Comment détecter un FRB ?

Le manque manifeste de mesures est un point crucial de l’étude des FRBs, et explique pourquoi nous en savons si peu sur le phénomène à l’heure actuelle. On dénombre aujourd’hui moins d’une trentaine de FRBs observés dont les analyses ont été publiées (22 en se basant sur le catalogue d’Emily Petroff). Il est donc important d’expliquer comment ceux-ci sont observés et quels sont les outils utilisés pour cela.

Les radiotélescopes : de puissants et indispensables outils

Les télescopes permettant de repérer un FRB appartiennent à la catégorie des radiotélescopes. Seulement quatre observatoires ont permis de découvrir des FRBs à l’heure actuelle, même si d’autres ont été utilisés pour les regarder (notamment le FRB 121102 qui se répète). Celui de Parkes en Australie a permis la découverte du phénomène en 2007, et l’observation de la plupart des FRBs depuis. Le télescope UTMOST, lui aussi en Australie, a aussi beaucoup servi à l’étude des FRBs récemment, notamment grâce à une nouvelle méthode de détection. Enfin le Green Bank Telescope, aux USA, et le télescope d’Arecibo, à Porto Rico, ont chacun observé un sursaut. Le principe de base de ces télescopes est assez simple : ce sont d’immenses récepteurs qui collectent toutes les ondes radio d’une fraction du ciel, dans une certaine gamme de fréquences. Ils doivent donc avoir des caractéristiques spécifiques, en terme de fréquence, pour capter un FRB. Cela explique que très peu d’appareils sont techniquement capables de détecter un FRB (moins d’une dizaine à l’heure actuelle).

Radiotéléscope d’Effelsberg

Une légère variante : les interféromètres

Ces derniers sont constitués de plusieurs petites antennes, plutôt que d’une seule grande, et combinent les signaux qu’ils reçoivent pour aboutir à une meilleure résolution. Cependant, une de leurs limites est qu’ils ne collectent des données que toutes les quelques secondes, alors que les FRBs sont des impulsions de l’ordre de la milliseconde.

Dans le cas du Karl G. Jansky VLA (Very Large Array), les scientifiques poussent le télescope à ses limites pour obtenir des données jusqu’à 200 fois par seconde. Le télescope UTMOST en Australie fonctionne suivant le même principe.

Résolution spatiale et angles d’observation

La taille du faisceau et la zone du ciel observée par le télescope sont des facteurs déterminants. Les radiotélescopes se divisent ainsi en deux catégories: ceux favorisant la résolution spatiale et les autres la taille de la zone étudiée, les deux étant incompatibles. Certains comme le Very Large Array au Nouveau Mexique permettent des observations extrêmement précises de petites portions du ciel.

Vues combinées du télescope d’Arecibo et du VLA

Il faut tout de même garder à l’esprit qu’à l’échelle de la voute céleste, même les plus grands n’observent qu’un « pixel du ciel », ce qui justifie le faible nombre de mesures à l’heure actuelle. À titre d’exemple, il faudrait 800.000 faisceaux de la taille de celui du télescope de Parkes pour balayer tout le ciel. Une étude menée par Victoria Kaspi a estimé qu’environ 10.000 sursauts radios rapides atteignent la Terre chaque jour, mais que l’on en observe seulement quelques uns par an. Les radiotélescopes comme Parkes ou Arecibo ont un large « champ de vision », et sont pour cela plus susceptibles de recevoir un sursaut radio rapide. Cependant, leurs résolutions sont respectivement 600 et 150 fois moins bonnes que celle du Very Large Array ce qui empêche d’accéder à certaines informations qui pourraient s’avérer très utiles, et notamment d’identifier une source avec précision.

Pour en savoir plus sur les différents télescopes utilisés, n’hésitez pas à consulter la page dédiée.

On peut comparer sur l’image ci-contre la précision du télescope d’Arecibo et du VLA. Le télescope d’Arecibo permet de dire que l’origine du FRB est situé dans l’intersection des deux cercles tandis que le VLA permet d’affirmer que le FRB provient du petit carré.

L’analyse du signal reçu

Une fois les données récoltées par le radiotélescope, il est nécessaire de procéder à une analyse temps-fréquence des signaux reçus. Celle-ci permet de mettre en évidence des impulsions dont la dispersion est caractéristique de la propagation dans le milieu interstellaire (voire intergalactique dans le cas des FRBs). Cette technique génère donc des quantités de données immenses qu’il faut analyser et stocker. Les scientifiques doivent par ailleurs être vigilants en raison de nombreuses interférences d’ondes radio possibles.

La détection en direct : un nouvel enjeu

Une avancée récente dans la détection de FRBs est le fait de pouvoir les observer « en direct ». Auparavant, les données étaient traitées a posteriori et on ne découvrait donc pas de FRB le jour de son observation. Mais aujourd’hui, il existent des programmes en route sur certains télescopes qui analysent seuls les données radio captées. C’est à dire qu’il y a une grille de caractéristiques prédéfinies au travers de laquelle passent l’intégralité des signaux reçus. Une alarme est déclenchée si il y a un certain taux de correspondance. Dans ce cas, les scientifiques se penchent sur le signal et peuvent rapidement déterminer si il s’agit en effet d’un FRB.

« Currently the triggers are configured to give a few false positives rather than miss a real event, and the real-time nature of the pipeline enables the trained observer to provide immediate feedback. » Emily Petroff (1)

Maintenant, les appareils sont réglés de telle sorte à déclencher les alarmes pour quelques signaux qui ne sont pas des FRBs plutôt que pour manquer le signal.

 

Ces méthodes de détection automatiques permettent de réduire le temps de réaction entre la réception et l’étude du signal. De nouvelles mesures sont alors rendues possibles car on peut pointer divers appareils de mesure vers la source présumée du signal et acquérir de nombreuses informations.

« New instrumentation has decreased the time between observation and discovery from years to seconds, and enables polarimetry to be performed on FRBs for the first time. Previously, it was impossible to obtain polarization data for FRBs at Parkes. » Emily Petroff (1)

Ces nouvelles installations ont permis de réduire le temps entre l’observation du phénomène et son étude de l’année à la seconde, et ainsi permis de réaliser des mesures de polarisation sur des FRBs pour la première fois. Avant, il était impossible d’obtenir des infirmations sur la polarisation à Parkes.

 

L’enjeu de développer de nouvelles méthodes et outils de détection est alors crucial dans la controverse des FRBs. Les limites technologiques sont une des raisons majeures du blocage des avancées scientifiques dans ce domaine. Et lorsque les informations sont aussi éparses, la moindre caractéristique supplémentaire permet de faire des bonds en avant.


 (1) PETROFF E (2014, 12 Décembre) A real-time fast radio burst: polarization detection and multiwavelength follow-up, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, n°447