Justice

Justice sur le terrain

 Une réduction des erreurs d’arbitrage ? 

   L’un des principaux arguments des défenseurs de la VAR est l’équité que peut apporter la mise en place de cette technologie. Cette réduction d’injustice explique notamment la facilité des grandes instances, comme la FIFA et l’IFAB, à mettre en place cette nouvelle règle. Le but de cette technologie est avant tout de réduire les erreurs arbitrales qui peuvent et qui ont, du point de vue de certains en tout cas, pollué le football. Certains médias ont réclamé cette aide après les différentes erreurs arbitrales grossières. Nous pouvons par exemple citer le journal « L’équipe » qui titre ‘La vidéo, vite’ après la main de Thierry Henry pendant Irlande-France en barrage de qualification pour la coupe du monde 2010 [18]. M. Elleray, ancien arbitre international ayant pris sa retraite en 2003 et membre de l’IFAB, assure que l’exactitude et la précision de la décision arbitrale est la chose la plus importante sur un terrain de football [12]. Ce point de vue est confirmé par certains entraîneurs comme Rudy Garcia qui a, de longues années durant, réclamé cette technologie, et affirme désormais que la VAR réduit les « injustices ». L’IFAB, pour conforter leur décision d’avoir mis en place cette technologie, se réjouit dans le rapport issu de sa 132ème réunion annuelle le 3 mars 2018 que l’exactitude d’une décision revue à la VAR est de 98,8% : preuve, du point de vue de l’organisation, du succès de cette technologie [27]. 

   Jusque là, la VAR semble apporter plus de justice sur le terrain, pourquoi y-a-t-il donc un débat sur la question ? 

   Les détracteurs de la VAR remarque par exemple que le favoritisme envers les grands clubs n’a pas forcément disparu : certains remarquent notamment que la vidéo a plutôt profité aux grosses équipes pendant la coupe du monde 2018. M. Latta, journaliste des cahiers du football, remarque durant son interview que la vidéo peut influencer la décision arbitrale. Par exemple, l’intensité d’un tacle sur un ralenti peut paraître plus importante. Le SAFE insiste sur le fait que les arbitres sont conscients de ces biais que peut apporter la vidéo : ils ont été formés pour utiliser du mieux possible cette technologie et se  rapprocher de la vérité [22]. 

Un apport de confusion sur le terrain ? 

   La VAR peut également, selon certains en tout cas, apporter de la confusion dans les décisions arbitrales. Jérôme Latta par exemple regrette pendant son interview la tendance à vouloir tout examiner dans la surface de réparation. Cette mode de vouloir tout scruter rend, pour certaines situations, les décisions arbitrales difficiles. Prenons par exemple les mains : la vidéo permet à l’arbitre de voir toutes les mains des joueurs dans la surface de réparation, puisque la vidéo peut être utilisée pour annoncer un pénalty. Les mains les moins flagrantes sont donc désormais visibles : sont-elles volontaires ou non ? Cette question se pose alors : la vidéo ne permet pas de rentrer dans l’esprit des joueurs pour savoir si leur main était volontaire ou non. 

   Cela explique peut être le scepticisme de certains joueurs vis à vis de cette technologie. L’attaquant du Bayern Munich, Sandro Wagner, parle de l’inutilité de la VAR avec la persistance de nombreuses erreurs malgré son utilisation. Jérôme Latta lui, exploite les statistiques des 218 matchs de série A et remarque que la VAR n’a été utile que dans 4,5% des interventions : trop peu selon lui, cette technologie ne vaut pas le coup. Le point de vue économique de certains présidents est différent [19]. Jean Michel Aulas explique par exemple qu’une erreur d’arbitrage empêchant son club de se qualifier en Ligue des Champions coûte énormément d’argent. Si la VAR, même si elle n’est utile que très rarement peut limiter ce genre d’erreur, il en sera donc très satisfait. 

   En outre, de nouvelles « erreurs d’arbitrages » apparaissent : par exemple, certains entraîneurs, joueurs se plaignent maintenant de la non consultation de la vidéo de la part de l’arbitre pour vérifier sa décision initiale. Dans ce cas, le problème est juste décalé. Face à cet argument d’apport de confusion de la part de la VAR, le SAFE explique que cette technologie n’est là que pour supprimer les erreurs grossières et flagrantes de l’arbitre [22]. Dans le cas ou la VAR est appelée pour des situations litigieuses (main dans la surface volontaire ou non par exemple), la vidéo n’est qu’un outil supplémentaire pour l’arbitre. Puisque la décision est sujet à interprétation, quelque soit le comportement de l’arbitre face à l’action de jeu, on ne pourra pas parler d’erreurs puisque dans ce cas là, c’est totalement subjectif. 

La vidéo rassure-t-elle les arbitres ? 

   La justice sur le terrain, que la VAR est censée améliorer, pose également la question de la sérénité des arbitres sur le terrain : est-elle améliorée ? En théorie oui. À la réponse à cette question, Jérome Latta, qui connait de nombreux arbitres, ainsi que le SAFE, représentant des arbitres en France sont d’accord pour dire que les arbitres sont pour cette nouvelle technologie. En effet, les erreurs les plus grossières sont évitées et les grosses polémiques issues de ces graves erreurs leur sont épargnées. Cyril Gringore, arbitre international français, remarque notamment qu’en cas de doute sur un hors jeu par exemple, l’arbitre peut laisser l’action se dérouler, sécurisé par l’aide dont il a à sa disposition [13]. Concernant les polémiques, M. Latta affirme au contraire durant son interview que la VAR peut les amplifier et non les diminuer. Il s’explique : une erreur arbitrale avec utilisation de la vidéo est beaucoup plus scandaleuse qu’une erreur arbitrale sans. Dans ce cas, les critiques des arbitres seront plus violentes et ils n’en seront pas mieux protégés. 

Remise en cause de la notion d’erreur d’arbitrage. 

   Cette partie concernant la justice sur le terrain peut être conclue en analysant la notion même de faute d’arbitrage. L’argument cardinal des partisans de la vidéo est l’intolérance des erreurs arbitrales. Le postulat de base est le suivant : ces erreurs d’arbitrage sont devenues intolérables et ceci explique en grande partie la mise en place de la vidéo dans le football. La question est donc : sont-elles réellement intolérables ? Les partisans de la vidéo répondent bien entendu favorablement à cette question. Certains dirigeants, comme des présidents de club amènent même dans ce débat les enjeux économiques : une erreur d’arbitrage conduisant par exemple à une rétrogradation peut avoir de grosses conséquences sur la santé économique du club. En ce sens, l’erreur est intolérable. Les détracteurs de la vidéo considèrent eux que ces erreurs arbitrales font partie du jeu et participent même à la légende du football : nous pouvons penser à la main de Maradona par exemple renommée « la main de Dieu ». Pour les anti-VAR, les erreurs d’arbitrage sont devenus insoutenables à cause de la médiatisation du football. En effet, les chaînes de télévision pratiquent déjà l’arbitrage vidéo depuis 15-20 ans avec une obsession des ralentis sur les fautes. Cette construction des erreurs arbitrales comme insoutenables a masqué le fait qu’elles n’étaient jusque là que peu pénalisante pour le jeu.

   Nous remarquons donc que l’équité que peut approter la vidéo dans le football, grand argument qui a permis à la VAR de s’installer rapidement sans débats médiatiques importants, reste une source de débat.