Le DSM-5

Le DSM-5

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JPG, 300 × 406. Disponible ici. Consulté le 7 juin 2016.

Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, en français « Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux », et plus connu sous son acronyme  « DSM », est l’ouvrage de référence international traitant des troubles mentaux. Publié par la Société Américaine de Psychiatrie, la reconnaissance de ce manuel dépasse néanmoins largement les frontières américaines et médicales.

Créé par la Société Américaine de Psychiatrie en 1952 sous sa première version, il ne classifie alors que 60 pathologies et a pour vocation de « standardiser » les diagnostics des praticiens. En un de mot, le but est de créer un « dictionnaire » concernant les troubles mentaux, afin que les chercheurs et praticiens puissent parler avec les mêmes termes d’une maladie.
Depuis, le DSM a connu six nouvelles éditions dont la dernière date de 2013. Il comporte aujourd’hui plus de 400 pathologies et est utilisé par des acteurs variés du monde entier qui ne sont pas nécessairement  liés au domaine médical. Cliniciens et chercheurs bien sûr, mais aussi sociétés d’assurance et pouvoirs publics, l’utilisent pour différentes raisons. Un des combats de Richard Gardner, a été la tentative d’inscrire le Syndrome d’Aliénation Parentale dans le DSM.

 

Lutte pour l’intégration du SAP dans le DSM-5

Avec l’arrivée du DSM-5, de nombreux spécialistes ont pris position en faveur de son intégration dans le manuel. Avec le DSM-4, l’aliénation parentale n’est pas considérée comme une maladie mentale, mais comme la conséquence d’une relation disfonctionnelle entre les parents. Cette dernière étant souvent causée par un trouble de la personnalité chez le parent aliénant, les cas extrêmes peuvent être soignés par des psychiatres.

Mais de nombreux professionnels de la santé jugent que cette méthode n’est pas suffisamment efficace. Pour le psychiatre américain D.F. Lowenstein, l’aliénation parentale est systématiquement liée à des troubles psychiatriques forts : paranoïa, abus émotionnel et délire dans les cas extrêmes. Les tests psychologiques qu’il a fait sur des patients étant jugés par la justice comme des parents aliénants prouvent en effet qu’ils sont plus névrotiques et psychotiques, et moins empathiques que la moyenne. Il demande que le SAP ait le même statut que la dépression dans le DSM-4, c’est-à-dire que seule l’aliénation extrême soit reconnue.

En octobre 2008, un premier groupe de psychiatres et de spécialistes médicaux font une demande à la American Psychiatric Association, qui commence à préparer le DSM-5. Cette requête est jugée assez fragile par la communauté scientifique, c’est pourquoi elle est suivie en mars 2010 d’une seconde demande, appuyée par plus de soixante-dix spécialistes, et dirigé par William Bernet. Elle résume les raisons qui pousseraient à l’inclusion de SAP dans le DSM-5 :

  • On observe les symptômes suivants : désordre de l’attachement, désordre relationnel et désordre dimensionnel
  • L’aliénation parentale était décrite bien avant le SAP
  • Entre 1980 et 2000, six groupes de chercheurs, indépendants et dans plusieurs pays, sont arrivés à la même définition du SAP
  • Les résultats trouvés s’appliquent parfaitement aux personnes étant communément admises comme aliénant l’enfant
  • Malgré les débats sur le nom et la forme, l’aliénation parentale est reconnue par presque tous les spécialistes du domaine
  • Les statistiques obtenues permettent de définir sa fréquence : près de 1% des enfants américains subissent l’aliénation parentale
  • Le SAP a été discuté par les spécialistes scientifiques, légaux, et dans le domaine public avec la presse
  • Les dégâts à longs termes sur l’enfants sont souvent graves et présents dans le DSM
  • Si le SAP est ajouté au DSM, il sera plus compliqué de l’utiliser pour masquer des abus sexuels ou des violences sur l’enfant, car le diagnostic sera plus sérieux et précis.

Un autre argument souvent avancé mais absent de ce rapport est lié au traitement du SAP. En effet, les dommages sur l’enfant sont sévères, et nécessitent des soins efficaces mobilisant de nombreux spécialistes sociaux et psychiatriques. Des structures d’accueil adaptées sont aussi nécessaires pour régler le conflit parental concernant la garde de l’enfant. Enfin, des outils de diagnostics et de prévention devraient selon eux être mis en place pour détecter les problèmes le plus tôt possible. La reconnaissance du SAP dans le DSM-5 devrait légitimer les démarches et forcer une prise de conscience des cours de justice.

Pour faire valoir leurs arguments, de nombreux psychiatres ont défilés, en France mais surtout aux Etats-Unis, pour défendre l’inclusion du SAP dans le DSM.  En 2001, Richard Gardner mène un groupe de psychologues manifestant pour que le SAP soit considéré comme un trouble mental par la Société Américaine de Psychiatrie, en vain.

 

Les opposants à l’inscription du SAP

Cependant, cet opinion est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique. Des psychiatres reconnus, comme Maurice Berger, se placent assez tôt dans l’opposition de  cette mouvance pro-intégration. Il affirme que la théorie de l’aliénation parentale est utilisée par les experts psychiatriques pour masquer la complexités et la variété des problèmes pouvant donner lieu à une telle situation. Le manque de recherche sur le sujet est aussi pointé du doigt par ceux qui ne veulent pas l’intégrer dans le DSM.

Mais le principal argument avancé correspond à la déformation du concept par le public et les associations engagées pour ou contre le SAP. Selon Maurice Berger, l’aliénation parentale est utilisée dans les deux camps comme un argument politique. Le SAP aurait alors perdu son intégrité scientifique, et peut être utilisé de manière abusive dans de nombreux cas (voir notamment une définition élargie du SAP par l’espace public).

 

Le SAP n’est pas inscrit dans le DSM-5

En 2011, la place éventuelle du SAP dans le DSM-5, sorti en 2013, a relancé les débats sur la reconnaissance ou non du SAP comme une pathologie médicale. Néanmoins, les discussions ont majoritairement quitté le cadre académique dans lequel Gardner, Bernet et les autres psychiatres ont tenté de définir et démontrer l’existence du SAP.
En effet le coeur du débat n’est plus tellement de savoir si le SAP est une pathologie mais plutôt quelles seraient les conséquences de son inscription dans le DSM ? L’opinion publique s’est littéralement emparée de cette affaire et influence sans aucun doute les experts du monde scientifique. Pour certains, la reconnaissance du SAP conduirait à des stratégies abusives pour défendre les auteurs de violences sur les enfants. Diagnostiquer le SAP est délicat et controversé, et son utilisation pourrait entraîner des erreurs de jugement dans de nombreux cas selon l’opposition.

Paul Bensussan le disait déjà dans un article de l’Express paru en début d’année 2013 : « Le syndrome d’ aliénation parentale ne figurera probablement pas dans le DSM-5 ». La cause étant selon lui cette passion qui anime le débat et rend difficile une étude purement scientifique du syndrome.
Le comité en charge de la rédaction du DSM-5 annoncera finalement que le SAP n’y sera pas inclus, car déjà indirectement présent via d’autres pathologies inscrites dans le DSM.