la réponse des experts

Après la décision de la Cours Européenne, les réactions de la communauté scientifique est virulente. Un texte d’appel urgent aux autorités européennes à été rédigé puis signé en 2018 par des représentants de plus de 90 institutions et centres de recherches européens. Ce texte est intitulé Réglementer les organismes dotés d’un génome édité en tant qu’OGM a des conséquences négatives pour l’agriculture, la société et l’économie, un titre qui résume bien le contenu du document. Voici un extrait de l’introduction de ce document :

“Nous regrettons l’interprétation de la législation par la Cour, qui repose uniquement sur des processus, et concluons que la législation de l’UE sur les OGM ne reflète pas correctement l’état actuel des connaissances scientifiques. […] C’est pourquoi nous appelons toutes les autorités européennes à réagir rapidement à cette décision et à modifier la législation de manière à ce que les organismes contenant de telles modifications (édition du génome) ne soient pas soumis aux dispositions de la directive OGM mais relèvent plutôt du régime réglementaire applicable aux variétés obtenues de manière classique.”

Le CNRS et SPS sont les deux centres de recherche français signataires de ce document.

Les signataires de ce texte invoque l’argument de la pression démographique croissante. L’édition du génome permettrait notamment de mettre en place un agriculture et un élevage plus productifs, adaptés aux changements environnementaux. Plus important encore, cette technologie limiterait la quantité d’intrants agricoles et le défrichement car les cultures et troupeaux seraient plus résistants à leur environnement.

La décision européenne est basée sur le fait que l’édition du génome introduit des modifications du génome qui ne sont pas « naturelles ». Pour ces experts, ce n’est pas légitime puisque par définition, l’édition du génome introduit des mutations dans le génome. Or les mutations apparaissent naturellement et de manière complètement aléatoire chez tous les êtres vivants. Ainsi, l’édition du génome reproduit ce processus naturel mais en supprimant le facteur aléatoire.

Dans un communiqué de presse, M. Dirk Inzé, directeur scientifique du Vlaams Instituut voor Biotechnologie (VIB – institut flamand de biotechnologie) et l’un des initiateurs de la prise de position, a déclaré :

« Pour moi, cela illustre clairement la dichotomie actuelle en Europe : en tant que leaders européens dans le domaine des sciences végétales, nous nous engageons à apporter des solutions innovantes et durables à l’agriculture, mais nous sommes gênés par un cadre réglementaire obsolète qui ne correspond pas aux preuves récentes issues des recherches scientifiques. »

D’autres scientifiques soutiennent qu’il faut réglementer les produits en tant que tel et non la manière dont ils ont été obtenus. Avec cette décision, l’Europe condamne tous les produits issus de l’édition du génome sans vraiment considérer les bénéfices que certains peuvent apporter. Ainsi, nombreux sont les experts qui réclament une réglementation au cas-par-cas.

Le problème de la traçabilité

La Cour de justice européenne à jugé que les organismes modifiés par édition du génome sont des OGM, mais sommes nous aujourd’hui capables de différencier les mutations introduites par édition du génome des mutations naturelles. Autrement dit, ces nouveaux OGM sont ils traçables ?

La traçabilité des animaux édités importés en France est à maîtriser, faute de quoi la confiance du consommateur serait ébranlée et tout le système d’évaluation génomique biaisé.

Laurent SCHIBLER, responsable Développement & Innovation chez ALLICE dans le dossier de Présentation des interventions au
34e congrès annuel du Négoce Agricole, le 4 mai 2018 aux Sables d’Olonne.

Peu après la décision de l’UE de 2018, les experts de la commission européenne, en collaboration avec la firme Dupont Pioneer, ont publié un rapport d’étude dans lequel ils affirment que les organismes génétiquement édités sont traçables dans certains cas uniquement : il faut connaître par avance la partie du génome qui a été modifiée et disposer du matériel et d’une méthode de détection adéquates. Si le producteur d’OGM ne fourni aucune information, (on parle de dissémination illégale d’OGM) il faut alors mettre en œuvre des techniques beaucoup plus coûteuses et sophistiquées pour les détecter. Compte tenu de la loi en vigueur, ceci impose en théorie de contrôler les nouveaux produits introduits sur le marché, afin de vérifier qu’il ne contiennent pas de modifications génétiques. Ce contrôle risque alors de ralentir considérablement le marché concerné. En pratique, il est évident que tous les produits ne seront pas contrôlés. Dans le rapport de la commission européenne évoqué précédemment, les experts sont ainsi clairs sur la possibilité d’identifier ces nouveaux OGM, mais précisent également que le respect de la réglementation dépend en grande partie de la volonté politique, à savoir les moyens mis en oeuvre pour contrôler les produits.

Les experts rappellent dans leur rapport qu’aujourd’hui, aucun travail n’a été réellement mené sur la traçabilité des aliments génétiquement édités d’origine animale et végétale. Dans l’objectif de lutter contre la dissémination illégale d’OGM, les tentatives de contrôle des produits sur le marché seront probablement des échecs. En effet, grâce à une méthode de séquençage du génome, on est capable de détecter une modification mais il est actuellement très difficile de différencier une modification naturelle d’une modification artificielle.

Actuellement, la réglementation est donc difficile à appliquer et son avenir dépendra de la volonté politique et des moyens mis en oeuvre.