Cholestérol et statines

La controverse de la prévention des maladies cardiaques via des statines

Si vous avez plus de quarante ans, il y a des chances que l'on vous ait déjà mis en garde contre le cholestérol. Peut-être même prenez vous des statines pour traiter un taux jugé trop important, comme plus de 5 millions de français recensés par l'Assurance Maladie (Assurance Maladie, 2013).

Depuis plus de vingt ans, les statines sont au centre d’une controverse médiatique et scientifique importante. Leur remise en cause est accompagnée d’un questionnement sur la réalité des dangers du cholestérol. Ce débat concentre de nombreux acteurs d’horizons divers - médecins et chercheurs,  journalistes ou encore patients - et se déroule dans un milieu hétérogène - entre les pages de la presse généraliste et spécialisée mais aussi sur les blogs de certains acteurs ou encore dans des interventions médiatiques.

Suivez notre visite guidée ou explorez vous-mêmes les nœuds de cette controverse ...

Introduction

Les maladies cardiovasculaires sont, d'après le Ministère des Solidarités et de la Santé, "la première cause de mortalité dans le monde" (« Maladies cardiovasculaires », 2016). Dans sa revue destinée aux professionnels de la santé publique, le Haut Conseil de la Santé Publique explique que "la réduction du risque cardio-vasculaire a été identifiée parmi les 104 priorités de la loi de santé publique votée en 2004 pour les cinq prochaines années" (Durand-Zaleski, 2004). Pour autant, la manière dont cette réduction doit intervenir est au centre d’une controverse.

Le miracle des statines

Après l'échec des fibrates comme traitement préventif (Dupagne, 2017), des chercheurs ont validé dans les années 1990 un traitement capable de faire baisser le taux de cholestérol, considéré comme facteur de risques des maladies cardiovasculaires (Scandinavian Simvastatin Survival Study Group, 1994). Ce traitement – appelé statines – est rapidement mis sur le marché.

Remise en question du traitement médical préventif

Un consensus quant à la pertinence de ce traitement existe et les prescriptions des statines augmentent (Assurance Maladie, 2013). Michel de Lorgeril, médecin et chercheur au CNRS, montre en 1999, qu'adopter un régime méditerranéen peut être plus intéressant que prendre un traitement à base de statines pour prévenir les risques cardiovasculaires (Lorgeril et al., 1999). Plusieurs médecins remettent alors en question la légitimité du traitement préventif via un abaissement du taux de cholestérol, notamment avec des statines. Cette remise en question a fini par entraîner une remise en question du consensus scientifique. Nous cherchons ici à rendre compte de ces phénomènes.

Ci-dessous, quelques dates importantes dans la chronologie de la controverse

1994
L’Étude 4S

La Scandinavian Simvastatin Survival Study est menée entre 1988 et 1994 sur 4444 patients atteints d’insuffisance coronarienne (« Randomised trial of cholesterol lowering in 4444 patients with coronary heart disease », 1994). Elle fait taire les sceptiques des statines (Dupagne, 2017). Aujourd’hui, elle est sujette à des critiques pour plusieurs raisons, dont les plus importantes sont son arrêt prématuré en 1994, ainsi que son financement par le laboratoire Merck De Loregeril, 2018).

1999
L’Étude de Lyon

Michel de Lorgeril et ses collaborateurs publient les résultats d’une étude démontrant l’intérêt du régime méditerranéen pour la prévention des risques cardiovasculaires, remettant en cause au passage l’intérêt des statines comme traitement préventif (De Lorgeril et al., 1999).

2017
La Haute Autorité de Santé clarifie sa position sur les statines

La Haute Autorité de Santé affirme, dans un communiqué de presse, le bénéfice des statines en prévention secondaire, c’est-à-dire pour des patients ayant déjà souffert d’un infarctus. Cependant, en prévention primaire, elle conseille de réserver les statines aux patients à haut risque cardio-vasculaire, comme ceux souffrant d’antécédents familiaux.(« Haute Autorité de Santé – Traiter l’hypercholestérolémie seule n’est pas suffisant dans la prise en charge du risque cardiovasculaire », 2017)

Deux plans de débat

Les personnes - chercheurs, patients, médecins, journalistes - qui interviennent dans cette controverse mettent en avant des positions complexes et nuancées, souvent sans s'interpeller directement. Ainsi, différents plans du débat se distinguent et ne se rencontrent jamais. Nous avons cherché à rendre compte autant que possible de ce qui ressemble à un dialogue de sourds.

Par exemple, parmi ceux qui considèrent que le cholestérol est dangereux, certains préconisent de formuler des taux à partir desquels le risque devient significatif (« Haute Autorité de Santé - Traiter l’hypercholestérolémie seule n’est pas suffisant dans la prise en charge du risque cardiovasculaire », 2017). Or, la discussion déployée n'est pas pertinente d'après les acteurs qui ne considèrent pas le cholestérol comme dangereux : rien ne sert de limiter une substance bénigne. Aussi, les conditions d'utilisation des statines ne font débat que si leur emploi est censé au départ.  Nous avons pu distinguer à plusieurs reprises de telles divergences qui ont enrichi notre analyse.

Les questions de la dangerosité du cholestérol et de l'emploi des statines sont ainsi indissociables : il est impossible de traiter l'opposition à la prévention des maladies cardio-vasculaires - et l'emploi d'un médicament prescrit à cet effet - sans examiner la discussion concernant le cholestérol comme facteur de risque. De plus, le sujet du cholestérol est un prérequis de la controverse sur l'emploi des statines.

Appropriation des concepts

Chaque acteur de cette controverse cherche à légitimer les éléments scientifiques qu'il avance pour justifier sa vision de la nature de la causalité qui lie le cholestérol et le risque cardiaque mais également sa façon de penser la relation entre cholestérol et statines. Notre analyse cherche à mettre en évidence cette appropriation des différents concepts par les divers acteurs, médecins, patients, sociétés savantes, journalistes...

Afin de mieux décrire et analyser ces interventions, notre travail s'est naturellement scindé en deux axes de réflexion. D'un côté, en quoi le cholestérol est-il considéré comme un facteur de risque de maladies cardio-vasculaires ? De l'autre, comment les préconisations de traitements préventifs sont-elles remises en cause ?

Une couverture de TIME Magazine de 1984, alors que le cholestérol est caractérisé comme ennemi de santé publique.

Le cholestérol est-il dangereux ?

Il est recommandé de suivre son taux de cholestérol dès ses dix-huit ans afin de prévenir les risques cardiovasculaires (« À partir de quel âge faut-il faire doser son cholestérol ? », 2010). Or, le cholestérol est aujourd'hui caractérisé de toutes sortes de manières - ennemi, ami, bon ou mauvais, fausse piste - sans qu'aucune ne mette tout le monde d'accord.
 
Quelle importance peut-on donner au taux de cholestérol dans la prévention ? Comment différencie-t-on un facteur de risque et une cause ? Quelle est la part d'arbitraire dans le choix d'un taux limite ?
Une couverture de TIME Magazine de 1999, après la remise en question de l'hypothèse lipidique.

Prévenir les risques : que peut-on préconiser ?

Les statines sont devenues un médicament courant - on parle d'une croissance d'un million de patients par an - prescrit à la fois pour faire baisser le taux de cholestérol et pour réduire le risque d'infarctus du myocarde et d'accident vasculaire cérébral (Assurance Maladie, 2013). En France, plus de 5 millions de personnes prennent des statines ce qui - à cause de son coût de plus d'un milliard d'euros par an - pousse l'Assurance Maladie à imaginer que ce mode de traitement puisse être amélioré (Assurance Maladie, 2013).

Que signifie prévenir les risques cardiovasculaires ? Comment comprendre l'efficacité du traitement à base de statines ? Comment prendre en compte ses effets secondaires ?

La structure du Rosuvastatin (de Vaccinationist)

Le site web suivant est un exercice réalisé par des élèves de première année de l’École des Mines de Paris dans le cadre du cours "Description de controverses". Ces sites sont le résultat du travail d’étudiants et sont mis en ligne pour des raisons pédagogiques et didactiques. Mines ParisTech décline toute responsabilité pour les erreurs et les imprécisions que peuvent contenir ces sites. Vos réactions et commentaires sont bienvenus. Pour signaler une erreur, réagir à un contenu ou demander une modification, merci d’écrire aux élèves et à la responsable de l’enseignement (madeleine.akrich (at) mines-paristech (dot) fr).