Consommation énergétique

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Les concepteurs de la tour Triangle vantent les qualités environnementales de ce projet de 42 étages, abritant 80 000 m² de bureaux.

Le site du projet Triangle 2 promet des surfaces de bureaux qui consomment moins de 50 kWh/m2/an soit 4 fois moins que la moyenne du parc tertiaire existant (230 kWh/m²/an), et une consommation par poste de travail 6 fois inférieure à la moyenne du parc haussmannien (en prenant en compte la faible densité d’occupation des immeubles haussmanniens : entre 25 et 30 m² par poste) et une performance meilleure de 40% par rapport à la réglementation thermique 2012 (loi Grenelle).

En Mars 2016, ces informations nous ont été confirmé lors d’un entretien avec Vincent Jean-Pierre, du groupe Unibail: pour ce qui est de l’aspect énergétique, Unibail maintient aujourd’hui encore que la Tour Triangle respectera non seulement les normes en vigueur avec des indices Bbio et CEP inférieurs à ceux imposés par la loi, mais que le groupe va plus loin en mandatant des cabinets privés pour obtenir des certifications écologiques encore plus contraignantes, avec des évaluations BREEAM, le label BEPOS et la certification Well (concernant le bien-­être des occupants).

Jean-Louis Missika, maire-adjoint chargé de l’urbanisme, soutient également que le projet Tout Triangle fait appel à la géothermie pour la moitié de ses besoins et respecte le plan climat, avec une consommation prévisionnelle de 48,8 kWh/m²/ an (calcul règlementaire).

Pour ce faire, le site du projet met en avant des solutions innovantes : des façades bioclimatiques dites « façades double peau » qui garantissent que seulement 7% de la chaleur du soleil pénètre dans le bâtiment l’été (contre 25% pour les meilleures façades simple peau) ; l’utilisation de la géothermie sur nappe qui couvre plus de 50% des besoins annuels de chaud et de froid ; la récupération de chaleur sur l’air extrait grâce à laquelle plus de 70% de la chaleur de l’air extrait est récupérée ; l’utilisation du chauffage et rafraîchissement par un plafond radiant avec utilisation de l’inertie du béton pour retarder les besoins de froid ; la récupération d’énergie sur les mouvements des ascenseurs ; la mutualisation des besoins entre les surfaces d’hôtel et les surfaces de bureaux ; la mise en place de panneaux solaires thermiques pour couvrir une grande partie des besoins en eau chaude sanitaire des restaurants ; l’utilisation de l’intelligence des systèmes techniques pour ne consommer que le strict nécessaire, c’est à dire l’utilisation de la domotique avec la généralisation de détecteurs de présence, de sondes de luminosité et de sondes CO2 dans les salles de réunion par exemple ; et enfin la mise en place des luminaires gradables qui s’adaptent parfaitement aux besoins réels en éclairage artificiel.

Ceci ne convainc pas les opposants au projet, d’une part parce qu’ils ne croient pas aux chiffres de consommation énergétique avancés, et d’autre part parce qu’ils estiment que certains choix qui ont été faits sont anti-écologiques.

Concernant les chiffres avancés, il ne sont pas vérifiables avant que la Tour ne soit livrée et en fonctionnement. Ainsi, Olivier Sidler, fondateur du cabinet Enertech, spécialiste de la consommation énergétique des bâtiments affirme en Novembre 2014, que « Ce n’est pas la première tour qui se revendique de performances qu’elle n’a jamais eues ». Il affirme qu’il y a toujours un écart constaté entre la consommation réelle des bâtiments et le “calcul réglementaire”, qui ne prend pas en compte la consommation des ascenseurs, par exemple. L’approche la plus commune pour discuter de la consommation énergétique est alors la comparaison au parc existant. Thierry Paquot, “philosophe de l’urbain” et auteur en 2008 de la Folie des hauteurs explique que “[Les tours] les plus anciennes consomment 1.500 kw/h/m2/an, les plus performantes aujourd’hui affichent un score de 60 et le Grenelle de l’environnement préconise 50kw/h/m2/an à partir de 2020″, ce qui lui fait conclure que les tours ne sont pas écologiques. L’architecte Françoise-Hélène affirme que « les tours de la Défense consomment entre 500 et 1 000 kWh/m²/ an, un peu moins pour les plus récentes », et arrive à la même conclusion. Le bureau d’études Manexi fait quand à lui ses propres calculs et donne un résultat moyen de consommation de 588 kWh/ m²/ an pour les tours de la défense. Pour Olivier Cousson, responsable énergie du cabinet, “ces consommations ne crèvent pas le plafond par rapport au parc privé parisien de bureaux ». Dans ce débat où tout tourne autour de promesses et de prévisions, le groupe Unibail-Rodamco possède un argument de poids : la Tour Majunga. Erigée en 2015. Construite par le groupe Unibail, elle a obtenu les certifications HQE et BREEAM au niveau “Excellent”. Cela n’empêche pas Olivier Rigaud, coordinateur du collectif contre la Tour Triangle, de rester sceptique et d’aller jusqu’à dénoncer un tour de passe-passe réglementaire : il estime que le bail de 80 ans dont fait l’objet la Tour, est une facilité qui lui permet d’être déclarée bâtiment privé et de ne pas respecter les normes des bâtiments publics.

En plus de ces questions de consommation, l’utilisation de matériaux particulièrement sophistiqués nécessaires à la construction des tours fait craindre aux opposants de grandes dépenses énergétiques qui ne seraient pas prises en compte par les calculs mentionnés plus haut. Dans l’ouvrage déjà cité, Thierry Paquot estime que “Le coût énergétique pour produire les matériaux de construction, les aciers, les vitrages ultra sophistiqués concourent à rendre le modèle écologiquement discutable”. Il est important de préciser que les certifications évoquées prennent en compte les dépenses énergétiques de la construction jusqu’au recyclage, en passant par l’entretien.

Il est aussi expliqué que la forme triangle si caractéristique est elle même anti-écologique. Elle se présente comme une tour de verre transparente énergivore (chauffage, climatisation, aération…), dont la suppression du toit, par sa forme, la prive, par exemple, de la possibilité d’installer des panneaux photovoltaïques (Paris s’est engagée à en poser 200 000 m2 cette année), ou une toiture-terrasse végétale. A cet argument, Vincent Jean-Pierre répond lors de l’entretien réalisé que le toit ne disparaît pas du fait de la forme : il est simplement échelonné et réparti sur l’ensemble des étages.

Ainsi, la question du caractère écologique de la Tour est avant tout une question de confiance : confiance en les méthodes d’expertise et confiance en la capacité des constructeurs à réaliser leurs promesses. Cette confiance n’est pas partagée par tous.

Crédit photo (c) image en libre service, pixabay.com

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