Comment bien mettre en oeuvre la compensation ?


Imaginons. Vous êtes porteur d’un projet d’aménagement : une route, un lotissement, une ligne de train…Votre projet menace des écosystèmes : vous allez les bétonner, ou empêcher des espèces de se déplacer – pensez aux autoroutes – ou encore votre projet sera bruyant, polluant, très lumineux… Pour bâtir votre projet, il va falloir :

  • Réaliser, ou faire réaliser par un bureau d’étude, une étude d’impacts pour bien identifier quels dommages votre projet va faire subir à l’environnement. Si ces impacts sont significatifs, votre projet devra être reconnu d’utilité publique au terme d’une enquête locale.
  • Eviter un maximum de ces impacts, par exemple en modifiant le tracé de votre route pour ne pas détruire une mare – qui est un exemple de « zone humide », très riche en biodiversité
  • Réduire au maximum des impacts qui n’ont pas pu être évités : par exemple, installer des murs anti-bruit pour réduire l’impact sonore
  • Compenser les impacts résiduels, c’est-à-dire créer une contrepartie aux impacts restants. Cette contrepartie doit contrebalancer les effets que votre projet aura sur son environnement. Par exemple, cela peut passer par recréer ou restaurer des écosystèmes assez similaires à ceux que votre projet touche : planter des arbres, creuser une mare etc.

Mais où planter ces arbres ? Quand creuser la mare ? Combien de temps veiller à leur entretien ?

La compensation environnementale est, vous l’imaginez, un peu plus subtile que cela : on « ne compense pas, en France, des choux par des carottes ! ». Mais ces questions, aussi simples puissent-elles paraître, reflètent bien les points de divergence des acteurs de la compensation écologique autour de sa mise en oeuvre.

Dans cette partie, nous nous appuierons beaucoup sur les points de vue et remarques formulées par ces acteurs lors des auditions organisées par la « Commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi ». Cette Commission de Sénateurs a été constituée en novembre 2016 à la demande du groupe écologiste pour

« déterminer les difficultés de mise en oeuvre des mesures de compensation, et formuler des propositions facilitant la conduite de la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) »

Cette Commission a focalisé son étude sur quatre grands projets d’infrastructures, dont les mesures de compensation en sont à différents stades :

  • l’autoroute A65 entre Langeon (Gironde) et Pau (Pyrénées-Atlantiques) : l’autoroute est ouverte depuis 2010 et les mesures de compensation ont été mises en oeuvre.
  • la Ligne Grande Vitesse Tours-Bordeaux (train) : mise en service en 2017 (soit après les travaux de la Commission), les mesures compensatoires étaient en cours de mise en oeuvre lors des travaux de la Commission.
  • le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : le projet est évoqué dès les années 60, contesté au début des années 70, mis en sommeil puis confirmé en 2000 et finalement abandonné en 2018 . Au moment des travaux de la Commission, il était encore d’actualité, et les mesures de compensation étaient en train d’être dimensionnées.
  • le site de Cossure en plaine de Crau. Le projet est porté par CDC Biodiversité, société agissant pour la biodiversité, notamment en mettant en oeuvre les mesures compensatoires à la demande de certains porteurs de projets d’aménagement. Le site de Cossure, près de Marseille, est le premier site français de « compensation par l’offre », concept d’origine américain (mitigation banks). L’idée est de constituer une réserve d’écosystèmes restaurés – en l’occurrence une steppe semi-aride – qui pourra servir à la compensation de plusieurs projets d’aménagements locaux qui portent atteinte à ce type d’écosystèmes. Pour en savoir plus : c’est par !

Ca y est, vous avez quelques bases sur la compensation environnementale ainsi que sur quelques grandes infrastructures françaises dont nous allons reparler ! Alors, qu’est-ce qui divise les acteurs de la compensation écologique lors de sa mise en oeuvre ? Pour le savoir, nous vous invitons à lire les rubriques :

Où compenser ?


Quand et jusqu’à quand compenser ?


Références bibliographiques

Entretien avec un chef de projet de CDC Biodiversité, 2019,
Dantec Ronan et Membres du groupe écologiste, 2016, Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi dans la durée, Sénat. Adresse : http://www.senat.fr/leg/ppr16-075.html [Consulté le : 4 avril 2019].
Longeot Jean-François et Dantec Ronan, 2017, Rapport fait au nom de la commission d’enquête (1) sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi, Sénat.
Le Cain Blandine, 2016, « Notre-Dame-des-Landes, un bras de fer vieux de cinquante ans »,. Le Figaro.
CDC Biodiversité, 2016, « CDC Biodiversité »,. Groupe Caisse des Dépôts. Adresse : https://www.caissedesdepots.fr/cdc-biodiversite [Consulté le : 10 juin 2019].

Lien vers la bibliographie complète ici.