Introduction: peut on performer sans être dopé ?


 

Peut on gagner le Tour de France sans s’être dopé ? C’est la question que soulève ici Lance Armstrong, à la veille de l’épreuve reine du cyclisme. D’une manière plus générale, les performances des cyclistes sont sans cesse remises en cause, et subissent les doutes hérités d’une longue série d’affaires de dopage.

Les performances cyclistes s’insèrent dans une série d’évènements marquants sans cesse remobilisés par différents acteurs selon les affaires. Est ce vraiment le cas ? Pendant une longue période allant des années 90 à la fin de l’ère Armstrong, tous les champions ont en effet été déclarés positifs, de Bjarne Riis à Floyd Landis en passant par Marco Pantani, Miguel Indurain et bien évidemment Lance Armstrong. Est ce une raison pour stigmatiser les coureurs contemporains ? Les avis sont contrastés.

Certains journalistes préfèrent croire à un cyclisme devenu propre, où la lutte antidopage aurait enfin abouti à une équité sportive. C’est la position que défendait Jean Paul Ollivier, que nous avons eu l’occasion de rencontrer. Cet avis est évidemment loin de faire l’unanimité. Là où certains sont très pessimistes sur les performances actuelles, n’hésitant pas à publiquement lyncher le maillot jaune en plein Tour, à l’instar d’Antoine Vayer, ancien entraîneur dans l’équipe Festina, d’autres avancent une analyse plus modérée et qui semble être la plus communément adoptée: certes, le dopage a reculé, mais c’est surtout son intensité qui a diminué. Après être passé par un pic et une consommation totalement débridée de substances dopantes pendant les années 1990, le dopage s’est régulé. Malheureusement, il n’a pas disparu, il s’est simplement adapté aux nouveaux moyens de détections: les cyclistes doivent donc se contenter de micro-doses, qui leur permettent de conserver des teneurs en produits dopants inférieures au seuil de détection.

Le Tour, sportivement, est une course qui n’a plus de raison d’être.

Pierre Ballester, Libération- 15 Juillet 2015

Le niveau entre dopés et non-dopés s’est donc réduit. Sensiblement ? Le reportage de Stade 2, intitulé « L’expérience Interdite » ci-dessous est assez édifiant, il montre l’apport considérable des produits dopants, même à petites doses, sur des sportifs de haut niveau.

La lutte antidopage possède constamment un train de retard, les tricheurs rivalisant d’ingéniosité afin de continuer leurs méfaits. Si les moyens de détection actuels ne permettent pas d’empêcher systématiquement les transfusions, les hormones ou les injections d’EPO, ils permettent toutefois de réguler le dopage et d’empêcher trop de dérives. C’est en tout cas ce que nous a affirmé Christophe Bassons, ancien coureur chez Festina et aujourd’hui largement impliqué dans la lutte antidopage. Les instances antidopage sont elles mêmes remises en cause par certains journalistes. Pierre Ballester a ainsi mis en avant dans ces ouvrages une volonté d’étouffer les performances du septuple vainqueur de la Grande Boucle, ainsi que des conflits d’intérêt: un coureur peut il financer lui même les moyens de lutte contre le dopage ? Armstrong a ainsi lui même financé des moyens de détection, qu’il savait évidemment inefficaces sur ses propres tromperies.

Des reportages affirment aujourd’hui que de nouveaux produits tel l’AICAR sont sur le marché et le réinventent en changeant le type d’intervention: l’effet est désormais bien en amont de la performance de sorte que les apports du dopage sont plus difficiles à détecter.  Pire, on assiste aujourd’hui à l’émergence d’un nouveau type de dopage: le dopage mécanique, dont l’ampleur est encore inconnu. A nouveau, on trouve d’un côté les fervents supporters de la présomption d’innocence, affirmant que cela n’a jamais été prouvé et qu’il est indigent d’accuser des coureurs comme Fabian Cancellara sans preuve. Là où Jean Paul Ollivier nous défendait ce point de vue comme de nombreux observateurs, d’autres sont à l’inverse très critiques et n’hésite pas à lâcher un pavé dans la marre. C’est par exemple le cas de Cédric Vasseur, consultant pour France 2 expliquant qu’il avait l’impression que le vélo de Froome en 2015 tournait tout seul.

On en arrive donc à un point où le traitement de l’information devient capital: les journalistes ont en effet un grand pouvoir, celui de l’information. Aux yeux du grand public, leurs arguments ont souvent valeur de vérité, alors même que leurs avis sont parfois très contrastés sur le fond et sur la forme. Du journaliste d’investigation, au consultant mordu de vélo en passant par le consultant anciennement coureur, aujourd’hui accusé de dopage, les avis divergent fortement, tout comme leurs motivations profondes. Le rendu de la performance cycliste est donc un autre élément déterminant de notre controverse.

Pour aller plus loin, consulter notre rubrique « Le traitement de l’information dans le cyclisme »et « Du dopage mécanique au dopage biologique »

Par ailleurs, sur quoi les journalistes en question s’appuient ils pour rendre compte de la performance des cyclistes ? Sur le rendu visuel de leur performance ? On comprend facilement que l’observation d’une course ne saurait permettre à elle seule de dénoncer de manière objective et fondée le caractère authentique de la performance d’un coureur. Là où les équipes utilisent des capteurs de puissance pour calculer la puissance développée en watt, les journalistes n’y ont pas forcément accès. Et même si c’était le cas, l’objectivité des résultats publiés par une équipe qui a tout intérêt à disculper ses coureurs est discutable, comme le montre Frédéric Portoleau dans ces articles sur ChronoWatts.com. Des méthodes alternatives, dites indirectes, connaissent un essor sous l’impulsion de ce dernier et d’autres scientifiques comme Michele Ferrari ou Frédéric Grappe. Alors qu’Antoine Vayer utilise dans ses chroniques dans LeMonde les résultats de Frédéric Portoleau comme vérité absolue, d’autres soulignent l’intérêt de ce genre de méthode mais appellent à la prudence quant à l’exactitude des résultats. C’est avant tout un moyen de comparer les performances des coureurs les uns par rapport aux autres. Mais, est on dopé parce que l’on est meilleur qu’un athlète dopé ?

Pour aller plus loin, consulter notre rubrique « Les calculs scientifiques, un moyen crédible d’évaluer la performance ? »

Enfin le cyclisme est un milieu professionnel exigeant, qui impose à ses sportifs une compétition parfois jugée démesurée. Les performances des cyclistes sont elles liées à la pression qu’ils subissent ? Les avis sont encore une fois très contrastés. Jean Paul Ollivier explique ainsi que la pression n’est pas déterminante, qu’en tant que champion, un cycliste doit être capable de supporter la pression et qu’il n’en est pas un s’il n’en est pas capable. D’autre, comme Frédéric Grappe, chargé de la performance chez FDJ et donc entraineur de Thibault Pinot, reconnaissent que la pression sur les coureurs est importante, principalement de la part du public français qui attend le successeur de Bernard Hinault, près de 30 ans après la dernière victoire du Blaireau. Jean Paul Ollivier explique également que selon lui, le public attend avant tout des performeurs, des athlètes capables de voler dans les cols, et non des cyclistes propres. Comment expliquer alors le déchainement de haine contre Christopher Froome en 2015 suite à la grande suspicion qui pesait sur les performances de son équipe. Le public transcende, mais le public pousse t’il au dopage de par son exigence ? Enfin, il ne faut pas oublier la pression des sponsors: si Frédéric Grappe loue la patience de la FDJ qui a su patienter en l’absence de résultats, certains magnas du cyclisme comme Oleg Tinkoff n’ont notoirement pas la même patience à l’égard de leur équipe. La pression afin d’obtenir des résultats est alors à la hauteur des investissements préalablement consentis: très importante.

Pour aller plus loin, consulter notre rubrique « Les pressions du milieu: des cyclistes poussés à la performance ? »

A travers ce site, nous ne prétendons pas vous apporter la vérité sur les performances des cyclistes, mais simplement vous permettre d’entrer dans ce monde à part et de comprendre les rapports de force qui le régissent, pour ensuite pouvoir vous faire votre propre avis sur ce sport si controversé.

Finalement, pour aller plus loin consulter notre rubrique « Les perspectives de la controverse »

 

Christopher Froome ? Festina ? Vous ne connaissez que vaguement le cyclisme et souhaitez comprendre quelles sont les périodes clefs de ce sport et la manière dont il a évolué à travers les époques avant de pouvoir vous plonger dans nos analyses : notre rubrique historique est faite pour vous.

 

 

Les moments clés de la controverse résumés sur cette frise chronologique