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Le dimanche, jour commun ou d’exception ?

AVANCEES SOCIALES ET ECONOMIQUE ?

La fin de l’ère du repos dominical ouvre des perspectives nouvelles dans une multitude de sphères de notre société. S’il est évident que le travail du dimanche aura des répercussions économiques importantes ce qui le justifie pour la majorité de ses défenseurs , d’autres aspects doivent également être pris en compte pour en mesurer tous les effets. En ce qui concerne les travailleurs, quels impacts aura-t-il sur les conditions de travail ? En ce qui concerne les consommateurs, quels impacts aura-t-il sur la manière de consommer ?

  • Une évaluation difficile

L’impact sur la croissance et sur l’emploi de l’ouverture des commerces le dimanche est difficile à évaluer. En effet, d’une part, les effets économiques sont nombreux et souvent antagonistes ; d’autre part, les attitudes des consommateurs sont complexes et leur prévision est elle-même délicate. De telles études sont pourtant cruciales pour justifier ou remettre en cause la pertinence du travail dominical. Les acteurs de la controverse sont très divisés à ce sujet. Pierre Gattaz ‒ alors président de la principale organisation patronale française, le Medef ‒ se positionne en faveur du travail dominical. Il évoque par exemple des pertes de chiffre d’affaire de l’ordre de 10% à 20% subséquentes l’arrêt des ouvertures dominicale dans de cas de Bricorama (Gattaz, 2013). Ce même acteur s’étend sur les conséquences positives de l’ouverture des commerces, qui se chiffrent au moins en gain de « milliers d’emplois » (Ibidem). Nonobstant, un avocat spécialiste du travail du dimanche affirme que l’ouverture dominicale n’est certainement pas la panacée, puisque certaines enseignes, ouvrant le dimanche, connaissent des difficultés économiques et finissent par fermer des magasins (Entretien, 2019). Plusieurs études ont tentés d’évaluer l’impact du travail dominical sur l’emploi avec des modèles plus ou moins sophistiqués et des analyses de situations dans des pays étrangers (Boulin & Lesnard, 2016). À la lumière d’un corpus de nombreux travaux abordant ce sujet, MM. Boulin et Lesnard observent que « les effets [de l’ouverture des commerces le dimanche] sont incertains »(Ibidem). De même, « [les conséquences] sur la croissance d’une plus grande ouverture dominicale [restent] un sujet controversé chez les économistes » (Bailly, 2013).

  • Une augmentation de la consommation ?

L’ouverture dominicale répond-elle à la demande des consommateurs et permet-elle d’accroître la création de richesses ?

Ceci est l’un des noeuds de la controverses étudiée, qui est d’autant plus clivant qu’aucune étude économique ne remporte l’adhésion des différents acteurs de la controverse. Pierre Gattaz (Gattaz, 2013) ou Richard Mallié ‒ député UMP puis LR, totalisant 259 interventions sur le sujet des dérogations au repos dominical selon le site nosdeputes.fr, à l’origine de la loi n°2009-974 dite “loi Maillé” ‒ cité dans un article du Monde (Zanetta, 2008), justifient l’ouverture des commerces le dimanche par l’existence d’une demande réelle et la volonté de donner plus de liberté aux consommateurs. Ceux-ci annonçaient également des retombées économiques importantes, qui sont advenues selon une vingtaine de députés LaREM qui évoquent  « [une hausse du] chiffre d’affaires des magasins de 15% « au sein des Zones Touristiques Internationales » et proposent donc d’étendre les ouvertures de commerces le dimanche (Europe 1, 2019). Loin d’être partagés, ces arguments, notamment l’accroissement de la consommation, sont vivement contestés par d’autres acteurs : ils « ne tiennent pas » (Terra Nova, 2009). En effet, pour ces derniers, la consommation des français sera identique car “le pouvoir d’achat des ménages sera lissé sur sept jours au lieu de six et le salarié ne sera pas payé davantage” selon Deijan Terglav ‒ secrétaire fédéral de FO en charge du commerce ‒, cité dans un article du Monde (Zanetta, 2008) et les achats seront au plus décalé au dimanche.

  • Effet du tourisme international

Selon le rapport de Jean-Paul Bailly, les ouvertures dominicales peuvent être bénéfiques à l’économie française en donnant la possibilité aux touristes internationaux de consommer davantage, en particulier dans le cas de séjours de courte durée (Bailly, 2013). Cet aspect est à l’origine de la création des Zones Touristiques Internationales (ZTI) en août 2015 (Public Sénat, 2014) (Bercy Infos, 2017). Une étude de la Direction Générale des Entreprises (Bismuth, 2017) assure que la mise en palce des ZTI a favorisé l’ouverture dominicale des commerces parisiens s’y trouvant et que les commerçants ont majoritairement une opinion positive ou neutre sur la création de ces zones dans Paris. Ainsi, dans le contexte de la hausse de la consommation touristique des étrangers en France (Lomonaco, 2019), le travail du dimanche peut être un facteur d’attractivité du territoire face à la concurrence des métropoles européennes (Europe 1, 2019) qui peut toutefois être remis en cause par la « complexité, le manque de lisibilité et l’instabilité » de la réglementation (Bailly, 2013).

      L’autorisation de travailler le dimanche donnerait l’opportunité à certaines catégories de la population d’exercer un travail. Une journaliste du Figaro  explique que les étudiants ne sont pas toujours en capacité de travailler pendant la semaine mais sont disponibles le week-end (Quillet, 2013). Seul le travail le week-end permet de combiner scolarité et travail. On trouve également des personnes qui ne voient pas d’inconvénients au fait de travailler le dimanche. Des personnes ayant moins de contraintes familiales peuvent préférer aller au travail le dimanche au lieu d’un autre jour de la semaine pour pouvoir bénéficier d’une majoration de salaire. Il est arrivé que des salariés rédigent des pétitions et organisent des manifestations pour réclamer le droit de travailler le dimanche. C’est en tout cas ce qu’ont fait des salariés de magasins de bricolage, comme on peut lire dans cet article de L’Obs (L’Obs avec l’AFP, 2013). Au même titre que dans l’industrie, où des salariés acceptent de travailler la nuit ou le week-end dans le cadre de conventions collectives, comme par exemple celle concernant les entreprises de l’industrie métallurgique de la région parisienne (Groupe des Industries Métallurgiques de la région parisienne, 2009), des personnes pourraient également faire le choix de travailler le dimanche. En effet, le travail de nuit est encadré par le code du travail qui garantit des droits supplémentaires par rapport au travail de jour. Par exemple, un travailleur bénéficie de repos compensateurs ou de compensations salariales (Article L213-4).

Toutefois, des personnes comme Gérard Filoche émettent des doutes quand au fait que certains avantages tiennent dans la durée (Filoche, 2014). Selon lui, les avantages accordés par les employeurs ne seraient que des mesures incitatives utilisées pour faire la transition jusqu’au moment où le dimanche deviendra un jour normal.

  • Augmentation du confort pour les clients, nouveau modèle de consommation

En premier lieu, la fermeture des commerces le dimanche “pénalise les clients”, selon Pierre Gattaz (Gattaz, 2013). De plus, une enquête IFOP pour Metronews en octobre 2013, repris dans le rapport de M.Bailly (Bailly, 2013), indique que “69 % des Français et 82 % des Franciliens sont favorables à l’ouverture des commerces le dimanche”. Le travail dominical, semblait alors plébiscité. Cependant, “selon un sondage BVA, 56% des personnes interrogées ont déclaré ne pas être favorables à travailler régulièrement le dimanche. En revanche, elles se montrent plus favorables si le travail dominical ouvre « droit à des contreparties comme par exemple le doublement du salaire et du repos compensateur ». Dans ce cas 63% des personnes interrogées acceptent de travailler régulièrement le dimanche” (Ibidem). Ainsi, en 2013, l’ouverture des commerces est majoritairement souhaitée, mais une minorité de français déclarent vouloir travailler le dimanche sans contrepartie. Il s’agit aussi, pour Hervé Morin,  d’un moyen de renforcer les commerçants face à la concurrence du commerce en ligne (Morin, 2013), dont les délais de livraison, toujours plus courts permettent la satisfaction quasi immédiate des désirs. Néanmoins, pour l’un des personnes interviewée (Entretien, 2019), cet argument et contestable puisque les enseignes de la grande distribution disposent elles aussi de sites internet et propose des services de livraisons. Le commerce en ligne peut aussi être considéré plus généralement « comme un facteur de transformation des activités » qui oblige les commerces traditionnels à s’adapter et à se réinventer (Bailly, 2013).

  • Quel modèle de commerce défendre ?

Ce n’est pas seulement le nombre d’emploi possiblement crées – ou détruits – qui importe, mais également le type de commerce affectés. La volonté de conserver “l’équilibre entre centre-ville et périphérie, commerces traditionnels et grandes enseignes” (Bailly, 2013), est une préoccupation politique qui est pris en compte dans les débats parlementaires. Ainsi un article visant « à autoriser, sous conditions, l’ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche après-midi dans les zones commerciales et les zones touristiques » a été supprimé car « L’ouverture des commerces de détail dans les zones commerciales pourrait conduire à un report de la clientèle toute la journée en périphérie au détriment des centres-ville »(Rapport n°1761 de l’Assemblée Nationale, 2019).

Le fait de travailler le dimanche peut avoir des conséquences sur la santé des salariés. C’est, en tout cas ce qu’affirme l’European Sunday Alliance, un regroupement de syndicats et de communautés religieuses européens qui défend la cohésion social et une répartition harmonieuse entre le temps de travail et de loisirs (European Sunday Alliance). Toutefois, on trouve assez peu d’études scientifiques ayant étudié l’impact du travail du dimanche sur la santé. On peut néanmoins trouver plus d’informations sur l’impact des horaires atypiques. Par exemple, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), une association travaillant sur le thème de la santé et la sécurité au travail, met à disposition sur son site internet des informations sur l’impact du travail de nuit sur la santé (INRS).

Sophie Cousin, journaliste santé, affirme dans un article que des études montrent que ces horaires atypiques peuvent avoir des conséquences sur la santé physique, notamment avec une augmentation des risques de développer des troubles cardiaques et du sommeil (Cousin). Une des raisons avancées est que le dimanche est souvent un jour de récupération où la personne peut dormir plus longtemps. Il est plus difficile de rattraper du sommeil en semaine si, par exemple, un des deux conjoints travaille.

De plus, selon l’European Sunday Alliance,  le travail dominical peut avoir un effet sur la santé psychique dans la mesure où les salariés travaillant le dimanche ont plus de difficultés à entretenir des relations sociales ou des activités en famille (European Sunday Alliance).

Evolution du débat au cours du temps