Les chasseurs : bénévoles écologistes ?

"Nous [les chasseurs] sommes écologistes, et de fervents défenseurs de la nature."

L’identité du chasseur ainsi que ses activités constituent des sujets continuellement en débat, et sont au coeur de la controverse. Tous ne s’accordent pas sur sa légitimité à oter la vie, et s’interrogent sur ses motivations. La communauté des chasseurs vend ses actions comme un acte écologique et bénévole, tandis que d’autres les considèrent injustes, comme un simple loisir qui n’a aucunement vocation à protéger l’environnement.

LA CHASSE POUR LE CHASSEUR : ENTRE LOISIR ET TRADITION

Qu’est-ce que la chasse pour le chasseur ? Comment se définit-il et quelles sont ses motivations ?

Beaucoup ont répondu qu’être chasseur est avant tout un loisir. Le chasseur prend plaisir à « s’occuper de son terrain, des animaux qui y résident, de leur habitat » indique la directrice déléguée chargée des questions agricoles (DDQA) de la FNC. C’est un passe-temps légal, reconnu et régulé par l’Etat. Les experts de l’ONCFS travaillant sur les oiseaux migratoires, indiquent qu’il faut « distinguer le prélèvement additif, qui réduit la population d’un individu, du prélèvement compensatoire, qui consiste à tuer une espèce qui va mourir naturellement dans un futur proche (ne survit pas à l’hiver par exemple) ». Ce dernier mode de prélèvement est purement récréatif.

 

 

 

L’ONCFS précise qu’il est parfois autorisé de chasser le loup pour limiter sa prolifération : dans ce cas, il s’agit d’un loisir et non d’un service publique. – Source : Unsplash.com

C’est également souvent une tradition, de famille, de village, ou même de région. Le chasseur se porte garant de la pérennité de ces traditions. La LPO, et en particulier ses agents travaillant sur les oiseaux migrateurs, définit la chasse comme « une forte tradition », et cite l’exemple de la chasse des petits oiseaux dans le Sud et le Sud-Ouest de la France. La fauconnerie, « tradition transmise de générations en générations » , selon la FNC, est aujourd’hui inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO : « Le chasseur ne définit donc pas son action simplement par un acte, mais bien par une volonté préserver des pratiques historiques. »

Dans sa campagne publicitaire sur la chasse en France, la FNC indique qu’ « être chasseur en France, c’est également appartenir à une communauté de plus d’un million de chasseurs, à une des 70 000 associations de chasseurs. Il y a en moyenne deux fédérations de chasse par commune : c’est pour certains l’unique de vie sociale possible dans des villages où toutes les autres associations ont déserté par manque de moyens. »

UN PASSE TEMPS A UTILITÉ PUBLIQUE

"Les chasseurs améliorent bénévolement l'habitat des animaux; leur travail équivaut à 50 000 ETP [équivalent temps-plein]"

Nombreux acteurs de la controverse, tous partis confondus, accordent aux chasseurs une utilité publique dans la régulation d’espèces et de la préservation de la nature. Ils sont les premiers en contact avec les animaux, à les étudier et à les connaître.

La LPO ainsi que d’autre organismes de défense du bien-être animal accordent que « pour les grands gibiers, la chasse est une bonne chose car il y en a trop. Les chasseurs permettent qu’une espèce nuisible ne prolifère pas, et donc en minimise lesdégâts.  » C’est par exemple le cas des sangliers, qui détruisent les cultures des agriculteurs. La FNC informe que les chasseurs ont un accord avec eux : ils peuvent chasser sur leurs terres s’ils les protègent, et doivent payer une indémnisation en cas de dégradation. « Ce système n’existe pas en Suisse, où la chasse est dans certaines zones interdites ; c’est au contribuable de payer un fonctionnaire « chasseur » qui se charge de la protection des terres.  » indique la DDQA de la FNC.

François Saldaqui, professeur en Gestion des milieux naturels et de la faune sauvage, souligne l’importance de l' »expertise locale dans la gestion de la faune sauvage ». Partant du constat que les dispositifs actuels sont inefficaces face à l’augmentation de population des grands gibiers, il met en valeur l’importance du travail des chasseurs et des « experts locaux » pour les améliorer. [27]

 

 

Sanglier sauvage marron – Source : Unsplash.com

Certains agents de la LPO travaillant sur la question des oiseaux migrateurs soulignent le comportement responsable de certains chasseurs, notamment les chasseurs de bécasses : « ils définissent un nombre précis d’animaux prélevables dans chaque zone et s’y tiennent avec rigueur. Ils mettent également en place des aménagements favorables à la vie des espèces. « 

… QUI N’EST PAS SANS ZONE D’OMBRE

'La tourterelle des bois a perdu 60% de sa population, et on continue d'en tuer."
Allain Bougrain-Dubourg
président de la LPO

Toutefois, beaucoup dénoncent certaines pratiques et abus des chasseurs, qui ne respecteraient pas le bien-être animal et la préservation de la biodiversité. Certains procédés sont à la source de nombreux débats, et remettent en doute le fondement écologiste de la chasse.

Premièrement, la chasse est plus développée en France que dans beaucoup d’autres pays d’Europe, voire trop développée selon certains : « les chasseurs ont le droit de prélever 64 espèces d’oiseaux, dont 20 en mauvais état de conservation », rappelle la LPO, « alors qu’en moyenne, 30 espèces d’oiseaux sont chassables en Europe ». L’organisation dénonce « le comportement irrespectueux » de certains chasseurs envers la biodiversité qui se contentent d’abattre les oiseaux les plus rares possibles, sans se préoccuper de l’éventuelle extinction de l’espèce. L’ONCFS dénonce également certains abus des chasseurs, qui chassent parfois dans des zones qui leur sont interdites (comme certaines zones d’agrainage des oiseaux).

 

Par ailleurs, certains chasseurs s’adonnent à des types de chasses qui créent beaucoup de polémiques. Parmi eux, la chasse à glue, qui consiste à piéger des oiseaux avec de la colle. Cette pratique n’est pas interdite, mais les organismes de protection du bien-être des animaux la dénonce pour sa cruauté et son non-respect du bien-être animal. La FNC indique que c’est un « phénomène certes compliqué, mais minoritaire. » Elle demande à ses détracteurs de « laissez les chasseurs tranquilles, pour ce que cela représente réellement ». 

On peut également citer l’exemple de la chasse à l’Ortolan, les petits oiseaux du Sud de la France qu’on trouve principalement dans les Landes. La LPO dénonce que cette tradition est interdite depuis 1950, mais certains chasseurs s’adonnent à un commerce parallèle illégal.

ACTEURS

Vous pouvez ici vous renseigner sur les acteurs qui interviennent dans cette controverse.

EN SAVOIR PLUS

CHRONOLOGIE

Une frise chronologique répertoriant les différents événements marquants de la controverse est proposée ici.

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BIBLIOGRAPHIE

Nous avons listé toutes les références (articles de presse, rapport, littérature scientifique, etc.), et citations que nous utilisons ici. 

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