Efficacité

Modifications du comportement des arbitres

 A sa mise en place au début de la saison 2018-2019, le dispositif de vidéo assistance à l’arbitrage a sur certains points modifié le comportement de l’arbitre pendant la rencontre. D’une part, il y a la prise en main d’un nouveau dispositif et de ses procédures associées. D’autre part, ce sont des convenances prises par le corps arbitrale se savant épauler par un nouveau système.

La prise en main d’un nouveau dispositif…

   Depuis le début de la saison, les arbitres disposent d’un nouvel outils. S’il est sollicité (et seulement s’il est sollicité) par l’arbitre vidéo, l’arbitre central peut revisionner un action et éventuellement modifier sa décision (voir dispositif). Mais les arbitres de Ligue 1 n’ont pas découvert le nouveau système lors de lancement de la saison. En effet, la mise en place de la VAR dans le championnat de France a été précédée d’une année de test et de formation et non précipitée suite au mondial 2018, comme le laissaient supposer certains observateurs.

   Cette procédure de formation, peu médiatisée, nous a été détaillée par un membre du SAFE (Syndicat Arbitre Football Elite) qui l’a vécue de l’intérieur au contact des arbitres professionnels. Les arbitres de Ligue 1 et de Ligue 2 s’entraînent à l’étude des ralentis et aux choix des différents point de vue. Cela est fondamentale si jamais, ils ont à revisionner certaines images, ils ne doivent pas se laisser abuser par des effets de d’optique et de vidéo. Les arbitres s’habituent aussi à la communication avec les arbitres vidéo. Ces derniers, qui se trouvaient dans un bus aux abords du stade en début de saison, sont aujourd’hui rassemblés dans un vidéo center à Paris. Enfin, ils sont formés au fonctionnement en VAR et AVAR (voir dispositif) permettant un surveillance constante de la rencontre.

   La formation ne reste pas au stade de la théorie, les arbitres mettent en pratique et testent le dispositif lors de rencontre amical ou de compétition espoir.

A l’issue de cette année de test et de formation (saison 2017-2018) les rapports de la DTA (Direction Technique de l’Arbitrage) sont positifs et la France est labellisée par l’IFAB pour mettre entre place la VAR dans son championnat.

Les arbitres de Ligue 1 et de Ligue 2 sont donc formés pour utiliser le dispositif s’ils sont sollicités par l’arbitre vidéo. En revanche en l’absence de sollicitation, les arbitres centraux doivent officier sans tenir compte de la présence du dispositif. En pratique, ce n’est pas si simple, un ancien arbitre international, que nous avons contacté pendant notre enquête, confesse que le comportement général des arbitraux centraux comme assistants peut être modifié par la présence du dispositif, et cela parfois hors du cadre défini par la procédure.

…qui prend le pas sur l’arbitrage conventionnel

    Certains journalistes et observateurs pointent du doigt des utilisations de la VAR ne respectant pas la procédure décrite par l’IFAB (voir dispositif).

   On assiste effectivement sur différents terrains d’Europe à des situations de flottements. Lors d’un cas litigieux, souvent sur un pénalty, l’arbitre semble douter et n’annonce pas clairement de décision. Après quelques secondes de floue, il tranche, guidé par l’assistance vidéo au bout de l’oreillette. Si cette utilisation n’entraîne pas de coupure significative et donc favorise la fluidité du jeu, elle n’est pas conforme aux règles du dispositif. En effet, la VAR ne peut intervenir qu’en correction d’une erreur de l’arbitre central et encore c’est pour lui suggérer de revisionner une action, en aucun cas pour se substituer à sa décision. Les arbitres centraux cèdent donc du terrain, au profit de l’assistance vidéo.

   Ce changement de direction a été constaté entre les phases de poules et celles à élimination directe du mondial Russe [21]. En effet, les phases de poules ont été marquée par une utilisation relativement importante du dispositif dans son cadre “normal”, conduisant parfois à plusieurs interruptions de longues minutes dans un même match. A partir des 8ème de finale, afin de limiter les coupures, l’arbitrage “à l’oreillette” est favorisé. La VAR semble ainsi disparaître aux yeux des (télé) spectacteurs alors qu’elle est en réalité de plus en plus présente.

   Jérôme LATTA souligne le même type de phénomène en ce qui concerne les signalements des hors-jeu par les arbitres assistants. Depuis la mise en place de la VAR, ces derniers signalent très tardivement les situations de hors-jeu, laissant au maximum jouer l’action parfois même alors qu’un but a été inscrit. Ce n’est que plusieurs secondes après la passe qu’ils lèvent leurs drapeau, comme s’ils attendaient une confirmation de l’arbitrage vidéo… En pratique, leurs situations est complexe, s’ils laissent se poursuivre une action menée par un joueur hors-jeu, ils ne prennent aucun risque, car en cas de but, l’action sera revisionnée. En revanche, en levant leurs drapeaux, ils prennent un risque, car si le joueur n’étant pas en position de hors-jeu, ils interrompent une action licite et là, la VAR ne peut pas intervenir…

   Ces erreurs, tolérées avant l’assistance vidéo, ne semblent plus acceptables… (voir La beauté de l’erreur). A cela, un membre du SAFE, interrogeait pendant notre enquête, répond que ce sont les nouvelles consignes de l’IFAB : laisser jouer au maximum les actions afin de ne pas interrompre par erreur une action qui pourrait être décisive. Cela pose la question de l’utilité des arbitres assistants dans ce nouveau cadre. En effet, s’ils ne doivent plus intervenir et que lorsqu’ils le font c’est guidé par l’assistance vidéo, leur rôle ne semblent plus capital…

   Que le recours à la VAR respecte ou non le cadre définit pas l’IFAB, l’utilisation du dispositif modifie en profondeur le comportement des arbitres centraux comme assistants. Ces derniers se disent (par l’intermédiaire du SAFE), quant à eux, satisfaits du dispositif. En effet, la VAR leur offre une certaine tranquillité, en sachant qu’ils ont droit à une seconde chance, leurs décisions sont soumises à moins de pression. Aussi, les arbitres constatent que les décisions sont moins contestées par les joueurs, ce qui permet d’exercer dans une atmosphère plus sereine.