Diversité de classification

Peut-on parler d’une seule catégorie d’immigré lorsqu’on regarde les résultats scolaires ?

Jusqu’aux années 90, les comparaisons faites sur les résultats scolaires entre immigrés et natifs ne faisaient pas de véritable distinction au sein de l’ensemble des immigrés. On les séparait au plus selon leur groupe socio-économique et leur genre. La raison principale étant que l’argument de l’ethnicité est en France un sujet évité autant que possible dans une logique « antiraciste ». Ramener les immigrés à un groupe économique était moins polémique [14]. Ainsi, leurs résultats étaient mélangés quel que soit leur origine géographique ou leurs conditions d’arrivée.

Cependant, des chercheurs commencent progressivement à s’intéresser aux trajectoires individuelles des migrants et à ajouter de nouveaux critères de distinction. On peut dénombrer trois grandes catégories de jeunes issus de l’immigration : ceux nés à l’étranger et venus en France au cours de leur enfance, les enfants nés d’au moins un parent qui a immigré en France (dits de 1ère génération), et les petits-enfants d’immigrés qui ont des parents nés en France et ayant au moins un grand-parent qui a immigré en France (dits de 2nde génération).

Par ailleurs, les origines des migrants sont aussi multiples. Ils viennent principalement d’Europe du Sud, du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est. La première vague d’immigration recensée dans les années 50-60 dans les années est principalement européenne, d’Italie et d’Espagne, ce qui fait qu’à ce jour la majorité des petits enfants d’immigrés ont des origines sud-européennes. Mais à partir des années 70, on assiste plutôt à une vague migratoire venant d’Afrique et à partir des années 90, une vague migratoire venant d’Asie.

L’enquête Trajectoires et Origines menée en 2008 par l’Insee et l’Ined a permis de récolter, via des questionnaires distribuées aux familles d’immigrés, des informations précieuses permettant de retracer le parcours migratoire de chaque élève participant et le corréler à son parcours scolaire. Ces bases de données ont permis aux chercheurs de mettre en évidence des aspirations, des résultats scolaires similaires lorsque l’on s’intéresse à des aires géographiques particulières ou des générations précises de migrants. C’est le cas de l’étude menée par Vallot 2016 qui compare les résultats entre générations et entre pays d’origine afin d’y déceler des résultats différents du principe où l’on met tous les immigrés dans un groupe unique sans distinction [16].

Figure 1 : Régression logarithmique du ratio de poursuite dans le supérieur [16]

Comment lire ce graphique ?

Le point noirci correspond au logarithme du ratio de référence (les natifs) et les points clairs correspondent aux valeurs des immigrés. Il est aussi donné à titre indicatif un intervalle de confiance à 95% mais ici c’est le logarithme moyen représenté par le point qui a une signification.

Ce tableau met en évidence plusieurs résultats :

Le ratio d’immigrés et enfants d’immigrés souhaitant poursuivre dans le supérieur est plus élevé que le ratio des natifs.
Les petits-enfants d’immigrés ont des aspirations scolaires moindres que celles de leurs parents et du groupe majoritaire. Ils sont surtout indécis sur la poursuite des études après le bac.
Les élèves issus du Maghreb et de l’Asie du Sud-Est ont des aspirations plus élevées que le reste des aires géographiques. On voit que le ratio d’élèves venant de ces deux aires ne souhaitant pas poursuivre après le bac est très faible par rapport aux natifs. Et de plus, on observe qu’ils ne sont pas indécis par rapport au choix de la filière, ce qui est vérifié dans la vie réelle puisqu’ils s’orientent plutôt dans des cursus scientifiques.

Qu’en est-t-il des résultats scolaires ?

L’enquête PISA est un rapport international qui permet de comparer les scores des jeunes de 15 ans du monde entier notamment en mathématiques. Il est réalisé tous les trois ans par l’OCDE dans les 36 pays membres ainsi que des pays partenaires.

Une comparaison, réalisée par Fouquet Chauprade, des rapports de 2003 (date la plus ancienne pour laquelle on a des données) et ceux de 2015 (date la plus récente pour laquelle on a des données) montrent que l’écart de résultats entre natifs et immigrés s’est accentué, ceci dû à une baisse de performance des élèves immigrés [9]. Cette conclusion étant à nuancer selon l’origine géographique de l’élève puisque les résultats des asiatiques sont par exemple très supérieurs aux autres en mathématiques. On retrouve ces résultats sur le graphique suivant issu des archives de PISA.

Figure 2 : Comparaison des résultats migrants/natifs entre 2003 et 2012 Source : https://read.oecd-ilibrary.org/education/pisa-2012-results-excellence-through-equity-volume-ii_9789264201132-en#page77

Comment lire ce graphique ?

Les pics en noir et en bleu représentent la différence de résultats entre natifs et migrants sur le test de mathématiques en 2003 (en noir) et en 2012 (en bleu). Si le pic est positif, alors les natifs réussissent mieux sinon ce sont les migrants.

Dans l’ensemble des pays participant à l’étude PISA, la majorité des résultats sont en faveur des natifs en 2003 et en 2012. Pour la France, on voit que la différence en 2003 est d’environ 55 points alors qu’en 2012 elle s’est accentuée et vaut 65 points.

Ainsi, les inégalités de résultats entre natifs et immigrés existent mais il faut les observer sous des prismes différents afin de ne pas occulter des informations propres à certaines époques ou aires géographiques et arriver à des conclusions fausses et généralistes sur le groupe des immigrés. Il y a notamment des caractéristiques intrinsèques à la culture d’origine telle que le rapport aux études longues, aux sciences dures VS professionnalisation…

Enfin il est aussi possible d’étudier l’impact du facteur socio-économique au sein d’un même groupe d’immigrés, ce qui est l’objet de la seconde partie.