Un casse-tête financier

La mise en application de la loi sur le renseignement implique des efforts économiques pour obtenir une certaine efficacité.

Cela transparaît sous différentes formes : l’augmentation des ressources allouées aux services de renseignement, l’embauche de nouveau personnel, l’installation de nouveau matériel, le traitement des informations ainsi que leur stockage. L’ensemble de ses dépenses est la cible de nombreuses critiques : le texte de loi n’évoque nullement les sources de ces financements; un des seuls indices du coût concerne le fait que la CNCTR aura des missions plus élargies que l’ancienne CNCIS. Il est donc explicité que la nouvelle commission aura plus de moyens mais rien n’est dit concernant ses coûts.

Pourtant, la loi organique du 15 avril 2015 stipule que tout projet de loi doit détailler « une évaluation des conséquences économiques, financières (…)  ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées « . C’est ainsi que Emile Heitor, directeur technique de NBS System, explique que « L’équipement requis pour effectuer effectivement une interception massive globale d’un hébergeur voire d’un FAI est colossal, avec une capacité de traitements de centaines de giga-octets par seconde. Les coûts associés à cette loi pour le gouvernement seraient colossaux. ». Pour réussir à traiter correctement toutes les données que les boîtes noires sont en mesure de fournir, le gouvernement serait incapable de lever les fonds nécessaires au recrutement en nombre suffisant de matériel et personnel qualifié.

Parallèlement, la mise en place des algorithmes auprès des opérateurs suscitent plusieurs interrogations relatives à leur coût et leur remboursement par l’Etat français. En effet, un certain flou reste présent das la loi et d’autres acteurs seraient appelés en renfort pour suppléer les services surchargés ou inadaptés de l’Etat. Les opérateurs – tels que Ikoula et NBS System, estiment qu’eux-mêmes contribueraient à l’installation de ces dispositifs pour ensuite donner une facture à l’Etat. Cependant, des opérateurs de télécom craignent que seuls quelques pourcents seront couverts. Le gouvernement sur ce sujet a avancé le chiffre de 15 millions d’euros pour le budget d’indemnisation des opérateurs, en soulignant effectivement que l’impact sur l’activité des opérateurs restait difficile à évaluer.

Selon l’organisme Ni pigeons ni espions, la loi risque d’aller plus loin encore en faisant fuir les clients internationaux des entrepreneurs du numérique français, poussant ceux-ci à déplacer leurs activités à l’étranger. Ainsi, suite à l’examen du projet de loi le 17 avril 2015, plusieurs hébergeurs français -UE.ORG, Altern et l’Internet Libre – ont annoncé la fermeture de leurs services en France pour aller s’installer à l’étranger. L’ensemble du secteur pourrait être touché par cette fuite des investisseurs et clients, causant une chute de la croissance de ce milieu en pleine expansion.