Appel à Ismaël Cognard

24 Mai 2017

Ismaël Cognard a accepté de répondre à nos questions par téléphone. Ce compte-rendu détaille les principales réponses aux questions que nous lui avons posées.

À propos d’Ismaël Cognard

Ismaël Cognar est chercheur au CNRS d’Orléans. Il fait partie d’une petite équipe d’astronomes, dont le propos est d’utiliser le radio télescope de Nançay pour étudier les pulsars. Il y a là deux objectifs : étudier des pulsars déjà connus, et en trouver des nouveaux.

Le travail effectué est le suivant : ils effectuent des enregistrements à haute cadence, sur 1024 canaux qui couvrent une bande passante de 1200 à 1700 MHz environ. Toutes les 30 microsecondes, ils enregistrent les données sur un disque. Alors, ils essayent de nombreuses valeurs de dispersion du signal (DM pour Dispersion Measure en anglais, exprimée en parsecs par cm3) pour reconnaître un signal, et effectuent une transformée de Fourier pour étudier le caractère périodique ou non du signal.

De plus, ils font attention à l’émergence de signaux très brefs qui ressortent du bruit. Ce sont des signaux radio transitoires.

Monsieur Cognard a commencé à travailler sur les FRB depuis un an environ, et surtout depuis janvier 2017. Il faisait déjà beaucoup d’observations, mais jusqu’alors il ne savait pas s’il visait au bon endroit. La localisation de la source du FRB 121102 au début de l’année a montré qu’il cherchait à la bonne place. Depuis, il a trouvé en analysant ses données une dizaine de sursauts.

Désormais, il est en discussion avec Philippe Zarka et Fabrice Mottez pour publier un article à partir de ses données. I.Cognard est un instrumentaliste, un experimentateur : il met au point les instruments et techniques pour recueillir les données. Il ne se définit donc pas comme un théoricien, contrairement à P.Zarka et F.Mottez.

Sur la question des instrumentations

Pour beaucoup d’astronome qui travaillent sur les FRBs, la question principale est d’augmenter le nombre de détections mais aussi la rapidité de détection. Cela permet de lancer rapidement des alertes et de changer les cibles des télescopes pour recueillir des informations sur le FRB qui vient de survenir.

Aujourd’hui, il existe un programme sophistiqué, développé par les Australiens de Parkes, qui permet d’aller relativement vite, mais l’échelle de temps est tout de même de l’ordre de l’heure, voire du jour. En fait, les Australiens utilisent des instrumentations qui existent déjà, et ils ont implémenté un programme pour adapter les outils à la détection rapide de FRBs. Ils ont publié en mai sur ce procédé. Leur outil permet de détecter rapidemment un FRB (quelques dizaines de secondes), mais pour faire des mesures intéressantes il faut toujours un certains temps nécessaire à la mobilisation des outils nécessaires.

À propos des priorités données par les télescopes entre plusieurs sujets d’observation différents : les télescopes répartissent les temps de recherche aux équipes qui postulent. Si une alerte — de FRB par exemple — survient, l’observation en cours peut être arrêtée au profit de l’évènement exceptionnel. Cela arrive si cette dernière est une opération de routine, ou encore si le chercheur a spécifiquement accepté dans son contrat que son observation pouvait être arrêtée pour répondre à une alerte. Cela ne s’improvise pas, il faut faire partie d’une grosse équipe.

Observation et publication

Selon notre interlocuteur, il y a deux types d’observations. D’une part, il y a celles qui permettent de publier à elles seules : il y a suffisamment de matière pour appuyer une théorie et en faire part à la communauté scientifique. D’autre part, il y celles qui sont insuffisantes pour publier. Il faut alors contacter d’autres équipes de chercheurs, et mettre en commun les données pour faire une publication partagée.

I.Cognard pense que ses observations sont suffisantes, en nombre, pour être publiées. C’est pourquoi il a seulement contacté des théoriciens (Philippe Zarka et Fabrice Mottez).

L’organisation de la communauté scientifique

Il n’y a pas trop d’échanges, que ce soit par mail ou par téléphone, entre des astronomes de pays ou d’instituts différents.  La coopération est limitée, dans l’optique de se préserver. Les confrontations et discussions ont lieu lors des colloques, comme celui d’Aspen début 2017. Monsieur Cognard n’y était pas. Dans ce genre de colloque, il n’y a pas d’invitation, tout le monde peut venir. En revanche les spécialistes mondiaux qui auraient par exemple des sujets intéressants à présenter en conférence sont bien sûr invités.

 Les hypothèses

Monsieur Cognard, en tant qu’instrumentaliste, n’a pas vraiment de théorie privilégiée. Mais il observe tout de même les difficultés que chacune d’elle rencontre. Par exemple, l’hypothèse qui soutient que les FRBs sont des pulses géants est séduisante, mais elle n’explique pas les grandes différences d’échelle temporelle entre les signaux classiques émis par les pulsars et les FRBs. De plus, à la distance estimée des FRB, le signal devrait être très élargit ce qui n’est pas le cas. Une autre approche est celle des magnétars (des étoiles à neutrons avec un champ magnétique). Mais ici encore il y a un problème concernant la fréquence de répétition. I.Cognard reste dans l’expectative.

À propos des hypothèses impliquant des extraterrestres, I. Cognard a du mal à imaginer que ce genre de théorie soient vraie. Pour, lui, le but de ces articles est de faire un buzz, en incluant notamment de nombreuses comparaisons numériques. Et puis on estime qu’il y aurait entre 1000 et 10000 FRBs par jour, cela ferait beaucoup de tirs lasers ratés ! Pour autant, ce genre d’apparition peu sérieuse des FRBs dans la presse grand public ne le dérange pas plus que ça.

Les informations sur l’univers

Le travail de I.Cognard ne permet pas ce genre d’analyse. Le problème actuel réside dans le faible nombre de FRBs trouvés. De plus, lui n’en cherche pas de nouveaux, il est resté collé au FRB répéteur. Il faudrait d’énormes quantités de données pour les repérer tous : on en n’est pas encore là. A Nançay, ils clôturent en ce moment un programme d’observation de pulsars. Ils ont récupéré 50 To de données. Statistiquement, il y a seulement un demi FRB dans ces données (ils n’en n’ont pas trouvé). Le télescope de Nançay n’est pas adapté pour chercher un FRB, car il vise un endroit de ciel trop petit.

 Sa motivation

Tous les 20 ans environ, les astronomes se heurtent à un signal de type nouveau et de cause inconnue. Comme les Gamma Ray Bursts à la veille du XXIème siècle, les FRBs font partie de ces objets mystérieux qui défraient la chronique. Le premier a été trouvé par chance, et avec du temps on en a trouvé quelques autre… De plus, c’est un signal qui vient de drôlement loin, à plus d’1.000.000.000 d’AL , deux fois plus loin que les deux trous noirs qui ont fusionné, et qui ont émis des ondes gravitationnelles. Pour I.Cognard, le plus motivant dans leur étude, c’est de «  trouver ce que c’est ».