La mise sous surveillance, comment ça marche ?

Cette loi entrée en vigueur depuis maintenant dix mois a déclenché des débats concernant les nouveaux détenteurs de la prise de décision de l’autorisation et du maintien de l’utilisation destehcniques de renseignement. En effet,la loi sur le renseignement permet à deux entités de déterminer les cibles du Renseignement : le Premier ministre et la CNCTR (la Commission Nationale du contrôle des techniques du renseignement) ; nous allons préciser quels en sont les enjeux ci-dessous.
Auparavant, la CNCIS (Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité) était la principale entité en charge de cette mission. Lors de la création des premières lois sur la surveillance en 1991, la Cour européenne des droits de l’homme avait exigé la création d’un organisme de recours pour les citoyens surveillés. C’est à cette occasion que la CNCIS avait été mise en place, et la CNCTR s’inscrit dans cette continuité. Ceci est un grand bouleversement dans l’ordre établi, du fait de la moindre importance actuelle des magistrats, anciens décideurs principaux pouvant bloquer des dossiers. Sur ce point, la syndicat de la magistrature s’est exprimé par la voix de sa présidente Virginie Duval; il déplore ainsi un contrôle inexistant et l’absence de juges de poids qui pourraient contrôler les mesures  de  surveillance.

Deux éléments majeurs sont particulièrement mis en cause dans la façon dont la loi est rédigée. Ces derniers portent sur la position consultative de la CNCTR et la requête possible des particuliers se pensant sur écoute.

Pour ce qui est du premier point, le texte de loi insiste sur plusieurs aspects. Dès le premier chapitre du titre II, l’article premier pose les fondements de la loi :

« Art. L. 821-1. – La mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre est soumise à autorisation préalable du Premier ministre.

Les autorisations sont délivrées, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par le Premier ministre ou l’une des six personnes spécialement déléguées par lui. »

Toute demande d’autorisation de techniques de renseignement est traitée dans les 24 heures par le président de la commission, qui transmet sa réponse immédiatement au Premier Ministre. Celui-ci décide alors de parvenir ou non à la requête, en donnant sa décision à la CNCTR; ce dernier choix est enregistré par les services du Premier Ministre.

Le point précis de discussion se concentre sur la prise de décision dans l’urgence. En effet, d’après ses détracteurs, le principal défaut de la CNCTR est qu’elle ne peut réagir qu’après la prise de décision dans les cas d’urgence absolue. C’est-à-dire que dans certains cas, le Premier Ministre peut délivrer une autorisation sans l’avis de la CNCTR. Elle n’aurait donc qu’un rôle consultatif en ne rendant un « avis » qu’après coup.

La loi parle explicitement de ce cas de figure. « En cas d’urgence liée à la menace imminente ou à un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement, le dispositif mentionné au premier alinéa peut être installé et exploité […] sans autorisation préalable. ». Le Premier Ministre et la CNCTR sont alors prévenus dans la foulée, la commission statuant dans les 48 heures. C’est alors que le Premier Ministre décide de suivre ou non la décision de la commission. S’il va à l’encontre d’un cas jugé illégal par la CNCTR, il doit s’en justifier auprès de cette dernière mais il garde toujours la dernière décision. L’Union Syndicale des Magistrats dénonce ainsi « les pouvoirs exorbitants donnés au Premier Ministre pour autoriser la mise en oeuvre des dispositifs de renseignement. Le Conseil d’Etat est par la suite saisi par au moins deux membres de la CNCTR et statuera sur ce litige. Le processus qui est ici contesté n’est donc pas ce recours au Conseil d’Etat mais bien le fait que le Premier Ministre puisse malgré tout choisir de poursuivre des écoutes qui ont été jugées illégales par la commission prévue à cet effet et par-là décrite comme inefficace et purement consultative. Generationlibre critique dans cette idée l’absence de séparation des pouvoirs et voudrait rappeler le rôle de l’autorité judiciaire.

Un autre rôle de la CNCTR est de répondre aux requêtes des particuliers. Si une personne se pense surveillée sans motif valable, des recours ont été mis en place par les législateurs. Le dispositif prévu par la loi est d’abord un appel à la CNCTR, puis éventuellement un recours devant le Conseil d’Etat. Pour pouvoir demander un tel recours, il doit vérifier avoir « un intérêt direct et personnel et justifiant de la mise en œuvre préalable de la procédure prévue à l’article L. 833-3 ». Or, selon les défenseurs des droits de l’Homme tels que Amnesty International sur son site web, « Il sera très difficile, voire impossible, pour les gens de savoir s’ils sont illégalement espionnés, ou pour les lanceurs d’alerte d’exposer les abus des agences de renseignement. ». De même, les mesures de surveillance des services de renseignement étant par nature secrètes, et la faculté de justifier d’un intérêt direct et personnel restant hypothétique, le Défenseur des droits – Institution créée par l’Etat en 2011- relève des difficultés de procédure pour exercer effectivement ce recours. En effet, cette institution indépendante se demande comment une personne se pensant surveillée pourrait utiliser ce recours sans informations lui permettant de contester la légalité et la proportionnalité de la mesure, sans instruction écrite et sans avoir accès aux pièces du dossier.