Démocratisation ou mort du système éducatif ?

Matthieu Cisel

Matthieu Cisel

Matthieu Cisel est un doctorant de l’ENS Cachan, biologiste de formation. Il s’est totalement réorienté à la fin de ses études vers le numérique et l’autoformation, et prépare actuellement un doctorat sur l’autoformation en ligne avec les MOOCs comme principal terrain.

 

Mathieu Cisel est l’un des acteurs français les plus visibles dans le domaine des MOOCs, notamment grâce au blog qu’il tient quotidiennement. Il se place comme un grand défenseur de l’autoformation en ligne et   est donc extrêmement favorable aux MOOCs. Cependant, il se définit comme un partisan de l’efficience, au sens où il faut que le sujet soit bien choisi, qu’il réponde au niveau de la demande étudiante, et qu’il soit adaptable en MOOC. Tous les sujets ne sont en effet pas susceptibles d’être adaptés en MOOCs. Cisel défend donc une certaine rentabilité, en plus de cette efficacité : les MOOCs doivent répondre à un besoin et à un rôle définis, et doivent être pensés comme un outil de formation et non de commercialisation.

Par ailleurs, il ne pense pas les MOOCs comme un nouveau système d’éducation voué à remplacer le système éducatif traditionnel. Il ne perçoit en effet aucune logique de substitution mais au contraire une logique de complémentarité. Selon lui, les MOOCs devraient être intégrés dans les cursus et formations. Les MOOCs pourraient être une nouvelle ressource à disponibilité autant des étudiants que des professeurs, permettant d’élever le niveau du cours et des compétences, trop souvent nivelé vers le bas. Les MOOCs sont révolutionnaires au sens où ils permettent aux formations à distance et en ligne, déjà existantes, de combiner deux notions très importantes, l’interactivité et l’ouverture. Ce n’est ni la pédagogie, ni la technologie qui confèrent aux MOOCs ce caractère révolutionnaire et innovant, mais leur accessibilité. Ils ont fait l’objet d’un buzz international, et soumettent désormais tous les établissements à une certaine pression.

Concernant le public visé, Mathieu Cisel confirme que les étudiants ne représentent que 10 à 15% de l’audience des MOOCs, cela qui s’explique notamment par le fait que les étudiants suivent déjà des cours et ont un emploi du temps suffisamment chargé pour ne pas en suivre d’autres. Cisel explique également que les chiffres présentant que seulement 5 à 20% des inscrits iraient jusqu’au bout d’un MOOC sont biaisés. En effet, beaucoup de personnes qui se rendent sur un MOOC, le font comme ils iraient sur n’importe quel site, et sont alors qualifiés de « touristes ». En fait, cela signifie que seulement 5 à 20 % des inscrits ont, dès leur première visite, l’intention de poursuivre le MOOC jusqu’au bout.

De nos jours, les MOOCs sont un enjeu fondamental dans l’éducation. En effet, ils sont un outil, un moyen pour redonner à l’étudiant son pouvoir d’orientation, en lui donnant plus d’autonomie dans le choix des cours et dans son parcours ; quoique cette liberté ne soit pas toujours désirée, voire redoutée, par les étudiants, souvent conservateurs.

Cisel nuance et relativise le terme emblématique des MOOCs, à savoir celui de démocratisation. Il explique qu’effectivement on ne peut entendre démocratisation, au sens où tout le monde sur Terre puisse avoir accès au MOOCs, cela est impossible. Cisel parle de démocratisation quant à la différence de proportion de personnes ayant accès à un enseignement avant et après la mise en place des MOOCs. De plus, démocratiser l’accès ne signifie pas en démocratiser l’usage : libre aux gens de les utiliser ou non, les MOOCs sont également un problème sociologique, toute est une question de pratique culturelle. Ainsi Cisel revient sur la pertinence de la polémique sur la fracture culturelle.

Par ailleurs, Mathieu Cisel ne croit pas en la perte de lien social, ou en tout cas en sa détérioration. Il pense que toute une question de scénarisation du MOOC, mais ne voit pas non plus le lien social comme un objectif des MOOCs, d’autant plus qu’à la faculté, le lien social est en soi déjà quasi inexistant. Il voit dans les MOOCs une possibilité de personnalisation, très faible dans le système actuel, au sens où pouvoir adapter son rythme est une forme de personnalisation, tout comme le sont le fait de choisir son parcours et de se créer un cursus.

Enfin a été abordé le problème de la certification. Suivre un MOOC demande du temps, cela représente environ 30h sur quatre semaines. Il est actuellement encore difficile d’établir un certificat, malgré les quelques propositions, mais Mathieu Cisel se place en faveur d’un certificat sélectif qui aurait plus de valeur et qui serait reconnu sur le marché du travail.

 

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