Âme du football

Fluidité du jeu

Le maintien d’un jeu fluide et rythmé est au centre des préoccupations de l’IFAB lors de la mise en place de la vidéo assistance à l’arbitrage. Dans son étude préliminaire réalisée en 2016 par l’université de Leven, une des trois questions auxquelles doit répondre le rapport est : “Quel est l’impact de la VAR sur le match ?”

Jeu fluide ou haché ?

   Jérôme LATTA, journaliste opposé au dispositif, est au moins d’accord sur un point avec l’IFAB, la “continuité et le rythme de jeu” fait partie de l’essence même du football. Mais dans les faits les avis divergent… Pour ces de rythme et de continuité, le journaliste, rédacteur des Cahiers du Football pour Le Monde, réfute vivement l’argument pro-VAR : “Le dispositif fonctionnent très bien dans d’autres sports, comme le rugby ou le football américain…”. En effet, ces sports fonctionnent par séquences de possession intenses et des coupures entre les différents temps de jeu ne sont pas dérangeantes et au contraire parfois même salutaires pour des joueurs qui doivent reprendre leurs souffles. Dans le foot, tout est différent, la balle peut aller d’un bout à l’autre du terrain en quelques instants et changer rapidement de possession. Selon Jérôme LATTA, les interventions de la VAR viendraient couper ces temps de jeu, au détriment du rythme et de la fluidité du match.

A cela, un membre du SAFE (Syndicat Arbitre Football Elite) répond que “la VAR dans le football est différente que celle dans le rugby, elle intervient seulement sur des cas précis (voir partie dispositif), en cas d’erreurs grossières”. Il ajoute “Finalement, la VAR n’intervient pas énormément au cours d’un match. Cela peut casser rythme de la rencontre mais l’intervention est plutôt rapide”, confessant que l’utilisation du dispositif peut perturber le cours du jeu, mais de manière acceptable devant les possibilités offertes.

La LFP va dans ce sens en publiant des statistiques réalisées sur la moitié de l’exercice 2018-2019, la durée moyenne d’un match de Ligue 1 a diminué de quelques secondes depuis l’instauration de la VAR, ce qui traduirait une fluidification des rencontres [25]. Pour certains observateurs, cette diminution de la durée des matchs ne serait pas dûe à la VAR et traduirait plutôt un phénomène en réalité néfaste pour la continuité du jeu. En pratique, le temps additionnel ne serait plus réellement décompté et donc très souvent sous-estimé. Si les arrêts de jeu augmentent mais que la durée de la rencontre diminue, c’est ce qu’on appel le temps de jeu effectif (durée pendant laquelle il y a effectivement jeu) qui diminue. Les rencontres seraient donc plus hachées et on y verrait moins de foot. Enfin, la VAR ne serait pas innocente dans ce phénomène, les arrêt de jeu dû à l’utilisation du dispositif étant difficilement comptabilisés, c’est encore le temps de jeu effectif qui en pâtirait.

   Encore une fois, l’utilisation des statistiques est à l’origine est au centre des débats. Quand certains soulignent que les nombres de faute et de cartons distribués ont diminués avec l’arrivée de la VAR (les joueurs se savant observés, ils se montrent plus prudents), d’autres pointent du doigt des mains sifflées de manière abusive, à l’origine de temps morts et de pénalties généreux.

   Un ancien arbitre professionnel nous fait remarquer que la seule présence de la VAR permet de fluidifier certaines actions. En cas de doute, l’arbitre laisse jouer l’action sachant que la situation sera vérifier par la VAR. En pratique, il n’y a pas eu d’interruption, le jeu a été fluidifié. Pour Jerôme LATTA, cette utilisation de la VAR pose deux problèmes fondamentaux. Le premier est que cela est contraire au dispositif selon lequel l’arbitre central doit officier sans se soucier de la VAR et n’est sollicité par cette dernière seulement en cas d’erreur. Ainsi, il abandonne sa souveraineté à l’arbitre vidéo (voir Modification du comportement des arbitres). Aussi, cette pratique conduit à faire jouer certaines actions qui n’aurait pas dû avoir lieu (quand le doute du central ou de l’assistant était fondé) puis à les annuler quelques instants plus tard. Le journaliste appel cela le jeu virtuel. Pour lui, il s’agit d’une véritable attaque à la fluidité du jeu, en ôtant à un match des actions complètes, on le rend complètement discontinu.

   Enfin, le membre du SAFE pointe un système en rodage, nécessitant encore quelques réglages. Pour Jerôme LATTA, ce n’est pas une question d’ajustement puisque “les dysfonctionnements sont intrinsèques à la solution elle-même”. En effet, un système qui interviendrait moins poserait des problèmes d’équité, pourquoi intervenir sur cette situation et pas une autre quasiment similaire ? A l’inverse, un système qui interviendrait plus conduirait à un jeu haché, contraire au principe de fluidité, si cher aux amateurs du ballon rond