On a vu que la question du statut de l’Anthropocène dans la sphère géologique n’avait pas encore été tranchée. Pour autant, le presse s’est déjà approprié le sujet, publiant des articles annonçant l’entrée dans une nouvelle époque géologique propre à l’Homme. Certains de ces articles ont vu le jour avant même la fin du Congrès Géologique International à Cape Town en 2016 qui discutait de l’Anthropocène.

Pourquoi l’Anthropocène provoque-t-il un tel engouement médiatique ? Qu’est ce qui justifie la présence d’acteurs non scientifiques dans ce débat? Quel est leur intérêt? Ce sont des questions que se pose Patrick de Wever, qui remarque lui aussi que très peu des intervenants sur le sujet sont vraiment géologues.


Réveiller l’opinion

La première hypothèse serait de provoquer une réaction chez l’ensemble de la population. Soit, mais laquelle? Certains pensent que faire passer l’Anthropocène comme ère géologique déclencherait une prise de conscience générale sur les dommages que nous causons à la planète. Ces dommages seraient tels qu’ils affecteraient les écosystèmes et la structure même de la Terre. La comparaison avec les chutes massives de d’astéroïdes qui avait marqué la fin du crétacé (caractérisée par l’extinction des dinosaures et l’apparition d’une mince couche d’argile sur certaines zones de la planète) est alors envisagée et pousserait peut être à la réflexion. (Legros, 2015) C’est aussi l’hypothèse la plus probable selon Catherine Jeandel (Jeandel, 2017).

Néanmoins, le risque d’obtenir l’effet inverse existe également. En effet, admettre que l’action de l’Homme est une caractéristique de l’ère géologique dans laquelle nous vivons serait peut être une occasion de se dédouaner du problème. La question semblerait alors adressée aux géologues et non à l’individu lambda, suivant simplement le cours de son temps. (Fressoz, 2017)


Responsabiliser le public

C’est ainsi que l’on peut dégager un deuxième intérêt quant au statut de l’Anthropocène: celui de la responsabilisationL’Anthropocène servirait d’accusation. En mettant en avant certaines observations sur le climat ou sur l’environnement, on pourrait dénoncer des pratiques propres à tel ou tel système politique ou économique, qui se retrouverait alors accusé de “détraquer la planète”. C’est l’une des visions que développe Christophe Bonneuil. Vision qu’il a qualifiée “d’éco-marxiste”, dénonçant ainsi l’Anthropocène comme l’une des conséquences d’un capitalisme consommant toujours plus les ressources de la planète, sans s’intéresser à la finitude de celle-ci.  (Bonneuil, 2014)

On comprend donc pourquoi le débat lié à l’Anthropocène suscite une telle agitation. Il représente avant tout une occasion de faire entendre sa voix en se servant des constatations de l’évolution planétaire. Le débat, à la base scientifique, s’est finalement étendu pour devenir le terrain de jeu des politiques, des économiques et des philosophes qui cherchent alors à se justifier, se dénoncer, ou bien faire changer des mentalités.


Pour poursuivre le parcours, veuillez cliquer ici