La législation, un rempart contre le « droit à détruire » ?

Les multiples rôles de l’état dans la mise en oeuvre de la compensation écologique

L’état est un acteur important de la compensation écologique, notamment car il a plusieurs rôles dans celle-ci, et son importance est soulignée par les acteurs de la controverse, par exemple  :

« Le rôle de l’État dans le respect de cette « séquence insécable »(ERC) est déterminant, rempart à ce qui est parfois appelé « le droit à détruire » »

Ces derniers dressent par ailleurs un éventail de ce que l’état accomplit :

  • L’état légifère : c’est en effet de ses instances qu’émergent les différentes lois qui fondent l’obligation de compenser ;
  • L’état vérifie la mise en place de la compensation ;
  • Parfois l’état est soumis à ses propres lois et doit lui-même compenser des actions menées pour des projets d’intérêt public.

Si la législation aujourd’hui imposée par l’état pourrait être considérée comme suffisante, ce n’est pas l’avis de tous : insiste par exemple sur le côté lacunaire de la législation.

« La législation reste assez évasive quant aux activités éligibles, ou du moins envisage une gamme assez étendue de possibilités : l’acquisition d’un habitat de grande qualité écologique, la restauration de l’habitat dégradé d’une ou plusieurs espèces protégées, l’extension d’aires protégées existantes, sous la forme de zones tampons les prolongeant ou de corridors facilitant les continuités écologiques. Le projet de banque doit être évalué et approuvé par les autorités environnementales. »

Valérie Boisvert souligne ici l’insuffisance du modèle législatif actuel qui reste flou sur ce qui entre dans le cadre de la compensation écologique.

Hélène Monin-Soyer propose de créer une nouvelle instance indépendante de tout ce qui existe dédiée à la vérification de l’application concrète, efficace et légale de la compensation écologique :

« Il est nécessaire de mettre en place un mécanisme de régulation indépendant. Cette indépendance doit se vérifier tant à l’égard de l’administration qu’à l’égard des opérateurs du secteur concerné pour vérifier la bonne application du triptyque éviter / réduire / compenser »


Un rempart à quelle échelle ?

La compensation peut se marquer à différentes échelles : est-ce fondamentalement une politique nationale ou locale ? Si les grands projets sont principalement concentrés dans des régions précises en France, les grandes firmes ont une ampleur nationale voire multinationale.

L’échelle locale est un point important de la compensation : c’est à cette échelle que chaque petit projet individuel est mis en œuvre. Il est donc nécessaire selon que les collectivités locales soient au plus proche et en interaction avec les projets qui pourraient porter atteinte à l’environnement :

« Partout, dans le Finistère, le Loir-et-Cher ou la Marne, les responsables des fédérations départementales tiennent des réunions locales pour présenter les contrats de prestation pour services environnementaux. Les agriculteurs prennent conscience que la biodiversité est une richesse à préserver et qu’ils ont un rôle à jouer en la matière. La loi sur la biodiversité a facilité cette reconnaissance. »

A l’échelle nationale, tout d’abord, l’état a son rôle de législateur, qui donne une cohérence globale à l’ensemble des lois sur le territoire.

D’autre part, l’état a lui-même un rôle à jouer dans la compensation écologique notamment car il en est un acteur actif, à travers les projets qui voient le jour financés par les fonds publics.

L’importance de la prise en compte d’une échelle plus large que l’échelle locale est soulignée par exemple par l’audition à la commission sénatoriale précédemment citée :

« Mme Évelyne Didier. – Vous pensez donc que les projets d’infrastructure s’insèrent dans une région et que c’est donc à l’échelle de cette région, qu’il convient de penser leur compensation et non projet par projet ? »

Dans un cadre plus global, les États rencontrent des difficultés pour s’accorder. Du point de vue Européen, montre que l’Union Européenne permet la coordination globale des États membres en renforçant les obligations de compensation :

« Les directives européennes sont venues renforcer la prise en compte de la compensation écologique dans le droit français. »

Outre des cas particuliers comme celui de l’Union Européenne, les États sont souverains et libres d’imposer ou non des mesures compensatoires (en dehors d’éventuels traités). Si en France le sujet est considéré et aboutit à une législation, ce n’est pas le cas dans tous les pays : les États-Unis, par exemple, dénigrent actuellement le changement climatique et sont peu soucieux de l’écologie. Il faudrait avant de parler de compensation prendre conscience des enjeux actuels concernant la préservation de l’environnement (retrait des accords de Paris par exemple). La législation en ce pays dépend de chaque état, et ainsi on trouve des états soucieux de compenser, et d’autres qui ne le sont pas :

« Dans l’État de Victoria par exemple, la compensation pour la destruction de végétation indigène constitue une exigence réglementaire ».

Les réglementations sont donc variées et dépendent fortement de la localité.


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Références bibliographiques :

Boisvert Valérie, 2015, « La compensation écologique : marché ou marchandage ? »,. Revue internationale de droit economique, vol. t. XXIX, n° 2, p. 183‑209.
Bernier Alain, Sablé Christophe, Deniaud Dominique, Bouligand Cyril, et al., 2017, Audition commune de M. Alain Bernier, président de la fédération départementale de Loire-Atlantique des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA 44), M. Christophe Sablé, secrétaire général de la chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire, M. Dominique Deniaud, président de la section locale de Loire-Atlantique de la Confédération paysanne, M. Cyril Bouligand et M. Daniel Durand, membres du collectif « Copain 44 », Sénat. Adresse : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20170206/biodiv.html#toc4 [Consulté le : 8 juin 2019].
Gouyon Pierre-Henry et al., 2016, Audition des représentants de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme (FNH), Humanité et Biodiversité, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), World Wildlife Fund (WWF), Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et France Nature Environnement (FNE), Sénat. Adresse : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20161219/ce_biodiversite.html#toc12 [Consulté le : 8 juin 2019].
Monin-Soyer Hélène, 2011, La compensation écologique: état des lieux et recommandations, Paris France, UICN France. Adresse : https://uicn.fr/wp-content/uploads/2016/09/Etude_Compensation_UICN_France.pdf.
Chevassus-au-Louis Bernard, Abel Jean-David et Thiévent Philippe, 2017, « Peut-on compenser les pertes de biodiversité ? »,. l’Humanité. Adresse : https://www.humanite.fr/peut-compenser-les-pertes-de-biodiversite-633119 [Consulté le : 13 mars 2019].

Lien vers la bibliographie complète ici.