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Quelles conséquences aurait eu un défaut grec ?

Avant d’examiner les différentes conséquences économiques sociales et politiques d’un Grexit, il est nécessaire de revenir sur le défaut de paiement qu’a vécu la Grèce en 2015 et sur son statut particulier dans l’histoire économique.

La Grèce échappe de peu au défaut de paiement et à la banqueroute en juillet 2015.

Yanis Varoufakis, ministre grec des Finances et Christine Lagarde, directrice du FMI
Yanis Varoufakis, ministre grec des Finances et Christine Lagarde, directrice du FMI

En 2015, après l’incapacité de la Grèce d’honorer le paiement de l’échéance du FMI le 30 juin 2015, la Grèce est alors techniquement en défaut. Selon Klaus Regling, président du Fonds européen de stabilité financière, cette situation est préoccupante : « Ce défaut est une cause de grave inquiétude. Cela rompt l’engagement pris par la Grèce d’honorer ses obligations financières et ouvre la voie à de sévères conséquences pour l’économie et le peuple grec. »[1] A cet instant, la Grèce doit en effet 1,6 milliards d’euros au FMI et la Grèce ne peut dès lors plus remplir ses obligations financières auprès de ses créanciers. La Grèce devient alors le premier pays développé à être dans l’incapacité à rembourser le FMI, les seuls pays n’ayant pas réussi à le rembourser étant la Somalie et le Soudan. D’autres économistes restent néanmoins plus optimistes. Ainsi, Jesus Castillo, économiste chez Natixis, explique qu’un pays, «même en situation de défaut de paiement peut à tout moment régulariser sa situation en payant son arriéré. Le FMI ne refusera jamais de trouver une solution avec un pays qui souhaite régulariser sa situation. A cette condition, la Grèce pourra de nouveau contracter des prêts auprès du FMI mais dans le cadre d’un nouveau programme. » [2] La Grèce échappe néanmoins à ce défaut de paiement grâce à un nouveau plan d’aide de l’Eurogroupe. Athènes reçoit ainsi une ligne de financement européen de 7 milliards d’euros pour honorer les échéances de juillet 2015. Quelques jours après cet accord, l’Eurogroupe donne officiellement son feu vert pour un troisième plan d’aide, 82 à 86 milliards d’euros sur trois ans, qui viendra s’ajouter aux deux précédents de 2010 et 2012, soit un montant total de 240 milliards d’euros. [3]

Défaut de paiement et crise économique, la Grèce est-elle un cas à part dans l’histoire économique ?

L’histoire nous montre que certaines crises financières particulièrement importantes ont été provoquées par des défauts de paiement. La présidente argentine Cristina Kirchner a en effet comparé, en juillet 2015, la crise grecque au défaut de son pays en 2001, qui fut l’un des défauts de paiement les plus significatifs, en déclarant : « Ce que vit le peuple grec correspond exactement à ce que nous, Argentins, avons vécu en 2001 : les conséquences de politiques terribles, néolibérales, d’ajustements permanents qui entraînent vers la misère, la faim et le chômage » Le défaut de paiement de l’Argentine n’a pas été sans conséquences. Les États peuvent en effet être soumis à des sanctions internationales ou être exclus des marchés financiers et ne plus pouvoir y emprunter. L’Argentine reste encore à ce jour exclue des marchés financiers.Cependant la Grèce se distingue de l’Argentine et de ses prédécesseurs, selon Raphaëlle André, journaliste au Figaro. Cette différence réside essentiellement dans la nature publique de ses créanciers. La restructuration de la dette grecque en 2012 a consisté à remplacer les détenteurs de dette grecque privés par des Institution publiques, ce que souligne Guillaume Daudin, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et chercheur associé à l’OFCE : «Actuellement, les créanciers de la Grèce sont soit des États, soit des institutions internationales comme le Fonds monétaire international ou la Banque centrale européenne». Il rajouté que «c’est une chance car il est plus facile de négocier avec le FMI qu’avec des créanciers du secteur privé comme c’était le cas pour l’Argentine».[4]


Les conséquences économiques pour la Grèce d’une faillite et d’une sortie de la zone euro.

Selon Dominique Venetsanopoulos, journaliste auprès de l’ISLA Journal of International and Comparative Law, la Grèce a profité économiquement de la zone euro, mais elle a aussi souffert du chômage et des contestations sociales. La Grèce a toujours été un pays exportateur (miel, fromage, huile d’olive…), mais depuis

En Grèce, le street-art reflète la crise
En Grèce, le street-art reflète la crise

son adhésion à l’euro, la Grèce a développé ses importations de produits agricoles et de produits manufacturés. Le problème réside, selon elle, dans le fait que les produits importés sont bien plus chers que les produits exportés, ce qui crée une balance commerciale négative. Pour combler ce déséquilibre, la Grèce a utilisé de nombreux crédits de la part de l’Europe. Elle bénéficie aussi de larges rentrées d’argent par le tourisme, qui contribue à une part importante du PIB, rajoute t-elle. Ainsi, en entrant dans la zone euro, la Grèce est devenue très dépendante des autres pays européens et de leurs financements pour importer des produits.

Si la Grèce était amenée à la faillite, ce transfert de financements serait interrompu. Selon Eric Dor, responsable des études économiques à l’IESEG, si la BCE coupaient les fonds versés à la Grèce, « les dirigeants grecs feront tout pour gagner du temps. D’abord ils tenteront probablement de mettre en place un contrôle strict des capitaux, au travers une limitation des retraits en espèces et des virements à l’étranger. Puis, ils pourraient émettre une monnaie alternative, pour payer notamment les salaires des fonctionnaires et les retraites »[5] Il rajoute qu’ « en l’absence d’accord avec les créanciers, la sortie de la zone euro serait inévitable. » Sans ces aides, la Grèce aurait dès lors des problèmes pour rembourser sa dette et pour compenser son déséquilibre commercial.

En cas de sortie de l’euro, la Grèce devrait créer sa propre monnaie et revenir ainsi à la drachme. Selon Dominique Venetsanopoulos toutes les industries grecques ayant des dettes envers des Institutions européennes ne pourraient pas les rembourser avec cette monnaie, ce qui aboutirait à l’insolvabilité des entreprises grecques, ce qui entraînerait une récession importante. Eric Dor confirme en effet cette idée en soulignant que « la nouvelle drachme dévaluerait fortement face à la monnaie unique, ce qui rendrait la Grèce incapable de rembourser sa dette publique, toujours libellée en euros. On assisterait donc à un défaut généralisé du pays vis-à-vis de l’ensemble des créanciers. » Il soutient ainsi que cela entraînera une hyperinflation des produits importés et « le pays plongera à coup sûr dans une nouvelle récession, bien plus sévère que celle qui perdure depuis 2008. » Jean-Marc Daniel confirme ce point de vue en affirmant son opposition au Grexit et en soulignant que pour la Grèce, «  cela conduirait à un enchaînement inflation/dévaluation qui effacerait certes la dette publique mais appauvrirait durablement le pays. »[6]

Selon Dominique Venetsanopoulos, la Grèce aurait dès lors de nouveau besoin d’une aide financière, notamment de l’UE ou du Fonds monétaire international (FMI) pour lui permettre de réaliser ses importations et pour recapitaliser son système bancaire.[7] La Grèce pourra néanmoins être à moyen terme plus compétitive grâce à l’effondrement de la drachme mais Eric Dor soutient que « d’ici là, la Grèce sera redevenue un pays du tiers monde. »

Les conséquences sociales d’un Grexit

Selon Catherine Chatignoux, journaliste chez les Echos, le choc d’un Grexit risque d’être pire pour la population que ce qu’elle a enduré jusqu’ici avec les plans d’austérité. Les conséquences des restrictions des importations de la Grèce sont déjà perceptibles : réduction de nombreux produits de la vie courante, de médicaments et des coupures de courant. Les contestations sociales risquent ainsi d’augmenter fortement. En 2013, un Grec sur trois vivait en dessous du seuil de pauvreté.[8]

Les conséquences d’un Grexit  pour la politique grecque

Depuis le début de la crise grecque, l’échiquier politique a vu l’émergence progressive de nouveaux partis, parmi lesquels le parti d’extrême droite L’Aube Dorée. Ce parti n’a jamais été marginalisé par les autorités grecques. Selon le journaliste Dimitris Psarras, l’origine du Livre Noir d’Aube Dorée :

Nikos Michaloliakos devant l’insigne de son parti “L’Aube Dorée”

« Contrairement àce qui se passe avec des organisations similaires dans la plupart des pays européens, Aube dorée n’a jamais été une organisation marginale, un parti paria, avec qui personne ne voulait traiter ; malgré de faibles résultats électoraux et en dépit des aventures judiciaires de ses cadres et malgré le fait que cette organisation croit au national-socialisme et utilise la violence comme mode d’action, il n’y a jamais eu en Grèce de « cordon sanitaire ». La crise grecque a permis, selon lui, au parti de se développer. Il explique en effet que « son succès électoral a ouvert les portes toutes grandes à de nouveaux membres qui, jusqu’à récemment, ne portaient pas les stigmates de l’extrême droite »[9]. Il entre en 2012 lors des élections législatives au sein de la Vouli, le parlement grec. Il obtient 6,99 % des suffrages lors des élections législatives de septembre 2015 et devient alors la 3e force politique du pays en obtenant 18 sièges au sein du parlement, derrière SYRIZA, la coalition de gauche radicale, avec 145 sièges et le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) avec 75 sièges. Ce parti est qualifié de « néonazi », bien qu’officiellement il ne se déclare qu’anti-immigration et antisystème. Ainsi selon le journaliste George Sefertzis : « Ce n’est pas l’idéologie extrémiste et raciste qui a permis l’incroyable essor d’Aube dorée, mais son discours radicalement antisystème. »[9] Son logo fait pourtant référence à la croix gammée et ses partisans tiennent des propos négationnistes et antisémites. Nikólaos Michaloliákos, fondateur du parti, s’est fait remarquer en faisant un salut nazi au conseil municipal d’Athènes, où il a été élu en novembre 2010. L’Aube Dorée a par ailleurs toujours défendu le Grexit.[10] Certains de ses membres ont été incarcérés et le parti a été mis à mal judiciairement ces dernières années, ce que souligne Vassiliki Georgiadou, professeur de sciences politiques à l’université Panteion d’Athènes, car selon lui ces procédures judiciaires ont eu un fort impact électoral : « Sans cela, ils seraient à 15% […] Le parti n’est plus dans les quartiers ou les écoles comme avant, et il n’est plus aussi actif… Mais il mettra du temps à disparaître car il était très soutenu. »[11]

Ainsi en cas de Grexit, il s’agira de savoir qui pourra gouverner la Grèce pour assurer la sortie de la Grèce de la zone euro. Selon le journaliste Gabriel Colletis, L’Aube Dorée risque d’être le seul parti crédible, dans la mesure où ce dernier s’était toujours battu pour faire sortir la Grèce de la zone euro.[12]

[1] La Grèce officiellement déclarée en défaut de paiement, Le Monde, 03/07/2015
[2] GOLLA, Mathilde. La Grèce se retrouve dans la situation du Soudan et de la Somalie. Le Figaro. 01/07/2015
[3] CHEYVIALLE, Anne. La Grèce échappe de peu au défaut de paiement. Le Figaro. 17/07/2015
[4] ANDRE, Raphaëlle. Des dizaines de pays se sont déjà retrouvés en faillite. 01/07/2015
[5] LE BARS, Thomas. Quelles seraient les conséquences d’une faillite de la Grèce ? Capital.fr. 15/06/2015
[6] RABREAU, Marine. Grexit ou pas Grexit, ce qu’en pensent les économistes. Le Figaro. 22/07/2015
[7] VENETSANOPOULOS, Dominique. The trillion-dollar question: can greece be saved? ILSA Journal of International & Comparative Law
[8] CHATIGNOUX, Catherine. LACOUR, Jean-Philippe. BAUER, Anne et FAY, Pierrick. Le Grexit en 10 questions. Les Echos. 09/07/2015
[9] Rémy P. Aube dorée : origine et développement d’un parti néonazi. Mediapart. 30/10/2013
[10] PSARRAS, Dimitris. La montée du parti d’extrême droite Aube Dorée en Grèce, Mobilisation néonazie à l’heure de la crise. Rosa Luxembourg Stiftung
[11] GAILLARD, Barthélémy. Grèce, que devient le parti Aube Dorée ? Europe 1. 25/01/2015
[12] COLLETIS, Gabriel. Le Grexit est en marche. La Tribune. 17/07/2015