Lancé sur un nombre restreint de zones, et sans cadre prédéfini d’évaluation des résultats, les vanguard areas mettent en valeur plusieurs aspects de la Big Society.

D’une part, les expérimentations illustrent les théories de la Big Society, notamment la consultation des citoyens, par référendum ou par intégration aux assemblées politiques locales, pour qu’ils puissent avancer leurs idées et exprimer les besoins qu’ils ressentent en termes de service publics. Leur intégration dans la vie de la communauté est reflétée par des projets qui sont encore poursuivis en 2016, et par un renforcement du nombre de charities et de bénévoles. La Big Society peut donc, en permettant aux citoyens de réaliser les projets qui leurs semblent importants, joueur un rôle catalyseur pour l’action sociale.

Peut-on pour autant conclure quant à la faisabilité de la Big Society sur toute l’Angleterre ? Le mode de sélection des vanguards, des régions volontaires où l’esprit de l’innovation sociale est présent avant le lancement de l’expérimentation, ne permet pas de répondre. Dans tous les cas, les vanguards sont conscientes d’être de bons élèves sur le plan du bénévolat ; à Sutton, on voit même dans ce statut une récompense pour l’investissement du tiers secteur. Ce ne sont donc pas des zones où on part de zéro pour mettre en place la politique.

L’absence de rapport gouvernemental sur ces vanguards, ou de mise en place d’un dispositif d’évaluation des résultats ou d’observation des problèmes rencontrés permet d’affirmer la chose suivante : les vanguards ne peuvent pas servir à démontrer la faisabilité ou non du projet de la Big Society dans d’autres régions. Par contre, les rapports écrits à l’échelle locale soulèvent les difficultés rencontrées : à Eden et à plus forte raison à Liverpool, la question du financement est en cause.

Les vanguards peuvent-elles alors être des modèles à suivre pour les autres communautés locales, des outils de promotion de la Big Society ? C’est ce qu’a par exemple laissé sous-entendre Greg Clark, ministre de la Décentralisation, en 2011 :

The reason we were keen to support the vanguard communities, if they did work, other councils could copy it. (Minister praises, 2011)

Mais y a-t-il réellement eu une communication autour de ces zones d’expérimentation ? L’absence de rapport gouvernemental donne une première réponse négative. De plus, la presse n’a pas fait grand cas des vanguard, hormis Liverpool, associée aux coupes budgétaires. Le graphique suivant montre la fréquence d’apparition des articles qui associent le terme « Big Society » spécifiquement à l’une des trois zones : Eden, Sutton ou Windsor ou Maidenhead[1].

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Nombre d’articles évoquant la Big Society dans les vanguards d’Eden, de Sutton, de Windsor et Maidenhead dans la presse britannique, entre 2010 et 2016. Source : Groupe « Big Society », Mines ParisTech, 2016. Réalisé avec Gargantext à partir d’un corpus constitué avec Europresse.

La quasi-totalité des articles date du lancement des vanguard areas, et ceux-ci sont peu nombreux. L’absence d’observation et de communication à grande échelle sur les résultats expérimentaux indique donc que les vanguards n’ont pas pu servir de modèle à d’autre communautés.

Comment expliquer cela ? L’échec de l’expérimentation à Liverpool a conforté, dans la presse, l’association de la Big Society et des coupes budgétaires, et le gouvernement n’a pas voulu faire valoir les résultats des vanguards. Ceci pourrait traduire une sorte d’égarement de la part du gouvernement : lancement d’un projet d’expérimentation destiné à démontrer immédiatement une capacité à agir, rapidement bloquée par des attaques, notamment sur les coupes budgétaires (Blond, 2016).

Comment Financer la Big Society ?

[1] Réalisé avec Gargantext à partir d’un corpus constitué avec Europresse. Équation de recherche : « big society » & ((eden>2) | (windsor >2) | (maidenhead>2) | (sutton>2)) », avec suppression d’articles parasites (Windsor est une métonymie pour le Parlement, Eden est un nom courant, …)