Un outil détourné de son objectif?

Le manque de contrôle autour du CIR est souligné de manière récurrente dans la mesure où ce manque de contrôle s’accompagne d’un risque de détournement du dispositif. Le CIR est-il un outil d’optimisation fiscale plutôt qu’une véritable aide aux projets scientifiques ?

Un manque de données

Le rapport sur le CIR de l’année 2013  réalisé par le MENESR a été publié seulement en mars 2016. Le temps de recueillir et de traiter les données relatives à ce crédit d’impôt est donc relativement long. Ainsi, de par le caractère récent des réformes effectuées, il y a un manque de recul et données suffisantes afin de conclure plus précisément à l’efficacité du CIR.

Par ailleurs, le secret fiscal pèse aussi sur la mise en public des chiffres relatifs au CIR. Le rapport au Sénat publié par le collectif Sciences en Marche relève ce problème : « Nous avons constaté que des données, qui pourraient se révéler pertinentes, n’étaient pas prises en considération car absentes […] Il est donc essentiel que les ministères concernés lèvent les verrous liés au secret fiscal et mettent à disposition des chercheurs qui en font la demande une version de GECIR et des enquêtes de R&D. » (le GECIR est la base du MENESR qui rassemble les chiffres relatifs au CIR) (CIR et R&D : efficacité du dispositif depuis la réforme de 2008, François Métivier, Patrick Lemaire, Ellen Riot , Rapport de Sciences en Marche à la Commission d’enquête sénatoriale sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays, avril 2015).

Un manque de contrôle

Le manque de contrôle dans les finances des projets qui bénéficient du CIR inquiète. Ainsi, Brigitte Gonthier-Maurin souligne le manque total de communication et de suivi de projet entre le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui contrôle la pertinence scientifique du projet et le Ministère de l’Économie et des Finances qui suit les déclarations fiscales purement chiffrées des entreprises.

Si des contrôles fiscaux sont effectués concernant le CIR, les entreprises déclarent elles-mêmes le temps que chaque employé accorde à un projet scientifique. Ce temps est compliqué à estimer et peut difficilement être contrôlé. Par conséquent, cela peut conduire à des comportements flottants de la part de certaines entreprises, comme montré dans l’extrait vidéo ci-dessous.

 

Le calcul du CIR par les entreprises, extrait de Spécial Investigations, Aides aux entreprises, le grand bluff, Jérôme Sesquin, mars 2016

Des stratégies d’optimisation fiscales qui restent légales

 Prenant en compte ce manque de contrôle, le rapport de la cour de Comptes de Juillet 2013 prévient que « Des stratégies d’optimisation, visant à maximiser l’avantage fiscal accordé au titre du CIR, peuvent se développer dans la durée. » (L’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, Communication à la commission des finances de l’assemblée nationale, Juillet 2013)

Il faut souligner le fait que tous les acteurs s’accordent à dire que, sauf cas exceptionnels, il n’y a pas de fraude fiscale au sens de contournement de la loi. En fait, les entreprises adoptent des stratégies qui leur permettent d’optimiser les montants qu’elles peuvent toucher grâce au CIR. Un exemple significatif est le cas de Renault exposé publiquement en 2015. Il s’est avéré que Renault avait créé des filiales sans aucun employé, afin de contourner le plafond des 100 millions d’euros maximum par filiale et de toucher ainsi plus de crédit d’impôt recherche au total. La vidéo ci-dessous est un reportage sur cette affaire.

L’œil du 20h, Optimisation fiscale : Renault ne cale pas sur le Crédit Impôt Recherche, France TV Info,

6 mai 2015.

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Les cabinets de conseil profitent-ils du dispositif ?

Sciences en Marche et Brigitte Gonthier-Maurin dénoncent la prolifération de cabinets de conseil ponctionnant de 10% à 30% du montant du CIR finalement accordé à l’entreprise. En ce sens, le crédit d’impôt est détourné de son objectif initial de développement de la recherche. Le MENESR perçoit plutôt le phénomène comme un coup marketing opéré par les groupes de consulting et rappelle que si les factures ont atteint 30% du CIR, le marché est aujourd’hui stabilisé à 15% environ. La sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin précise qu’elle a rencontré dans le cadre de la commission sénatoriale des PME qui se sont vues refuser l’aide d’un cabinet de conseil, car le montant du CIR potentiel était trop faible.

Franck Debauge, directeur associé d’ACIES Consulting Group affirme quant à lui qu’il ne fait que répondre à la demande des entreprises et que son cabinet permet de leur en faciliter l’accès.

En 2015, L’État a publié une liste de cabinets « sérieux » pour limiter les abus et recréer un état de confiance entre entreprises et acteurs du consulting. (Les sept acteurs de conseil en CIR et CII référencés, Médiation Inter-Entreprises, 27/07/2015)