Stanislas Jourdan -

Journaliste et activiste
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Pour plus d’informations sur Stanislas Jourdan vous pouvez consulter son site personnel: http://stanislasjourdan.fr/

Nous avons fait une description de Stanislas Jourdan, pour la lire cliquez-ici.

Entretien réalisé le 8 avril 2015 à l’Ecole des Mines de Paris.

Comment vous êtes vous intéressé au revenu de base ?

Principalement par des rencontres, je voulais aboutir à un compromis entre libéralisme (économique et politique surtout) et solidarité sans tomber dans un système communiste. Et cela par une mesure universelle, qui concerne tout le monde, ce qui diffère de la dérive du système social depuis trente ans où il y a trop de caisses différentes qui engendrent le morcellement du système comme on peut le voir avec tous ces gens qui se désinscrivent de la sécurité sociale, l’égalité n’existe plus. C’est également grâce à la lecture de La société de défiance de Yves Algan et Pierre Cahuc qui m’a montré que plus le système est inégalitaire moins les gens se sentent concernés.

- Quels sont les politiques qui se sont intéressés au revenu de base historiquement ?

Dans les années 80-90, il y a eu des débats à gauche et chez des libéraux :  »un emploi c’est un droit, un revenu c’est un dû.  » Mais le débat c’est vite clivé entre les propositions de gauche assez généreuses et celles plus libérales. Le mouvement n’a du coup pas été vraiment unifié, pas très fédérateur. Sous Lionel Jospin en 1999-2000, il y a eu une commission d’étude avec des représentants des différents mouvements de syndicats, de chômeurs, mais ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord entre vision impôt négatif et allocation universelle. Cela a un peu refroidi tous les partisans de l’époque.

- Pouvez-vous retracer le trajet de l’initiative citoyenne déposée à l’UE?

Elle a démarré avant que je ne la rejoigne, en 2010, il y a eu plusieurs congrès, notamment en Suisse, en Autriche, en Allemagne. J’ai rejoint le comité d’organisation lors d’une réunion à Bruxelles en mars/avril 2012 . Je me suis occupé de la campagne autour de l’ICE. Elle a été lancée en 2013 avec un an pour réunir le million de signatures, on a perdu deux mois à cause du logiciel de la commission européenne. L’ICE a réunit 300 000 signatures et donc n’a pas été retenue, elle était soutenue par 34 députés européens. Mais elle a surtout permis de créer des réseaux dans plusieurs pays (Portugal, Grèce, Tchéquie, Estonie, Pologne…) où il n’y en avait pas. Pour faire une ICE, il faut faire une proposition qui rentre dans les compétences de la commission européenne. Le RDB qui est classé comme une politique sociale ne rentre pas dans les compétences de la commission. Donc pas possible de demander la mise en place d’un RDB.
Nous avons donc effectué une deuxième formulation en demandant simplement des études pilotes. – Quels pays se sont le plus investis? Les pays qui ont apporté le plus de signatures à l’ICE sont la Slovénie, Pays-Bas, Croatie, Bulgarie, Hongrie et l’Estonie. Étonnamment, l’Allemagne a fait un assez mauvais score, car le mouvement pas assez unifié. Il y avait assez de peu de partis politiques soutenant l’ICE même si ce n’était pas l’objectif. Mais, au fur et à mesure certains partis écologiques et pirates ont rejoint la campagne.

- Pour vous quel serait l’objectif premier de la mise en place d’un revenu de base ?

Dans le contexte actuel, ce serait la cohésion sociale : l’égalité et la fraternité, l’idée de réconcilier les gens dans un système à la dérive où tout le monde tape sur tout le monde.

 Ne pensez-vous pas que cela incitera les gens à ne plus travailler et à être assisté ?

Il y aura toujours des assistés mais pas si nombreux qu’on le pense, en effet, personne ne fait rien. Ceux qui ne veulent vraiment rien faire et cela doit être 1 % de la population, on ne peut pas les forcer à se mettre dans le système.

Proposez-vous le même revenu pour chaque citoyen européen quel que soit son pays?

Il n’y avait pas d’idée précise même et différentes propositions : Celle de Van Parijs : un euro-dividende à 200€ complété par un revenu de base national (en France, serait autour de 500€). C’est important qu’au niveau européen il y ait un soutien de pays les uns pour les autres. Cela créerait une solidarité européenne. Par exemple, cela coûterait à peine 1 % de PIB à l’Allemagne pour financer un revenu de base de 2/3 du SMIC en Bulgarie.

 N’est ce pas contradictoire dans un contexte d’euroscepticisme fort ?

Face à l’euroscepticisme, il faut aller soit dans un sens soit dans l’autre en augmentant l’intégration ou la diminuant. Les élites européennes et la bureaucratie veulent sauver l’Europe mais ne savent pas comment faire. Par ex : harmonisation fiscale, taxe sur les transactions financières. Le revenu de base peut devenir faisable en parlant d’intégration européenne au niveau de la fiscalité. Avec le revenu de base, cela apporte un bénéfice direct au citoyen, le problème de l’Europe c’est que les politiques européennes n’intéressent pas les gens.

- Pensez-vous qu’il est plus compliqué d’instaurer un revenu de base à l’échelle européenne ou nationale ?
Dans des pays plus petits comme la Slovénie, instaurer un revenu de base national n’est pas possible. Par exemple, aucun pays n’osait instaurer seul la transparence financière mais récemment, la transparence financière a été instaurée par l’OCDE, même la Suisse y a participé, parce que tous les pays le faisaient en même temps. Quand on veut faire des réformes ambitieuses cela peut être plus simple de le faire à une plus grande échelle. Cela peut être une des raisons pour lesquelles le referendum en Suisse serait refusé.

- Comment financeriez-vous le revenu de base ? Avec des cotisations des États ? Des impôts directs ?

Le mode de financement importe du côté redistributif, sur la manière où il agit entre les déciles. La question du financement s’intègre dans une logique philosophique. Van Parijs a faire une proposition qui se base sur une TVA européenne, c’est ce qu’il y aurait de plus harmonisé. On pourrait aussi créer une taxe européenne sur les entreprises, taxe sur les transactions financières, taxe carbone (qui n’existent pas au niveau européen). Il est irréaliste de réfléchir à un revenu de base supérieur au RSA en France qui serait financé par l’Europe, il faudrait un faible socle européen. L’idée majeure n’est pas que redistribuer entre les riches et les pauvres mais plus entre pays riches et pays pauvres. Pour avoir un modèle social européen il faut que ce soit le plus simple possible.

- On décrit souvent le revenu de base comme pouvant inciter la consommation et ainsi participer à une relance, néanmoins cela ne va-t-il pas à l’encontre de théories décroissantistes qui s’intégreraient dans des discours écologistes ?

On ne peut pas prédire ce que les gens vont faire avec leur argent. Ce ne sera pas forcément de la consommation, les gens peuvent adopter un mode de vie plus sain. – Quel serait l’effet sur le temps de travail ? Le paradoxe aujourd’hui, c’est qu’il y a des gens qui sont malades de trop travailler et d’autres qui sont malades de ne pas le faire. Les 35h n’ont pas marché car on a pas donné le choix à chacun de choisir combien de temps ils voulaient travailler, le revenu de base, lui, le permettrait.

- Quel serait l’effet sur le marché du travail ?

Il permettrait de le flexibiliser, il faut d’abord mettre en place le revenu de base, ce sera un nouveau pilier de la sécurité sociale, à côté des retraites.

- Quel serait l’effet sur le niveau des salaires, notamment sur le salaire minimum ?

On peut imaginer que le RDB soit 2/3 du SMIC, et que le revenu de base soit indexé au SMIC, de même que celui-ci à l’indice des prix à la consommation. Il existe deux principales logiques :

1-l’idée que le revenu de base est à part du salaire, on garderai alors le SMIC au même niveau.
2-le revenu de base est la première tranche du salaire, permettrait de diminuer le coût du travail. Il augmenterait le revenu net disponible pour les gens ayant un revenu jusqu’à 1,5 SMIC. Pour les gens au-delà de 2000€ par mois cela ne changerait pas grand chose.

Source de l’image: redefineschool.com