sachant que la taxe sur le carburant est déjà significative et que, selon certaines études, elle couvrirait déjà les coûts d’usage de la route et les coûts liés à pollution. Dès lors, seule une inégalité dans le répartition fiscale justifierait l’écotaxe, c’est-à-dire que les transporteurs de marchandises ne paieraient qu’une toute petite partie de la pollution dont ils sont les auteurs et c’est pourquoi il faudrait les taxer davantage. Or, cette hypothèse n’est pas plausible selon d’autres acteurs :

Les transporteurs achètent-il déjà leur diesel moins cher ? Vraisemblablement disons que non, il n’y aurait donc pas de raison qu’on introduise une taxe supplémentaire sur eux et non sur les ménages.

Entretien avec François Lévèque, économiste

A cet argument écologique, certains répondent par un argument sur le coût d’usage des routes. Certes, les véhicules légers participent à la dégradation des routes et il est dès lors envisageable de leur faire payer le coût de financement de ces infrastructures. Cependant, il est nécessaire de moduler le taux de la taxe en fonction de l’ampleur de la dégradation. En conséquence, il n’est pas envisageable que la taxe sur les ménages soit strictement la même que celle qui s’applique aux poids lourds :

Pour nous le véhicule individuel n’a pas du tout le même impact sur les infrastructures donc ça ne devrait pas être de la même ampleur.

Entretien avec Michel Dubromel, FNE

Des acteurs politiques vont même jusqu’à défendre une séparation stricte entre les deux types de fiscalité. La stratégie de taxation des transports de marchandise devrait en effet être différenciée de la taxation générale sur les transports routiers, et l’éco-redevance devrait ainsi faire partie de ce projet spécifique. Selon un député écologiste, un trajet Paris-Marseille qui passe par Toulouse peut se justifier pour un poids lourd car cette déviation peut être rentable. Au contraire, les ménages ont intérêt à minimiser la distance parcourue car elle induit uniquement un coût et non un profit. En conséquence, la politique de transport-marchandise doit être séparée de la politique de transport global pour gagner en efficacité :

Si on y introduit le côté ménages, on dévie de l’objectif premier car on ne transporte pas des marchandises comme on transporte des humains. […] Vouloir fusionner est une erreur. Ce qu’il faut, c’est au contraire valider les différences en apportant des réponses adaptées et spécifiques.

Entretien avec François-Michel Lambert, député écologiste

 

Les effets anti-redistributifs de la taxation des ménages

Une partie de la presse voit dans le dispositif de l’écotaxe les prémisses d’une extension de la taxe aux ménages. L’écotaxe ne serait ainsi que la partie émergée d’un “ iceberg fiscal ” qui viserait à étendre l’écotaxe à une part de plus en plus importante des véhicules circulant sur la route. Pour justifier cet argument, l’article « Aujourd’hui les camions, demain les voitures! » reprend un texte d’Antoine Maucrorps – qui a piloté l’ensemble du projet au ministère du Développement Durable – dans lequel il affirme que le projet d’écotaxe et les équipements satellitaires mis en place avaient ouvert une réflexion favorable à l’extension de ce système à d’autres véhicules, selon le principe de l’utilisateur-payeur. Aux Pays-Bas, une extension de leur taxe kilométrique aux ménages avait été prévue, mais n’a pas pu aboutir du fait de mouvements protestataires; or le dispositif mis en place était exactement le même que celui de l’écotaxe, ce qui laisse penser que les pouvoirs publics français avaient la même intention.

Ce processus d’extension de la taxation profiterait aux catégories de population ayant les revenus les plus élevés, car ils ne changeraient pas leurs habitudes alors que les plus pauvres seraient forcés de réduire leur utilisation de la route. Lors des périodes de forte congestion, le taux de la taxe serait plus élevé et seuls les plus riches pourraient se déplacer. Il ne serait donc aucunement souhaitable d’étendre l’écotaxe aux véhicules légers, car la modulation tarifaire, tout comme celle pratiquée par la SNCF, ne ferait qu’accroître les inégalités :

En clair, faire de la discrimination par le prix en proposant les meilleurs créneaux de circulation à ceux qui en ont les moyens. La veille de la rentrée des classes, aux abords des grandes villes, tous les automobilistes sont égaux dans les bouchons, qu’ils roulent en Porsche ou en Dacia. Mais demain, si la tarification fluctue selon le jour et l’état du trafic, qui sera prêt à payer plein pot pour ne pas rogner ses vacances ?

Emmanuel Lévy, animateur radio francais

 

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